Les médias privés et la radio nationale écartés par le CNRD : « ça commence mal », dit Amara Camara

Amara Camara

« Dadis Camara pensait que tout ce qu’il faisait, c’était à la télé et c’était en direct… Mais, quand le Président Alpha Condé aussi est venu, la radio a été complètement exclue des programmes du Président… Aucun des voyages du Président Alpha Condé n’a été couvert par la radio nationale. Si on en a parlé, c’est peut-être quand il le décide, il dit à son reporter de faire quelque chose pour la radio nationale. Donc, c’est ce système qui a continué jusqu’à aujourd’hui. On pense que c’est la télévision nationale qui soigne leur image, alors que quand on doit communiquer pour la population, on ne doit exclure aucun média. Parce que chaque média a ses lecteurs, ses auditeurs et ses téléspectateurs. Il y en a qui préfèrent les sites d’informations, d’autres les radios privées et d’autres aussi la radio nationale… Je pense qu’il faut qu’on les conseille, parce qu’on ne peut pas déclarer la guerre aux médias, qu’ils soient publics ou privés. Les médias sont un mal nécessaire, il vaut mieux les avoir avec soi que de les avoir contre soi », a notamment dit Amara Camara.

Arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’Etat perpétré le 05 septembre dernier contre le régime Alpha Condé, le Comité national du rassemblement pour le développement (la junte militaire qui dirige actuellement la Guinée) ne développe pas actuellement de bonnes relations avec la presse privée, ainsi d’ailleurs que la radio nationale. Les proches collaborateurs de la junte écartent très souvent les représentants des médias privés et de la radio nationale lors des rencontres officielles. C’est le cas par exemple lors des cérémonies d’installation du Premier ministre, Mohamed Béavogui, et du Secrétaire général de la présidence de la République, le colonel Amara Camara, ainsi que lors de la visite du président Sierra Léonais, Julius Maada Bio, ou encore de la rencontre organisée mardi dernier, 12 octobre 2021, à la Primature, entre le Premier ministre et le secrétaires généraux des différents départements ministériels.

Très récurrent, ce rejet est teinté de mépris. Et, c’est le weekend passé que le Rubicon a failli être franchi, quand des éléments des forces spéciales (l’unité d’élite qui a déposé Alpha Condé le 05 septembre dernier) ont investi les locaux du Groupe Djoma Média avec des tirs d’armes automatiques. Ce comportement des militaires inquiète les professionnels des médias et suscite des interrogations sur la nature des relations que le CNRD veut entretenir avec la presse privée en Guinée.

Dans un entretien accordé à Guineematin.com hier, mardi 12 octobre 2021, Amara Camara, ancien rédacteur en chef de la radio nationale (RTG), estime que cette façon d’agir des nouvelles autorités de Guinée est à bannir. Amara Camara pense que la junte guinéenne doit revoir sa copie pour corriger ce « mauvais départ » avec la presse privée.

« Je me dis que c’était une descente qui était prévue. Eux (le CNRD), ils disent que ce n’était qu’une descente ; mais, c’est pour vérifier une information. C’est ce que colonel Balla Samoura a dit. Mais, moi je pense que s’il y a des informations autour, pas forcément les médias, mais de n’importe quel citoyen, l’idéal serait d’aller avec les règles. Et, ces règles, à mon avis, veulent qu’on convoque les gens ou alors qu’on vienne dans le temps imparti par la loi. Parce que normalement, à ce que je sache, les officiers de police judiciaire le disent souvent, qu’entre 6 heures et 18 heures, c’est l’intervalle requis pour des interventions de ce genre. Mais, si les gens viennent à 22 heures, et au de-là, pour dire que c’est pour vérifier une information, à mon avis, c’est trop faire. C’est effrayant pour un média. Quoi que l’on cherche aujourd’hui à rassurer les médias, je pense que c’est très compliqué. Et, ça commence mal. Je souhaite que ces gens revoient leur copie pour éviter qu’on ne continue à subir des telles descentes policières ou militaires », a dit Amara Camara.

Pour ce doyen de la presse guinéenne, la mise à l’écart des médias privés doit être débattue par les associations de presse pour trouver une solution.

« Cette question doit être débattue entre les associations de presse et les responsables actuels (le CNRD). Mais, je vous avoue que ce n’est pas seulement les médias privés qui sont exclus. A la RTG par exemple, même la radio nationale n’est pas associée. Les gens pensent que c’est la télévision nationale qui constitue le seul média qui peut porter leur message. Or, les Guinéens sont partagés entre les médias. Aujourd’hui, qu’on le veuille ou non, la radio nationale est l’un des médiums les plus écoutés en Guinée. Ne serait-ce qu’à travers les éditions d’informations qui sont synchronisées par les 35 stations des radios rurales de Guinée et par certaines radios privées de l’intérieur. Mais, quand les gens viennent, on dit que c’est la caméra qui intéresse les autorités », a indiqué Amara Camara.

A en croire ce journaliste de la RTG, de même que les journalistes des médias privés, ceux de la radio nationale souffrent également de ce sentiment d’être rejetés par les autorités guinéennes, surtout depuis l’élection du président Alpha Condé. Malheureusement, le CNRD est sur la voie de perpétuer cette mauvaise pratique à l’égard de la presse.

« Dadis Camara (qui était président du CNDD et de la Transition guinéenne en 2008, NDLR) pensait que tout ce qu’il faisait, c’était à la télé et c’était en direct. Ce qui n’était pas vérifié. Mais, quand le Président Alpha Condé aussi est venu, on pensait qu’il communiquait avec le bas peuple, notamment avec la radio nationale. Mais, la radio a été complètement exclue des programmes du Président Alpha Condé. Aucun des voyages du Président Alpha Condé n’a été couvert par la radio nationale. Si on en a parlé, c’est peut-être quand il le décide, il dit à son reporter de faire quelque chose pour la radio nationale. Donc, c’est ce système qui a continué  jusqu’à aujourd’hui. On pense que c’est la télévision nationale qui soigne leur image, alors que quand on doit communiquer pour la population, on ne doit exclure aucun média. Parce que chaque média a ses lecteurs, ses auditeurs et ses téléspectateurs. Il y en a qui préfèrent les sites d’informations, d’autres les radios privées et d’autres aussi la radio nationale. Mais, on laisse tous ces gens à côté… Je pense qu’il faut qu’on les conseille, parce qu’on ne peut pas déclarer la guerre aux médias, qu’ils soient publics ou privés. Les médias sont un mal nécessaire, il vaut mieux les avoir avec soi que de les avoir contre soi », a précisé Amara Camara.

Alpha Assia Baldé pour Guineematin.com

Tél : 622 68 00 41

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