Taxes payées par l’AMC à Koumbia (Gaoual) : « nos localités impactées sont oubliées », dénoncent des élus

Mamadou Dian Diallo, Président du district de Bhouli

Dans le cadre de la nouvelle politique minière du pays, traduite en 2011 par le Code minier, les compagnies minières versent chaque année aux communautés impactées des taxes superficiaires pour contribuer à leur développement socioéconomique.

A Gaoual, depuis 2010, l’Alliance Mining Commodities (AMC) verse aux communautés de Koumbia et de Wendou M’Bour, dans le cadre du Projet des Bauxites de Koumbia (PBK), une taxe superficiaire de plusieurs centaines de millions de francs. Pour le compte de l’année 2021, le montant était de 1 062 695 143 Francs guinéens. La cérémonie de remise du chèque a eu lieu à Koumbia, le 26 juillet en présence des autorités régionales, préfectorales et municipales ainsi que des représentants des localités impactées et devant les populations et de différentes structures concernées, a constaté Guineematin.com, à travers un de ses journalistes, présent à la rencontre.

Alors que tous les intervenants ont insisté sur la nécessité de privilégier le financement des projets de développement des communautés impactées, ces dernières ne semblent pas être la préoccupation de la Commune. Elles se sentent totalement oubliées, sinon lésées dans la répartition. C’est du moins le constat de Guineematin.com, tiré de la rencontre avec plusieurs acteurs sur le terrain.

Il faut noter que des 21 districts de Koumbia, 9 sont impactés par les compagnies minières, notamment l’AMC et la CBG. Il s’agit des districts de Madina-guilédji, Kembéra, Madina-Bowé, Péti, Bhouli, Guidali, Nétéré, Taguira et Béssilé. A ces neuf localités, il faut ajouter le district de Hounsiré, nouvellement créé.

Le Président du Comité de concertation locale minière de Koumbia, également Conseiller communal, Ibrahima Sambégou Camara, dit Doss, dans un entretien accordé à Guineematin.com, le 1er août 2021, confie que depuis 2010, il n’y a eu que trois postes de santé et deux écoles de trois classes construits dans ces localités impactées pour un montant estimé à plus de cinq milliards de francs guinéens.

Egalement, interrogé par votre quotidien en ligne, Séné Mansa Dounghou Bouda, le Président du District de Hounsiré, soutient que les populations de cette localité ne connaissent rien de l’utilisation de la taxe superficiaire de l’AMC.

Séné Mansa Dounghou Bouda, Président du District de Hounsiré

« Nous apprenons à la radio ce que l’AMC donne à la population de Koumbia. Nous avons besoin d’école, de poste de santé et d’ouvrage de franchissement, notamment sur la rivière Lengourouwol. Nous voyons des gens de la CBG chez nous et nous pensons que les taxes versées par ces sociétés devraient bénéficier à nos populations. C’est notre souhait le plus ardent », a exprimé cet élu local.

De son côté, Mamadou Dian Diallo, président du District de Bhouli, se range dans la même catégorie.

Mamadou Dian Diallo, Président du district de Bhouli

« Depuis 11 ans, on nous appelle de venir au centre de Koumbia ici pour participer à la remise du chèque de la taxe superficiaire. Soit c’est avec l’AMC ou avec la CBG. Mais réellement, nous ne voyons rien du tout chez nous. Peut-être que les montants sont tous utilisés par-là, au centre, en tous les cas, nous, on ne voit rien. Partout chez nous, l’AMC et la CBG travaillent, on ne voit rien », explique ce président de district. Il ajoute que son District est à 50 km du chef-lieu de Koumbia et les populations manquent pratiquement de tout, de postes de santé, d’écoles et de pistes rurales, notamment.

« C’est vrai, grâce à l’UNICEF, le district de Bhouli a une belle école de trois classes. Mais nous n’avons pas de centre de santé, les trois classes construites sont minimes par rapport aux besoins, je veux dire au nombre d’enfants à scolariser. Nous n’avons pas de pistes rurales praticables. Cela nous préoccupe lorsque nous apprenons qu’on envoie de l’argent pour nous aider, et que cela ne se traduit pas dans les faits », regrette-t-il.

Péti également, les populations vivent les mêmes réalités. Mamadou Yéro Camara, fonctionnaire à la retraite et agent environnemental dit ne rien savoir des réalisations de l’AMC dans cette localité.

Mamadou Yéro Camara, fonctionnaire à la retraite, Péti

« Pour le District de Péti, nous avons une école de trois classes, un poste de santé. Jusqu’ici, je ne connais aucune réalisation de l’AMC dans notre localité. Actuellement, notre plus grande préoccupation, c’est comment avoir des enseignants titulaires, des agents de santé et des médicaments disponibles, une piste rurale praticable et terminer les travaux de la mosquée en construction », sont entre autres les préoccupations de cette localité selon notable de Péti.

Mamadou Samba Sané, dit Kensan, notable de Kembéra ne se souvient d’aucune réalisation issue des taxes minières versées par l’AMC ou d’autres compagnies minières.

