Mme Habibatou Camara sur les crimes du CNDD, le 28 septembre 2009 : « les militaires ont abusé de moi »

Habibatou Camara, victime survivante du massacre du 28 septembre 2009
Madame Habibatou Camara, victime survivante du massacre du 28 septembre 2009

Sous le CNDD (la junte militaire qui avait pris le pouvoir en Guinée après la mort de feu président Lansana Conté en 2008), de graves violations de droits humains ont été commises au stade du 28 septembre de Conakry. C’était le 28 septembre 2009, à l’occasion d’une manifestation, à l’appel des forces vives (syndicats, partis politiques, société civile), contre la volonté de Moussa Dadis Camara (président du CNDD) de se maintenir au pouvoir. Cette manifestation a été réprimée dans le sang par les forces de défense et de sécurité. Plus de 150 personnes avaient été tuées et plusieurs dizaines de femmes avaient été violées. Mais, douze (12) ans après ces massacres qui avaient indigné le monde entier, les victimes et leurs familles continuent de réclamer justice. Elles vivent encore avec les stigmates des horreurs qu’elles ont subies. C’est le cas de madame Habibatou Camara, une mère de famille, qui a subi ces violences extrêmes dans sa chaire.

A l’occasion de la commémoration du 12ème anniversaire de ces tristes évènements, Guinéematin.com est allé à la rencontre de cette victime survivante des massacres du 28 septembre. « Les militaires ont abusé de moi », dit-elle avec beaucoup de tristesse.

Ses souvenirs son encore fraiches et douloureuses, d’autant plus que la violence qu’elle a subie lui a valu l’humiliation et la stigmatisation dans son entourage. Et, c’est avec beaucoup de peine qu’elle parle encore de ce qui s’est passé jour au stade du 28 septembre de Conakry.

Madame Habibatou Camara, victime survivante du massacre du 28 septembre 2009

« Cette date me rappelle ce qui s’est passé au stade du 28 septembre en 2009, avec la junte militaire (le CNDD). Les militaires sont venus nous trouver avec nos dirigeants, on était venu manifester notre opposition à Dadis Camara. Soudainement, on s’est retrouvé sous les balles, certains sont tombés, il y a eu des portées disparus. Nous avons été massacré par les militaires guinéens dont je peux vous citer quelques noms. Il y avait Toumba, Tchiégboro, ainsi de suite. En plus, ce jour, moi j’ai été personnellement victime. Les militaires ont abusé de moi. Une chose à laquelle je ne m’attendais pas avec l’âge que j’ai. Il y avait d’autres militaires qui étaient là-bas et qui parlaient d’autres langues qui ne sont pas des langues de chez nous. Je ne sais si c’était des mots de passe. Donc, si la même date est arrivée aujourd’hui, on peut dire merci pour pouvoir parler pour les autres victimes qui y ont perdu la vie. Nous allons faire une commémoration demain à notre siège pour dire qu’ils sont toujours parmi nous. Qu’on cris pour montrer à l’opinion nationale et internationale qu’il y avait eu des massacres ici en Guinée le 28 septembre 2009 », a-t-elle expliqué.

Aujourd’hui mère de 4 enfants et toujours domiciliée à Boulbinet1, dans la commune de Kaloum, Habibatou Camara affronte chaque jour les conséquences de la violence qu’on lui a infligée. Et, dans son combat pour se relever, l’appui des ONGs lui a été d’une grande utilité.

« Après l’événement du 28 septembre 2009, avec le voisinage, on était marginalisé, stigmatisé. Dès qu’on commence à sortir, on attendait parler derrière. Les gens disaient qu’on était parti chercher ce qui nous est arrivé. Ils disaient que si on était resté chez nous, tout ce qui nous est arrivé n’allait pas nous atteindre. Mais, on ne répondait pas aux provocations. On a été stigmatisé. Mais, avec le temps, on a pu rencontrer les ONGs qui sont venues à notre secours. On ne fait que remercier notre présidente Hadja Asmaou qui est toujours derrière nous, qui est toujours à notre écoute. Grâce à elle nous avons des soins, les médecins sont là et nous avons un centre de consultation », a indiqué Habibatou Camara.

Enseignante de profession, Habibatou Camara était restée malade pendant six mois après l’abus dont elle a été victime. Et, aujourd’hui, elle regrette la mauvaise foi du régime d’Alpha Condé (le président déposé le 05 septembre dernier par un coup d’Etat militaire) d’organiser le procès pour situer les responsabilités et punir les auteurs de ces violences et tueries. Cependant, elle appelle les nouvelles autorités (le CNRD) à écouter les cris de cœur des victimes de ces évènements pour ne plus que de telles tragédies se répète en Guinée.

Madame Habibatou Camara, victime survivante du massacre du 28 septembre 2009

« Les dirigeants d’ici ont refusé de parler de ce dossier. Ils n’ont pas voulu, ils se sont tus dessus. Avec l’arrivée des nouvelles autorités, on ne fait que prier. On demande au Colonel Doumbouya (le président du CNRD) de faire face à nous, qu’il sache qu’il y a eu des femmes qui ont subies des maux et qui sont à l’attente. D’autres sont même malades. Personnellement, je suis tombée malade 6 mois après les massacres. J’ai abandonné mon travail d’enseignante durant 6 mois. Donc, on n’attend rien que la justice. On voudrait vraiment qu’il soit à notre écoute et qu’il vienne à notre secours pour entendre nos cris pour ne pas que la même chose se répète en Guinée. Nous voulons que justice soit faite pour donner la vérité du Droit. Nous demandons aussi qu’on soit dédommagé. 10 ans sans justice, ça nous fait assez mal, on le regrette », a-t-elle dit.

Mohamed Guéasso DORÉ pour Guineematin.com

Tel: +224 622 07 93 59

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