Guinée : quand un coup d’État entraine un autre

Après les conférences nationales souveraines, suivies des élections pluralistes dans la quasi-totalité des pays d’Afrique francophone ainsi que la résolution de l’Union africaine criminalisant la prise du pouvoir par les armes, les coups d’État étaient devenus plutôt rares sur le continent. Et plus particulièrement dans l’espace francophone. Il aura fallu la rupture d’un contrat pour rompre un autre.

Les causes de la prise du pouvoir par la force sont connues. Il s’agit entre autres et principalement de l’absence d’alternance à la tête de l’État. Si la classe politique, l’armées et les citoyens savent que, quelles que soient la médiocrité et la cruauté d’un régime il va passer la main après dix ans dans le pire des cas, ils sont censés patienter. Mais lorsqu’on se rend compte que seule la mort du chef le sépare du pouvoir, le rempart de la société -qui est l’armée- est tenté de changer le cours des choses.

C’est donc le tripatouillage de nos constitutions pour faire sauter le verrou de limitation du nombre de mandat qui a fait renaître les coups d’États sur le continent. Il ne fait jamais dénoncer l’effet en occultant sa cause. Tant qu’il y aura des velléités de s’accrocher au pouvoir contre la volonté populaire, les coups d’États auront de beaux jours devant eux. Les exemples ne finissent pas. C’est la modification de la constitution par Mamadou Tanja au Niger qui avait provoqué le renversement du premier président démocratiquement élu au Niger. C’était le 18 février 2010. C’est la même cause qui avait entrainé la révolution burkinabè qui a chassé Blaise Compaoré du pouvoir le 30 octobre 2014.

Un coup d’État n’ayant jamais entrainé le départ d’un président en exercice en Guinée, Alpha Condé a minimisé le risque. Sans écouter ses amis, il a succombé à ce que feu Kelefa Sall avait qualifié de sirènes révisionnistes. Les conséquences lui ont été fatales. Alors qu’il aurait pu bénéficier d’une retraite bien méritée, il a préféré écouter ses thuriféraires. Lesquels lui ont dit exactement ce qu’ils avaient dit au président Conté : c’était lui ou le chaos. Autant Conté ne devait pas abandonner le pays entre les mains d’un aventurier, autant Condé ne devait laisser la Guinée entre les mains de « bandits ». Allez savoir qui sont-ils.

Aujourd’hui Alpha Condé traverse la même situation que le président Habib Bourguiba en 1987. Renversé par son Premier ministre le 7 novembre 1987, le père de l’indépendance tunisienne fut placé en résidence surveillée dans une villa privée. Le vieil homme prenait le téléphone fixe et appelait n’importe qui et n’importe comment pour marteler qu’il était le chef de l’État. Devant les dérangements qu’il causait à ses interlocuteurs, les nouvelles autorités coupèrent le téléphone. Isolant davantage un vieux et malade.

On peut imaginer facilement quel doit être l’état d’esprit d’un homme habitué à communiquer en permanence aussi bien avec l’intérieur qu’avec l’extérieur et qui est subitement privé de moyens de communication, y compris le téléphone. Or il n’est un secret pour personne que même un homme en résidence surveillée est privé de moyens de communication. A plus forte raison un prisonnier. En outre, même s’il peut communiquer, la plupart de ses interlocuteurs ne veulent plus parler avec lui. Quelles leçons de la vie !

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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