Taxe superficiaire de l’AMC : « à Koumbia, l’argent versé ne sert pas les localités impactées »

Ibrahima Sambégou Camara, président du Comité de concertation locale minière de Koumbia
Ibrahima Sambégou Camara, président du Comité de concertation locale minière de Koumbia

« En dix ans, dire que les neuf districts ont eu trois (3) postes de santé et deux (2) écoles de trois salles de classe pour plus de cinq milliards de francs guinéens (puisque rien que pour l’AMC, les montants cumulés font plus de cinq milliards de francs), on ne comprend pas où vont tous ces montants ? En tous les cas, contrairement au Code minier et aux instructions des autorités régionales et préfectorales, les localités impactées ne bénéficient pas des taxes superficiaires comme il se doit. En ma qualité de Conseiller communautaire, je suis contre cela. C’est du détournement…», a notamment dénoncé monsieur Ibrahima Sambégou Camara, dit Doss, lors d’une interview accordée à un journaliste de Guineematin.com qui était à Koumbia.

Le Président du Comité de concertation locale minière (CCLM) de Koumbia s’oppose donc catégorique à la mauvaise utilisation de l’argent versé par les sociétés minières, notamment l’AMC, dans le cadre de la taxe superficiaire, pour le compte des communautés impactées. 

« L’AMC donne beaucoup d’argent aux deux communes impactées (Wendou M’Bour et Koumbia). Cette année par exemple, c’est plus d’un milliard de francs qui a été versé aux deux communes, le 26 juillet 2021. Et, Koumbia a bénéficié de plus de six cent millions de francs. La CBG également verse des taxes. Mais, ce qu’il faut déplorer, c’est qu’à Koumbia, l’argent versé ne sert pas aux localités impactées… Normalement, quand vous enlevez les parts de la préfecture, de la sous-préfecture et du fonctionnement de la mairie, pour environ 20% du montant versé, le reste devrait servir à financer des actions de développement dans les localités impactées. Mais, pour le moment, ce qui est insignifiant », fulmine Doss Camara.

Guineematin.com vous propose, ci-dessous, le décryptage de cette interview :

Ibrahima Sambégou Camara, président du Comité de concertation locale minière de Koumbia

Guineematin.com : Dites-nous, c’est quoi le CCLM et comment il est constitué ?

Ibrahima Sambégou Camara : le gouvernement et les principaux acteurs impliqués ont constaté que partout où il y a les mines, il y a des problèmes avec les communautés impactées. Pour apporter des solutions, ils ont décidé d’installer partout où il y a l’exploitation minière ou en vue, un Comité de concertation locale minière impliquant l’ensemble des parties pour prévenir et éviter les crises. Chaque Bureau est composé de 30 membres administré par un exécutif de 9 personnes et ce Bureau est dirigé par un Président. A Koumbia, c’est moi qui suis le Président depuis 2016. Dans le CCLM, vous avez entre autres le Kalif de la localité, deux femmes, deux jeunes, des élus locaux, deux représentants des ressortissants (en l’occurrence Elhadj Mamadou Saliou Kaltamba, actuel maire de Koumbia, et Monsieur Dansa Kanté, ancien Gouverneur de région de Boké). Moi, je viens de la société civile, à travers l’ONG Lopotia. Depuis notre élection, nous avons bénéficié de plusieurs séances de formations et d’échanges liées aux activités minières dans  notre pays.

Guineematin.com : quel est le rôle du CCLM dans une localité ?

Ibrahima Sambégou Camara : le CCLM sert de croit de transmission entre les communautés et les sociétés minières pour prévenir et éviter les crises  qui pourraient impacter le bon fonctionnement des activités minières dans les différentes localités. En cas de problème à la base, les populations doivent passer par le CCLM et éviter de se faire justice et les compagnies minières également doivent être à l’écoute du CCLM pour apporter des réponses aux préoccupations légales et légitimes des communautés impactées. C’est ça le souhait du gouvernement.

Guineematin.com : depuis un certain nombre d’années, Koumbia est devenu une zone minière même si l’exploitation n’a pas encore commencé. Parlez-nous de la situation de ces sociétés dans cette commune rurale ?

Ibrahima Sambégou Camara : actuellement, la commune rurale de Koumbia enregistre la présence de dix sociétés minières. Mais, pour le moment, c’est l’AMC et la CBG qui s’investissent sur le terrain. Mais les autres aussi donnent des taxes. Depuis l’arrivée du Pr Alpha Condé au pouvoir, les sociétés minières versent des taxes superficiaires à nos localités. Depuis dix ans, les communes de Wendou M’Bour et Koumbia reçoivent des taxes pour le développement des localités impactées.

