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Les mots et les maux du ministre

Habib Yembering Diallo

Cher ami,

Je sais que tu as appris la nouvelle. Je ne sais pas si elle est bonne ou mauvaise. C’est l’avenir qui nous le dira. Bien malgré tout, je rends grâce à notre Créateur d’avoir inspiré mes deux bienfaiteurs pour que leur choix porte sur ma modeste personne.  Car je sais que je ne suis pas le plus méritant. Bien au contraire. Il y a des milliers d’autres qui peuvent faire mieux que moi.

Certains pensent que ma nomination est une consécration. D’autres parlent de bénédiction. Mais encore une fois moi je sais que c’est une tâche ardue. Une mission exaltante voire angoissante. Car, comme dit l’adage populaire, il ne faudrait pas que pas les gens me chassent chat pour attraper une souris. Cette mission est un défi. Un vrai véritable challenge Pour la première fois ton ami est soumis à la plus grande épreuve de sa vie.

Mais ce n’est pas pour tout cela que je prends la peine de t’écrire. Je le fais pour te parler de ma révolte face à la duplicité de notre société. Depuis ma nomination les gens se rendent subitement compte que je suis un des leurs. Amis ou parents. Notamment sur les réseaux sociaux. Chacun cherche dans ses archives pour trouver une photo qu’il a prise avec moi pour l’afficher. Cela me fait rigoler. Car il y a quelques semaines, ces mêmes photos existaient encore. Mais à l’époque elles étaient prohibées. Il était peu enviable de revendiquer son amitié et sa fraternité avec moi.

Entre le bagnard que j’étais et le ministre que je suis un peu d’eau a coulé sous le pont. Je ne suis plus le même. Après les amis, ou soi-disant tels, les parents aussi entrent dans la danse à leur manière. Certains m’ont proposé de faire un sacrifice pour demander la protection divine et pour la réussite de ma mission. Cette autre proposition me fait plus rigoler. Car, encore une fois, il y a quelques semaines j’avais beaucoup plus besoin de sacrifice pour me tirer d’affaires. Mais à l’époque il était aussi difficile de se réclamer de ma famille. Sous le prétexte qu’un tel sacrifice aurait été l’occasion pour que certains des miens me rejoignent là où j’étais, personne n’y a songé.

Pour te dire la vérité, j’aurais préféré que les gens me disent d’organiser une fête pour eux à cette occasion. Pour manger à leur faim et boire à leur satiété. Mais un sacrifice c’est pour nourrir celui qui a faim, habiller celui qui est nu, libérer le détenu, soigner le malade ou encore payer la dette de celui qui est endetté. Mais un sacrifice pour quelqu’un qui a déjà obtenu ce qu’il veut, je préféré le mot fête. C’est plus sincère.

Dans la foulée, quelqu’un a dit que mon histoire ressemble fort à celle du prophète Youssouf qui, comme le raconte avec détail le saint Coran, est sorti de la prison pour devenir le ministre de l’Économie et des finances. J’ai trouvé cette opinion plutôt blasphématoire. En aucun cas, je ne peux être comparé à un prophète. Mais notre société est devenue plus dangereuse et plus corrompue que celle dans laquelle Youssouf fut arrêté et emprisonné. Tout cela n’a d’autres objectifs que d’emballer le nouveau ministre que je suis pour remplir des poches insatiables. Mais ce que les gens ne savent pas c’est que mes deux bienfaiteurs font de la rupture avec les pratiques du passé un point d’honneur.

En outre, tu as dû remarquer les spéculations et les informations sensationnelles auxquelles les gens se donnent à cœur joie sur la toile. Estimant qu’entre mon autre patron et moi c’est le divorce. Comme si on était marié. Cela aussi m’a fait rigoler. Car ceux qui le disent le font à dessein. La plupart appartiennent à un parti qui ressemble à un navire dont capitaine ne respire plus et qui chavire. Ils prennent leur rêve pour la réalité. En quoi, selon toi, ma collaboration avec notre libérateur va entamer mes bons rapports avec mon autre patron ? En réalité, les gens manquent de bon sens. Si, hier, j’avais cédé au chantage de l’autre pour abandonner mon parti pour le sien, cela aurait été une trahison. Mais quoi de plus normal que je représente mon parti dans le nouveau gouvernement.

Cher ami, ce qui vient de se passer a davantage renforcé ma foi. Sans aller jusqu’à commettre le blasphème dont je parlais plus haut, la situation qu’a connue notre pays ces dernières semaines confirme les écritures saintes selon lesquelles Dieu donne le pouvoir à qui il veut et le retire à qui il veut. Tu te souviendras aussi de l’autre verset selon lequel après la traversée du désert c’est la promenade de santé. Ce n’est pas exactement comme ça que le texte est traduit. Mais j’essaie de contextualiser.

Tu te demanderas certainement depuis quand j’ai appris le livre saint. Pour répondre à cette interrogation, je te dirai que l’expérience douloureuse que j’ai vécue cette année a révolutionné ma vie. L’enfer d’ici-bas que j’ai connu m’a permis de me rapprocher de mon Créateur afin qu’Il m’épargne de l’enfer du monde éternel.

Ton ami, le ministre Habib Yembering Diallo, joignable au 664 27 27 47

Toute ressemblance entre cette histoire ministérielle et une autre n’est que pure coïncidence.

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