Mamadou Samba Sané, dit Kensan, notable de Kembéra

« Depuis longtemps, nous apprenons que cette société verse chaque année de l’argent pour aider les communautés impactées. Mais cela s’arrête à ce niveau. Pourtant, les autorités précisent que cet argent est destiné au développement des communautés impactées. Mais apparemment, il y en a qui le méritent plus que nous. Ici à Kembéra, le gouvernement nous a aidés à avoir une école et un poste de santé. Mais nous n’avons pas de route et nous manquons d’enseignants pour nos enfants. Donc, cet argent versé pour nos communautés devrait nous servir à surmonter ces problèmes. Premièrement, arranger notre route, dégager les ponts d’infortune, nous affecter des enseignants pour former nos enfants, et surtout nous aider à protéger notre environnement. Actuellement, nous sommes victimes de la dégradation de notre environnement. Avant, sur les 25 km de piste qui nous séparent du chef de Koumbia, au mois de juillet, partout l’eau coulait et les rivières étaient débordées. Ce qui n’est plus le cas actuellement. Nous, nous sommes des cultivateurs, nous ne connaissons que cela. Nous demandons à ce que les autorités s’impliquent pour arrêter la coupe abusive du bois et à encourager réellement le reboisement dans nos localités. Voilà nos priorités aujourd’hui », souligne ce membre du conseil de District de Kembéra.

Du côté du District de Madina-guilédji, c’est la même réalité. Boubacar Baldé se dit également préoccupé par cette situation et souhaite que la déclaration des autorités et des responsables de l’AMC soit appliquée à la lettre.

Monsieur Boubacar Baldé, président du district de Madina-Guilédji

« Madina-guilédji est une zone impactée par plusieurs sociétés minières, notamment par l’AMC et la CBG. C’est vrai, que le district bénéficie de certaines réalisations comme le pont à Fossou en cours de réalisation, financé par la CBG. Mais comme les fonds versés par les sociétés reviennent en priorité aux communautés impactées, nous demandons à ce que nos projets de développement soient pris en compte par la Commune et que ces fonds nous reviennent proportionnellement. Même les réalisations faites au centre, les hangars au marché, les kiosques et autres, vous ne verrez pas des gens de notre District bénéficier de quoi que ce soit. Ce n’est pas bon. Mieux, à Madina-guilédji, nous avons des secteurs éloignés des uns des autres qui ont besoin d’école, de poste de santé et de piste rurale. Nous avons également besoin d’un véritable soutien pour notre programme de reboisement. Nous sommes menacés par la sécheresse. C’est très sérieux. Depuis 10 ans, je ne me souviens d’une seule réalisation financée par l’AMC dans ce District. Alors que c’est mon District qui est la porte d’entrée du Bowé. C’est d’ailleurs l’ancienne capitale du canton de Bowé. Nous demandons à la commune que des corrections soient désormais apportées dans ce sens. Voyez-vous, il y a combien de collectivités à Gaoual ? Il y en a huit. Mais c’est Wendou M’Bour et Koumbia seules qui bénéficient de cette taxe. Pourquoi ? C’est parce que ce sont les deux Communes qui sont impactées. Dans ces Communes impactées, les communautés se trouvant dans les localités impactées devraient sentir cela. Mais pour le moment, ce n’est pas le cas », déplore le premier responsable du District de Madina-guilédji.

Selon le Président du Comité de concertation locale minière et conseiller à la Commune de Koumbia, depuis 2010, les réalisations de l’AMC à Koumbia se résument à trois postes de santé et de deux écoles pour plus de cinq milliards de francs guinéens.

Ibrahima Sambégou Camara, président du Comité de concertation locale minière de Koumbia

« Depuis 2010, les réalisations issues de la taxe de l’AMC, se résument à un poste de santé à Péti, un à Sinta pont et un troisième à Kembéra, soit en tout trois postes de santé pour les 9 districts), une école de trois classes à Taguira et une autre à Sinta Pont (dans le district de Guidali) », selon Ibrahima Sambégou Camara, dit Doss.

Pourtant, Fodé Diallo, un des responsables de l’AMC, a bel et bien insisté sur l’utilisation de la taxe superficiare, dont la remise du chèque pour cette année, a eu lieu le 26 juillet dernier :

Fodé Diallo, responsable des relations communautaires à l’AMC

« Le paiement de ces taxes est un moyen de participer au développement des communautés impactées de la préfecture de Gaoual en particulier et de la Guinée en général. Nous souhaitons que ces taxes soient une contribution au financement des plans de développement locaux des communautés impactées par notre projet, et qu’elles soient gérées dans une parfaite transparence et dans l’intérêt des communautés impactées ».

Pour cette année, la taxe superficiaire versée par l’AMC s’élevait à 1 062 695 143 Francs guinéens (un milliard, soixante-deux millions, six cent quatre-vingt-quinze mille, cent quarante-trois Francs guinéens).

Un montant a été réparti ainsi qu’il suit :

Commune rurale de Koumbia : 637 909 035  GNF (Six cent trente-sept  millions, neuf cent neuf mille, trente-cinq Francs guinéens) et 424 786 108 GNF (quatre cent vingt-quatre  millions, sept cent quatre-vingt-six mille, cent huit Francs guinéens) pour la Commune rurale de Wendou M’Bour.

De retour de Koumbia (Gaoual), Abdallah Baldé pour Guineematin.com

Tél : 628 08 98 45

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