Intérim du Premier ministre : les langues se délient

Ibrahima Kassory Fofana, ex Premier ministre guinéen
Ibrahima Kassory Fofana, Premier ministre, Chef du Gouvernement

La nomination de Dr Mohamed Diané comme Premier ministre par intérim alimente le débat. Beaucoup interprètent cette nomination comme les signes annonciateurs de l’éviction prochaine d’Ibrahima Kassory Fofana. Lequel n’est pas à sa première sortie du territoire. Mais, ses précédentes sorties n’avaient pas entrainé son remplacement. Alors, pourquoi maintenant, s’interroge-t-on.

Dans cette affaire, plusieurs faits sont à noter. Le tout premier est que le décès de la fille du Premier ministre n’est pas une affaire d’État. Ce décès relève de la vie privée de M. Fofana. Il ne devait en aucun cas avoir des implications dans le fonctionnement de l’État, au point de nommer un Premier ministre intérimaire. Car, si le déplorable décès implique l’absent du père de la défunte, en revanche cette absence ne signifie pas une incapacité d’assumer ses fonctions.

Dr. Mohamed Diané, Premier ministre par intérim, le ministre d’Etat, ministre chargé des Affaires présidentielles et de la Défense nationale

Cette nomination suscite interrogation parce qu’elle est une première. Aussi, quand on sait ce que le poste du chef de gouvernement représente en termes d’importance par rapport à celui du chef de l’État, on ne peut s’empêcher de se poser cette question : si l’absence d’un responsable entraine son remplacement provisoire, pourquoi l’intérim du chef de l’État n’est pas assuré pendant son absence. Même si on nous dira qu’avec la présence du Premier ministre, l’absence du Président de la République est moins pesante.

Cette hypothèse peut justifier la décision présidentielle par le fait que les deux têtes de l’exécutif ne peuvent pas quitter en même temps le pays. D’où la nécessité de nommer un Premier ministre par intérim jusqu’au retour du titulaire. Un bémol tout de même, l’intérimaire lui aussi était absent du pays au moment de sa nomination. Dans tous les cas, ce dernier sait désormais qui est son potentiel remplaçant dans l’équipe. Même si le porte-parole du gouvernement estime que cette nomination relève de la simple logique parce que le remplaçant vient deuxième dans l’ordre protocolaire du gouvernement.

Cette justification n’est qu’un raccourci facile, estiment certains observateurs. Pour ces derniers, la décision présidentielle n’est rien d’autre que le signe annonciateur du début de la guerre de succession. Notamment entre les militants de la première heure, auxquels Dr Diané fait partie, et les transhumants dont justement le Premier ministre est l’incarnation. En Afrique, c’est un secret de polichinelle que de dire qu’un homme politique ne veut pas connaître son successeur. C’est pour cette raison que nombre d’entre eux préfèrent mourir au pouvoir.

Si Kassory devait encore rester longtemps à son poste, il faudrait s’attendre donc à ce que ses relations avec le tout-puissant ministre des Affaires présidence et de la Défense connaissent un véritable coup de froid. Mais avec la confirmation de l’hégémonie du RPG originel sur l’État, les jours du Premier ministre à la Primature seraient comptés. D’autant plus que le pays est confronté à des crises tous azimuts. Dans le contexte actuel, aucun chef d’État ne peut maintenir son équipe. Reste à savoir si, à l’occasion de l’inévitable remaniement ministériel, le chef du gouvernement va céder sa place.

A supposer que la réponse à cette interrogation est oui, l’autre paire de manche serait qui pour occuper le poste. Car rien qu’avec l’intérim, les langues commencent à se délier. Les gens estimant que jamais par le passé la Guinée ne s’est retrouvée dans une situation où tous les postes clés sont entre les mains d’une équipe originaire de la même région. Pour son image, Alpha Condé sera obligée de jouer aux équilibristes. Ce qui peut donc faire rêver plus d’un et ouvre un autre débat…

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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