Guinée : et si les raisons du retard des résultats des examens étaient ailleurs

Alors que dans beaucoup de pays l’heure est à la rentrée scolaire, en Guinée les résultats de certains examens de fin d’année sont toujours attendus. Devant ce retard, certains s’en prennent au ministre de l’Éducation nationale qu’ils qualifient d’incompétent. Comme si, dans un département ministériel, c’est le ministre en personne qui doit faire tout le travail. Un amalgame entre le ministère et le ministre.

En réalité, la nomination de M. Bano Barry a été une véritable incongruité dans la mesure où le chef de l’État devait savoir que cet intellectuel est devenu la bête noire de tous ceux dont les vivres ont été coupées par les reformes qu’il a menées dans l’enseignement supérieur. Voire dans l’enseignement tout court. Car les imbrications sont telles que tous les départements en charge de l’éducation ont été touchés par le nettoyage effectué par M. Barry.

Devant la démission de l’État, devenu la vache laitière de certains fonctionnaires, ces derniers avaient mis en place une mafia bien organisée. Le système consistait à dire que l’État est incapable de prendre en charge et de former tous les étudiants. Il fallait donc les orienter vers les privés. Paradoxalement c’est ce même État qui payait la formation des étudiants. Ce système mafieux avait fini par faire du privé l’État et l’État le privé.

Il ne fallait pas être un expert pour constater le conflit d’intérêt entre fondateurs des universités privées et fonctionnaires du département en charge de l’enseignement supérieur. L’État était devenu comme un père qui, se disant pauvre, confie ses enfants à un autre. Mais en même temps il doit dépenser ses enfants plus que s’ils étaient restés à la maison. Alpha Condé s’en était rendu compte. Il a cherché la personne qui devait poser le bon diagnostic et prescrire le bon remède.

En acceptant de mission périlleuse, l’universitaire avait pris un risque. Celui de provoquer les courroux de tous ceux dont l’intérêt serait menacé par cette réforme courageuse voire suicidaire. Devenu la bête noire de la plupart de ses anciens collègues, celui qui a osé mettre fin à cette mafia devait être tout sauf un ministre de l’Éducation nationale. Pace qu’il est dans un environnement très hostile.

Lorsqu’un ministre est entouré par des personnes qui rament à contrecourant, il va de soi que son département sera contre performant. Comme c’est le cas du ministère de l’Éducation nationale. Il ne s’agit pas de dédouaner un ministre et de justifier un retard inacceptable et injustifiable. Mais il s’agit de faire une lecture objective de la situation. Vous ne pouvez pas mettre une personne dans un environnement hostile voire agressif et espérer obtenir des résultats.

Pour le moment le ministre est consolé par le soutien du chef de l’État. Mais, tôt ou tard le système aura raison de lui. Avec la coalition de ceux dont les vivres ont été coupées et ceux qui estiment que le ministre n’a jamais mouillé le maillot pour le part, ce dernier a très peu de chance de rester longtemps à son poste. Comme beaucoup d’autres, il finira par tomber. Mais à la différence des autres, il aura au moins essayé d’assumer ses responsabilités, comme l’atteste la récente suspension d’un responsable de son département.

Actuellement le topo consiste à prouver à Alpha Condé qu’il a misé sur un mauvais cheval. Et l’amener à s’en débarrasser. Malheureusement parfois l’opinion publique joue le jeu du système mafieux en clouant au pilori le ministre. Sans savoir les tenants et les aboutissants du retard des résultats des examens de fin d’année. Ce dont il s’agit ici c’est l’avenir de tout un pays. Le ministre passera mais le pays restera.

Depuis l’organisation des examens jusqu’à la publication de résultats il y a un sabotage. Les réseaux sociaux ont été mis à contribution pour discréditer l’organisation des examens. Or, les Guinéens doivent savoir que rares sont les enfants de nos dirigeants qui étudient dans nos écoles. En sabotant le système éducatif nous faisons moins mal à Bano Barry qu’aux enfants de Guinée. Raison pour laquelle tous doivent œuvrer pour la crédibilité et l’efficacité de notre enseignement. 

Habib Yemberig Diallo pour Guineematin.com

Facebook Comments Box