Tribunal pour enfants : 64 dossiers en attente de jugement (Parquet)

Mamadou Hady Diallo, substitut du procureur près le tribunal pour enfant de Conakry

Quel est le nombre d’enfants en conflit avec la loi à Conakry ? Pour quelles infractions sont-ils poursuivis ? Quelles peines encourent-ils ? Pour répondre à toutes ces questions, un journaliste de Guineematin.com est allé à la rencontre de Mamadou Hady Diallo, substitut du procureur près le tribunal pour enfants de Conakry. Le magistrat a fait savoir que 64 dossiers concernant des mineurs sont aujourd’hui en attente de jugement, avec 30% de cas de viols pour les affaires criminelles.

Décryptage !

Guineematin.com : combien d’enfants sont poursuivis aujourd’hui devant votre parquet pour des infractions ?

Mamadou Hady Diallo, substitut du procureur près le tribunal pour enfant de Conakry

Mamadou Hady Diallo : aujourd’hui, si vous prenez le registre du parquet (RP), nous sommes à 210 enfants mineurs enregistrés pour cette année. Des enfants qui sont en conflit avec la loi, mais aussi des enfants en danger. C’est très important de faire cette précision. Ce n’est pas dans tous les cas qu’on les envoie en prison. Comme vous le savez, l’instruction est obligatoire chez nous aussi.

Cela veut dire que quand le parquet est saisi, on oriente à un juge des enfants qui va voir s’il y a une possibilité de détention ou s’il faut procéder à une médiation pénale. Mais avant que nous venions, parce que nous n’avons qu’une seule année ici, il y avait d’autres cas ici. Nous avons trouvé beaucoup de dossiers au parquet près le tribunal pour enfants. Et actuellement, nous avons 64 dossiers d’enfants mineurs qui sont en mesure d’être jugés.

Guineematin.com : quelles sont les infractions qu’on retrouve le plus fréquemment dans ces dossiers concernant les mineurs ?

Mamadou Hady Diallo : les infractions les plus fréquentes en matière correctionnelle, ce sont les infractions de vol, d’abus de confiance, vol aggravé, complicité de vol. En matière criminelle, il y a le viol. Si vous prenez en termes de pourcentage, les 30% des dossiers criminels sont des infractions de viols. Un mineur qui viole une autre mineure. Ça, c’est très fréquent. Il y a aussi des cas d’assassinat, de meurtre, d’incendie, etc.

Guineematin.com : quelle est la peine maximale pour les mineurs reconnus coupables par le tribunal pour enfants ?

Mamadou Hady Diallo : la peine maximale dépend de la nature de l’infraction.  Si vous vous prenez le viol,  ça peut être puni de 5 à 10 ans et de 10 à 15 ans selon les cas. Mais, il y a une exception dans le Code de l’enfant. Le Code de l’enfant dit que quelle que soit l’infraction commise par un mineur, il doit être condamné à la moitié de la peine prévue pour cette infraction. C’est-à-dire, si la personne qui aurait commis cette infraction pouvait être condamnée à 10 ans si elle était majeure, elle sera condamnée à 5 ans si elle est mineure. C’est ce qu’on appelle des circonstances atténuantes pour les mineurs.

Mais, avant tout, il va falloir qu’il soit jugé. Parce qu’en matière criminelle, il n’y a aucune possibilité de faire sortir quelqu’un si ce n’est que par jugement.  Si c’est correctionnel, on peut passer par la médiation pénale, parce que la médiation pénale est possible à tout moment. Mais, cette médiation est interdite en matière criminelle. Donc, si quelqu’un est renvoyé, il faut qu’on tienne l’audience. Et nous nous battons depuis que nous sommes là pour qu’on puisse organiser les audiences criminelles pour que les enfants soient situés sur leur sort.

Guineematin.com : qu’est-ce qui empêche la tenue de ces audiences ?

Mamadou Hady Diallo : vous-même, vous voyez dans quelles conditions nous sommes. Nous n’avons pas de local. Il faut que le tribunal pour enfants ait un local pour pouvoir travailler normalement. Depuis des années, nous n’avons pas de salle d’audience. C’est pourquoi on a du mal à juger certains enfants mineurs qui sont en prison. Nous avons emprunté une salle ici, au niveau du tribunal de première instance de Kaloum, pour juger les dossiers moins graves. C’est-à-dire,  les dossiers qu’on appelle dans notre jargon, les dossiers correctionnels comme le vol, l’abus de confiance… Nous faisons ça les vendredis.

Dans les conditions normales, tous les jours, on doit tenir des audiences comme toutes les autres juridictions, du lundi au jeudi. Donc, le message que j’ai à lancer à l’endroit des autorités, c’est de permettre au tribunal pour enfants d’avoir un local, comme toutes les autres juridictions. Parce que le tribunal pour enfants est une juridiction à part entière. Donc, il faut qu’ils nous aident dans ce sens. En plus du local, il faut que les autorités nous aident aussi à avoir des centres d’accueil.

Parce que parfois, il y a des mineurs, nous ne voulons pas les envoyer en prison, mais on n’a pas où les envoyer et on ne peut pas les relâcher. Parfois, les parties civiles sont là et donc, on est obligés de les envoyer à la maison centrale. Alors que s’il y avait un centre d’accueil, on allait les placer dans ces centres d’accueil en attendant que le procès continue son cours. Parce que l’objectif principal du tribunal pour enfants, c’est la réinsertion socioprofessionnelle, mais aussi éducative.

Entretien réalisé par Saïdou Hady Diallo pour Guineematin.com

Tel : 620 589 527/664 413 227

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