Me Thierno Souleymane Baldé : « Alpha Condé nous avait dénué nos droits fondamentaux »

Me Thierno Souleymane Baldé, avocat

Avocat au barreau de Guinée, Me Thierno Souleymane Baldé s’est illustré ces dernières années dans la défense des détenus politiques du régime Alpha Condé en Guinée. Il a assisté un nombre important de jeunes arrêtés dans la foulée de la répression des opposants du troisième mandat d’Alpha Condé. Et, cela lui a valu quelques soucis au près de certains barons du régime d’alors. Il a été victime d’agression par moment et son véhicule a même été injustement arraisonné par la police routière. Ce professionnel du droit avait alors assigné certaines personnalités et leurs entités en justice pour les préjudices qu’il a subi, mais les mises en cause n’ont jamais daigné répondre.

Finalement, une décision a été rendue en sa faveur par le tribunal de première instance de Mafanco ; mais, elle n’a jamais été exécutée, d’autant plus que l’un des maillons importants de l’exécution des décisions de justice (le ministère de la sécurité) faisait partie des condamnés.

Dans un entretien accordé à Guineematin.com, jeudi dernier, 04 novembre 2021, Me Thierno Souleymane Baldé est revenu sur ce feuilleton. Et, il met l’attitude des condamnés dans cette affaire de se plier à l’autorité de la loi n’était que la partie visible d’un vaste système de déni de justice mis en place par le président déchu Alpha Condé. Un système qui consistait à dénuer les Guinéens de leurs droits fondamentaux en violation flagrante des lois de la république.

Décryptage !

Guineematin.com : Vous aviez des démêlées avec la police à cause de l’arraisonnement de votre véhicule. Vous aviez même assigné en justice la direction nationale de police routière. Qu’est-ce qui s’est finalement passé dans cette affaire pour que vous n’en parlez presque plus ?

Me Thierno Souleymane Baldé : comme vous le rappeler, j’avais assigné à l’époque la Direction nationale de la police routière afin que je puisse obtenir justice compte tenu du refus à l’époque du colonel Zakaria Camara de permettre l’audition des personnes qui m’avaient agressé. Et, au-delà, on avait pris aussi ma voiture illégalement, parce que je l’avais garée devant le tribunal de première instance de Kaloum. J’ai assigné à la fois le gouverneur de la ville de Conakry et le ministre de la sécurité. J’ai obtenu une décision de justice qui les enjoignait de me rendre ma voiture avec une astreinte de 100.000 francs guinéens par jour de retard et le paiement d’un montant de 3 millions de francs guinéens comme dommage et intérêt. Mais, malgré cette décision de justice, malgré la notification par voie d’huissier de justice, le ministre de l’époque, Albert Damantang Camara, a refusé systématiquement de faire exécuter la décision de justice. Je me pose la question, puisque comme vous le savez, quand on parle de la justice, c’est d’abord les juridictions et ses décisions. Et, le ministère de la sécurité, c’est quand-même le maillon le plus important en ce qui concerne l’effectivité de la justice. Si les décisions de justice ne sont pas exécutées, il va de soi qu’elles n’ont absolument aucun sens. Qu’il y ait une décision de justice qui concerne le ministre de la sécurité et que celui-ci refuse l’exécution, cela est aberrant. Il a fallu l’avènement du CNRD au pouvoir afin de me permettre de récupérer ma voiture, mais elle était complètement gâtée. La coque était complètement détruite, les pneus pourris. J’ai dépensé plus de 3.500.000 francs guinéens pour la rétablir. Mais, la seule chose, c’est en fait de voir qu’au moment où monsieur Alpha Condé était au pouvoir, on se battait pour la l’instauration de la démocratie et de l’Etat de droit. A leur temps, on sollicitait à ce que la justice soit effective ; mais, on nous refusait systématiquement de jouir de nos droits et libertés. Maintenant, c’est les mêmes personnes qui reviennent pour réclamer que leurs droits soient respectés, à ce que la justice soit faite. C’est quand-même paradoxal. Vous savez, la justice doit fonctionner en tout temps, en tout lieu, quel que soit les circonstances. Ce qui était valable hier doit aussi être valable aujourd’hui. Donc, c’est important que nos concitoyens réalisent, et ceux qui sont au pouvoir aussi, que la raison d’être de la justice, c’est d’œuvrer à ce que les droits fondamentaux de chaque citoyen soient respectés, quelle que soit son affiliation politique, son appartenance ethnique ou sa région. Aussi longtemps qu’on n’arrive pas à faire en sorte que la justice soit effective, nous aurons toujours des problèmes dans notre pays.

Guineematin.com : Pour parlez d’une « astreinte » de 100 000 francs guinéens dans la décision de justice qui a été rendue en votre faveur. Vous comptez faire quoi maintenant, d’autant plus que la décision n’a pas été exécutée à temps ?

Me Thierno Souleymane Baldé : pour moi, l’objectif est de faire recours devant les juridictions compétentes, puisque c’est là que cela doit se faire et c’est ce que la loi a prévu. Je n’ai nullement cherché à tirer un gain quelconque, même si c’est vrai que la justice m’a donné raison et les a condamnés à payer des dommages et intérêts. Dès lors que j’ai récupéré ma voiture, même si c’est vrai que j’ai dû effectuer aussi pas mal de dépenses pour pouvoir la mettre en état, l’essentiel est que monsieur Alpha Condé n’est plus au pouvoir. Il nous avait dénué nos droits fondamentaux, il nous a traités comme si nous n’étions pas des guinéens ; et, aujourd’hui, il n’est plus au pouvoir. Nous avons fait des sacrifices, ces sacrifices sont payés, c’est la chose la plus importante. Désormais, il faut qu’on prenne une direction différente et veiller à ce que la justice, comme l’affirme le CNRD, soit la boussole de chaque acteur de la société afin de consolider l’Etat de droit dans notre pays.

Guineematin.com : rappelez-nous combien de temps, votre véhicule a passé à la police ?

Me Thierno Souleymane Baldé : elle a été arraisonnée pendant plus d’une année, puisqu’elle a été prise au mois d’octobre 2020, et je l’ai récupéré au mois d’octobre 2021.

Interview réalisée par Alpha Assia Baldé pour Guineematin.com

Tel : 622 68 00 41

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