La presse privée marginalisée par le CNRD : le coup de gueule de Talibé Barry

Talibé Barry

La presse privée de Guinée est-elle marginalisée par le comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) ? C’est en tout cas le sentiment qui se dégage au sein de la corporation, un peu plus d’un mois après l’avènement au pouvoir de la junte militaire qui a renversé Alpha Condé. En effet, les journalistes des médias privés sont presque systématiquement empêchés de couvrir les cérémonies organisées par les nouvelles autorités du pays. A cela est venue s’ajouter l’attaque du siège de Djoma media par des militaires samedi dernier. 

Une situation qui suscite beaucoup de réactions ces derniers jours dans le monde médiatique guinéen. Réaction notamment de Talibé Barry, directeur de la radio FIM FM. Dans un entretien qu’il a accordé hier, mardi 12 octobre 2021, à Guineematin.com, le journaliste a exprimé son indignation face à l’attitude des agents des forces spéciales, qui ont effectué une descente musclée à une heure tardive (22 heures) dans les locaux du groupe Djoma media. Pour lui, il s’agit-là d’un véritable scandale, qui doit absolument être élucidé.

Talibé Barry

« Moi, je parle carrément d’une agression armée d’autant que cet incident qui s’est matérialisé par des coups de feu dans les locaux de Djoma est d’une telle gravité que c’est inimaginable que cela puisse se produire dans un pays normal et que cela soit mis sur le compte d’éléments des forces régulières  du pays, notamment des forces spéciales. Je pense que c’est une très mauvaise publicité qui est ainsi faite de ces forces spéciales, dont le commandant, jusqu’au 05 septembre, était l’actuel président de la transition, le colonel Mamadi Doumbouya. Donc, c’est à condamner vigoureusement. 

Et dans la logique de ce qui a été demandé par l’ensemble de la presse guinéenne, à travers les différentes associations de presse, on  exige davantage d’explications. Parce que malheureusement, la visite qu’une délégation du CNRD a effectuée sur les lieux, même si elle est salutaire, elle vise à rassurer Djoma, le discours qui a suivi cette visite de la part du colonel Balla Samoura, comporte beaucoup de zones d’ombre quant à la mission réelle de cette patrouille, quant à ce que les agents recherchaient réellement et surtout, on ne peut en aucun cas, quand il s’agit des locaux d’un média, y envoyer une patrouille  sans aucun mandat qui puisse justifier la présence de cette patrouille. 

Donc, c’est un scandale en soi. Et malheureusement, c’est un mauvais signal qui est envoyé à la presse. Le CNRD a fait à peine un mois au pouvoir et cela réveille en nous des souvenirs douloureux, des périodes qu’on a connus  dans ce pays sous le CNDD, la junte que dirigeait le capitaine Moussa Dadis Camara. On avait l’impression qu’il n’y avait pas de capitaine à bord et que des éléments pouvaient se lever et attaquer n’importe qui au nom de la junte au pouvoir », a déclaré notre confrère, tout en réclamant des sanctions contre les agents qui ont attaqué les locaux de Djoma media.

« Aujourd’hui, on demande bien plus que les explications données par le colonel Balla Samoura. On demande que des sanctions soient prises à l’encontre de ceux qui se sont comportés ainsi dans les locaux de Djoma et nous demandons justement ces sanctions en vertu d’un communiqué que le CNRD a publié contre tous ceux qui seraient auteurs d’agissements comme ceux auxquels on a assisté à Djoma. Déjà, nous nous avons des crampes à l’estomac, nous avons peur du traitement en tant que médias que le CNRD va nous réserver pendant cette transition, parce que cette transition n’est qu’à ses débuts. Lorsque, on ne le souhaite pas, on va être tenté, on va s’écarter des chantiers de la transition, qu’est-ce qu’on fera de la presse ? 

Parce que la presse a été critique sous le règne de Conté, elle l’est restée pendant Dadis et Konaté, elle l’est restée pendant Alpha Condé et elle le restera pendant le CNRD. Elle fera son travail. Plus personne ne pourra embrigader cette presse dans son élan de promotion de la démocratie, de la transparence, de la bonne gouvernance et en tant que chien de garde d’une gestion vertueuse de la chose publique. Il faut faire comprendre cela à  tous ceux qui seraient tentés d’avoir des écarts de comportements vis-à-vis de la presse », a fait savoir Talibé Barry. 

Le directeur de la radio FIM FM invite les nouvelles autorités guinéennes à revoir leur façon de faire, notamment en rendant à la presse privée la place qui est la sienne. « Vous savez, lors des concertations, la presse privée n’a pas eu la possibilité d’assister aux débats. C’est extrêmement grave, parce que cette salle est officiellement l’hémicycle. C’est la salle de l’hémicycle, la salle où siège la représentation nationale. Et la représentation nationale, c’est les députés, donc les élus. Alors, de par cette représentation aux yeux même du peuple de Guinée, cette salle ne saurait être interdite à la presse.

Surtout quand il y a une rencontre comme celle présentée comme une concertation ou des concertations entre les nouvelles autorités du pays et les composantes de la nation. La presse est une composante de la nation extrêmement sensible et importante pour qu’on décide de la priver de la possibilité d’être dans cette salle, d’assister aux débats. On suppose que là, tout ce qui se dit concerne la nation. Il n’y a rien de privé, de secret,  sinon le président de la transition allait recevoir les différents invités dans son Palais Mohamed V. Si on l’a fait au Palais du peuple, ça veut dire que c’est un événement auquel la presse doit avoir accès.

Donc, c’est quelque chose d’extrêmement grave, parce qu’on ne peut pas nous réduire à de simples personnes qui sont parties recueillir des propos au sortir de la salle plutôt que d’assister aux échanges. J’ai envie de dire que la coupe est pleine et qu’il faut que le colonel Mamadi Doumbouya ramène les autorités de la transition aux fondamentaux en matière de démocratie, parce que les médias privés ne doivent pas être traités comme des moins que rien. Nous sommes au début, au milieu et à la fin de toutes les actions de la vie. Donc, aujourd’hui, on ne saurait nous traiter comme on le fait », a dit notre confrère.

Alpha Assia Baldé pour Guineematin.com

Tél : 622 68 00 41

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