Dr Amadou Bah : « en Guinée, 3 personnes sur 10 sont des diabétiques méconnus »

 

Dr Amadou Bah, endocrinologue, médecin chef du service diabétologie de l’hôpital régional de Conakry

L’humanité a célébré dimanche dernier, 14 novembre 2021, la journée mondiale du diabète. Un événement annuel dont le but est de sensibiliser le grand public sur la lutte contre cette maladie chronique, en nette progression en Afrique subsaharienne particulièrement. A cette occasion, un journaliste de Guineematin.com est allé à la rencontre de Dr Amadou Bah, endocrinologue, médecin chef du service diabétologie de l’hôpital régional de Conakry, situé à Entag-Nord. Ce spécialiste a expliqué notamment les facteurs qui peuvent entraîner le diabète, les complications liées à cette maladie et les comportements à adopter pour l’éviter.

Décryptage !

Guineematin.com : le diabète est aujourd’hui un problème de santé publique. En Guinée, tout comme dans la plupart des pays du continent africain, elle est devenue une grande préoccupation. Pour commencer, parlez-nous de cette maladie.

Dr Amadou Bah : le diabète est une maladie métabolique, c’est-à-dire une maladie du sang. C’est une augmentation du taux de sucre dans le sang, qu’on appelle l’hyperglycémie. Cette hyperglycémie est due soit à un manque de production de l’insuline par le pancréas, soit à un défaut d’utilisation. C’est-à-dire, le pancréas produit l’insuline mais cette insuline-là est mal utilisée au niveau périphérique, au niveau des muscles et du foie et du coup. Et cette hyperglycémie-là se manifeste par des signes cliniques du diabète : une augmentation du besoin d’uriner, qui devient fréquent et survient nuit et jour avec des urines abondantes, une perte de poids malgré un appétit qui augmente, une fatigue importante.

Guinmatin.com : quelles sont les causes du diabète ou alors les facteurs de risque ?

Dr Amadou Bah : l’âge est un facteur de risque diabétique, le fait d’avoir un parent diabétique dans sa famille en est un, la consommation abusive de l’alcool, la consommation de tabac, la sédentarité (le fait de ne faire aucune activité physique). Ce sont là quelques facteurs qui peuvent entraîner le diabète. Les adultes peuvent avoir des petites glycémies sans signes cliniques. C’est pour cela que certains ne vont pas à l’hôpital, parce que chez nous en Afrique, il faut avoir mal pour aller à l’hôpital.  Or, on peut avoir des hyperglycémies sans douleur et elles sont accumulées jusqu’à ce que les complications s’en suivent. C’est à ce stade de complication-là que le diabète est décelé alors qu’on devait venir un peu plutôt.

Guineematin.com : est-ce que le fait de consommer beaucoup de sucre aussi peut causer le diabète ?

Dr Amadou Bah : non, le fait de consommer du sucre ne donne pas le diabète. Mais, quand on est diabétique et que la glycémie est élevée, quand on prend le sucre, le taux de sucre aussi augmente directement dans le sang. Donc, le fait de consommer du sucre ne fait pas partie des causes du diabète.

Guineematin.com : quels sont les types de diabètes qui existent ?

Dr Amadou Bah : on a plusieurs types de diabètes : il y a le diabète de type 1, c’est le diabète de l’enfant ; le diabète de type 2, qui est celui de l’adulte ; le diabète gestationnel, c’est-à-dire le diabète apparu pendant le premier trimestre de la grossesse et qui logiquement, après l’accouchement, les glycémies se normalisent ; et il y a les autres types de diabètes liés à d’autres pathologies endocriniens : l’acromégalie, le diabète secondaire, le fait d’utiliser les produits cosmétiques ou le fait de prendre certains médicaments peuvent entraîner le diabète. En gros, ce sont les types de diabètes. Mais les plus fréquents sont le diabète de l’enfant et celui de l’adulte.

