Dégradation de la voirie, racket des voyageurs par la police : l’enfer routier de la Guinée

Il y a encore quelques années, je faisais 6 à 7 heures entre Conakry et Labé. Cette fois, il a fallu 17 heures. Parti de Conakry le matin à 8 heures, je ne suis arrivé dans la cité de Karamoko Alpha qu’à 2 heures du matin. Principale raison de ce temps record, l’état de la route. Contrairement à mon avant dernier voyage, il y avait cette fois pas de barrages routiers. Après celui de la sortie de Coyah, il n’y a que celui de Kouria, qui a remplacé le tristement célèbre barrage du KM 36.

A la sortie de Coyah donc, il y a une forte présence des agents de la police. Pour passer, il faut présenter le fameux certificat de test Covid. A défaut, mettre la main à la poche. Inutile de préciser que l’écrasante majorité des voyageurs ne possèdent pas ce papier. Notre chauffeur demande à ceux qui n’ont pas ce document de voir rapidement le prix de cola pour les policiers afin de ne pas retarder. Sa solution s’avère payante. 5 000 francs peuvent remplacer le fameux test.

Juste après ce barrage, nous sommes confrontés à la dure réalité du pays profond. Après la poussière pendant la saison sèche, c’est désormais une énorme boue qui jonche la route. De Coyah à Kindia où, habituellement vous parcourez les 85 kilomètres en une heure, il faut désormais entre 5 et 6 heures. C’est le temps qu’on faisait autrefois entre Conakry et Labé qu’il faut entre la capitale guinéenne et Kindia, capitale de la Basse Guinée.

Si, paradoxalement, le piteux état de la route a réduit considérablement le nombre d’accidents, en revanche, les pannes, elles, battent tous les records. Vous ne pouvez pas faire 5 kilomètres sans trouver un véhicule en panne. Même les 4×4 n’échappent pas à la règle. Bien au contraire. Tout le long de la route, vous croisez des camions plateaux qui transportent des voitures en panne. Après 7 heures de route, nous voilà à Kindia. A priori, le plus difficile est derrière nous. Il y a désormais des endroits où le goudron est encore intact. Mais, d’autres sont encore pires.

Comme à Yombokhouré où il fallait amorcer voire affronter la montagne et ses virages. La particularité de cet endroit, par ailleurs paradisiaque, est que, même si la route est bonne arpenter cette montagne et ses virages n’est pas une promenade de santé. A ce défi pour le conducteur, il y a désormais la poussière ou la boue selon la saison. Cette fois ce fut, contre toute attente, la seconde. A 17 heures nous sommes à Linsan. Repas, repos et prière. L’objectif d’arriver à Labé avant la tombée de la nuit devient tout aussi utopique que chimérique. La prière du crépuscule est faite à Mamou. Nous continuerons donc la route au rythme de la tortue. C’est finalement vers 2h du matin que nous arrivons à Labé.

Pour celui qui va à Mali, la route Conakry-Labé n’est que la fumée. Le feu est plus loin. Habituellement je parcours les 70 km qui séparent la capitale régionale de Yembering pendant 3 heures maximum. Cette fois, il a fallu le double. Parti de Labé à 2 heures du matin, c’est à 9 heures que nous arrivons à destination.

Le retour

Au regard de ce qui s’est passé à l’aller, je décide d’être plus réaliste au retour, en effectuant le voyage en deux jours. Parti de Yembering le dimanche à 9 heures, je n’arrive à Labé qu’à 17 heures. Un record absolu. Cette fois l’objectif est de partir de Labé tôt le matin afin d’arriver à Conakry avant 22 heures, l’heure à laquelle le couvre-feu commence. Pour le besoin de la cause, nous livrons une véritable course contre la montre. Bien malgré tout, nous n’arriverons au barrage de Kouria qu’à 22 heures et 9 minutes. La route est donc barricadée par les agents. Pas d’entrée ni sortie de la capitale. Nous essayons en vain de convaincre le commandant des lieux de nous laisser passer dans la mesure où il n’était que 22 et 9 minutes.

Obligés de dormir, ou plus exactement de s’assoir dans la voiture jusqu’à 4h du matin, nous décidons de faire un léger retour en arrière pour garer dans une station-service où, au moins, l’endroit est plus propre. Tel ne fut notre bonheur de constater qu’il y a, dans cette station, une mosquée qui pouvait nous servir de refuge pendant cette nuit. Mais au fur et à mesure que les véhicules arrivaient de toutes les régions, la mosquée devient bondée. Si l’objectif du couvre-feu est de limiter la propagation de l’épidémie du Covid-19, la présence d’une trentaine de personne dans un espace d’environ 50 mètres carrés était trop risquée. Ce qui nous obligea à passer le reste de la nuit dehors.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

Téléphone : 664 27 27 47

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