Guineematin.com : ces sociétés versent combien à la commune de Koumbia ?

Ibrahima Sambégou Camara : ce que nous savons, l’AMC donne beaucoup d’argent aux deux communes impactées. Cette année par exemple, c’est plus d’un milliard de francs qui a été versé aux deux communes, le 26 juillet 2021. Et Koumbia a bénéficié de plus de six cent millions de francs. La CBG également verse des taxes. Mais ce qu’il faut déplorer, c’est qu’à Koumbia, l’argent versé ne sert pas aux localités impactées. Ici, une fois que la remise est faite publiquement, l’argent destiné au développement des localités impactées n’est investi qu’au centre. Normalement, quand vous enlevez les parts de la préfecture, de la sous-préfecture et du fonctionnement de la mairie, pour environ 20% du montant versé, le reste devrait servir à financer des actions de développement dans les localités impactées. Mais, pour le moment, ce qui est fait est peu, voire insignifiant.

Guineematin.com : quels sont les districts impactés par l’AMC et qu’est-ce qu’ils ont bénéficié de la taxe versée par cette société depuis 2010 ?

Ibrahima Sambégou Camara : vous avez en tout, neuf districts qui sont impactés par cette société minière. Ce sont Madina-guilédji, Kémbéra, Madina-Bowé, Péti, Béssilé, Bhouli, Nétéré, Taguira et Guidali. Depuis 2010, les réalisations issues de la taxe de l’AMC, se résument à un poste de santé à Péti, à Sinta pont, à Kembéra, soit en tout trois postes de santé pour les 9 districts), une école de trois classes à Taguira et une autre école de trois salles de classe à Sinta Pont (dans le district de Guidali). Par rapport aux montants versés, vous verrez que ce n’est pas grand-chose. En dix ans, dire que les neuf districts ont gagné 3 postes de santé et deux écoles de trois salles de classe pour plus de cinq milliards de francs. Puisque rien que pour l’AMC, les montants cumulés font plus de cinq milliards de francs. Où vont tous ces montants ? En tous les cas et contrairement au Code minier, aux instructions des autorités régionales et préfectorales, les localités impactées ne bénéficient pas des taxes superficiaires comme il se doit. En ma qualité de Conseiller communautaire, je suis contre cela. C’est injuste, c’est du détournement d’objectif.

Guineematin.com : maintenant, qu’est-ce que vous comptez faire ?

Ibrahima Sambégou Camara : je suis réconforté. Puisque les autorités à tous les niveaux sont unanimes qu’il faut que l’argent payé soit utilisé dans les localités impactées, je demande au gouvernement de nous appuyer dans ce sens. Pour le moment ce n’est pas le cas à Koumbia.

Guineematin.com : vous êtes vous-mêmes un des ressortissants de ces localités impactées, n’est-ce pas ?

Ibrahima Sambégou Camara : bien sûr, je suis du District de Péti. Avant, cette localité était toujours connue pour ses gloires. Péti était toujours premier devant tous les autres districts de Gaoual du temps du PDG, le premier régime guinéen. Mais actuellement, vous voyez que ces districts sont oubliés et négligés.

Guineematin.com : si ces localités sont oubliées, c’est la faute à qui ?

Ibrahima Sambégou Camara : c’est la faute à la Commune, voire de tous les Conseillers. Si non l’argent versé pour le développement socioéconomique de ces localités devrait leur être donné.

Guineematin.com : et qu’allez-vous faire maintenant pour corriger cela ?

Ibrahima Sambégou Camara : nous allons nous retrouver pour trouver une solution très rapidement. Nous allons exiger que l’argent reçu soit investi vers le Bowé. Je vais demander aux populations de ces districts impactés d’être mobilisées pour réclamer leur droit. Et nous demandons aux autorités concernées de respecter les lois de notre pays, notamment le Code minier. Le CCLM se chargera de sa mission jusqu’au bout pour le bien de tous afin que cette injustice cesse. Et je peux vous assurer, une fois que cette prise de conscience est faite, rien ne se fera plus comme avant et les gens seront rétablis dans leur droit comme le veut la loi.

Interview réalisée par Abdallah BALDE pour Guineematin.com 

Tél : 628 08 98 45

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