La cause du diabète de type 1 est immunitaire, alors on ne peut pas savoir les causes réelles. Beaucoup accusent les infections, le composant héréditaire, mais chez eux, le pancréas ne produit pas de l’insuline. Et quand le pancréas ne produit pas d’insuline, ça entraîne le diabète chez les enfants. C’est pour cela que leur traitement à eux, c’est l’insuline, l’hormone qui fait baisser la glycémie dans le corps.

Guineematin.com : quel est le taux de prévalence du diabète en Guinée ?

Dr Amadou Bah : le diabète est en progression partout dans les pays africains, plus précisément dans les pays du sud du Sahara. Selon l’OMS, 19 millions de personnes aujourd’hui vivent avec le diabète dans la région africaine. Et ce nombre devrait croître pour atteindre 47 millions de diabétiques d’ici 2025, parce que si rien n’est fait au niveau politique, au niveau du changement de comportements, de l’environnement, le nombre de diabétiques va croître. En Guinée, on avait fait une enquête depuis 2009, la prévalence du diabète est autour 5,6%, donc c’est en nette progression. Ce n’est pas une petite maladie, elle progresse avec les complications qui sont là, et cela a un coût en Guinée. Donc, raison de plus qu’il faille profiter des médias pour sensibiliser la population autour du diabète.

Guineematin.com : quelles sont les différentes complications qui peuvent surgir lorsqu’on le diabète ?

Dr Amadou Bah : il y a des complications aiguës. Un malade qui est en rupture de traitement de l’insuline ou qui ne prend pas son insuline, la glycémie monte de trop, il vient dans un état de coma acidocétosique. C’est une urgence médicale, il faut chercher à normaliser la glycémie, à traiter tous les facteurs de risque en lui donnant de l’insuline. C’est la première complication aiguë. La deuxième, quand le malade prend de l’insuline sans bien manger et sans faire une activité physique intense, l’insuline fait trop baisser son taux de sucre. S’il n’est pas éduqué pour se resucrer, il vient dans le coma hypoglycémique. C’est aussi une urgence médicale où il faut donner des solutés à base de sucre et réanimer le malade. En général, il se retrouve si son coma est lié à l’hypoglycémie.

Mais généralement, les malades sont éduqués pour éviter tout ça. Il y a aussi les complications chroniques, parmi lesquelles il y a l’atteinte des gros vaisseaux et des petits vaisseaux, c’est-à-dire au niveau du cœur et de la vision. Les problèmes de dysfonctionnements érectiles chez les diabétiques, les insuffisances rénales, malheureusement certains malades vont jusqu’à la dialyse. Nous avons les AVC qui sont liés au diabète, mais aussi les problèmes de pieds, ce qu’on appelle macroangiopathie (des pépites lésions du pied qui commencent par des gangrènes, qui sont des petites désarticulations jusqu’à l’amputation des pieds).

Donc, les complications sont fréquentes, elles sont énormes, malgré les efforts que nous faisons, nous, professionnels de santé et le ministère de la santé. C’est pour cela qu’il faut faire des émissions de sensibilisation, parce que la majorité de la population est analphabète. Donc, il faut sensibiliser avec des termes accessibles à ces populations là pour lutter contre le diabète. En Guinée, lorsqu’on prend 10 personnes, on voit que 3 parmi elles sont des diabétiques méconnus. Chez l’adulte, parfois c’est lors d’un bilan systématique de santé qu’on lui demande de faire une glycémie et puis on trouve qu’il est diabétique.

Guineematin.com : qu’est-ce que vous recommandez à ceux qui n’ont pas le diabète pour éviter cette maladie ?

Dr Amadou Bah : après la quarantaine, il faut faire un bilan de santé et il faut avoir une hygiène de vie correcte. C’est-à-dire, éviter de prendre de l’alcool et de fumer, faire des activités physiques, manger sain avec moins de sel et de sucre. Voici des mesures simples qui sont à la portée de tout le monde et qu’on peut adopter pour éviter d’être diabétique et hypertendu. Le diabète, une fois qu’on l’a, on reste avec lui toute sa vie.

Entretien réalisé par Mamadou Yaya Petel Diallo pour Guineematin.com

Tel: 622 67 36 81

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