Enseignement technique : problèmes et pistes de solutions, avec Elhadj Fodé Camara

Depuis quelques années, les autorités guinéennes font la promotion de l’enseignement technique. Un secteur qui, malgré son importance, était resté jusque-là au bas de l’échelle, réservé généralement aux élèves ayant échoué aux examens nationaux (BEPC et baccalauréat). Et pour atteindre l’objectif de réformer ce secteur et lui donner toute la place qu’il mérite, il faut résoudre un certain nombre de problèmes qui sont constatés actuellement sur le terrain.

C’est ce qu’a fait savoir Elhadj Amadou Fode Camara, ancien directeur du centre de formation professionnelle de Boké. Dans un entretien qu’il a accordé à Guineematin.com, cet ingénieur mécanicien est revenu sur quelques-uns de ces problèmes avant de proposer des pistes de solutions au ministère en charge de l’Enseignement technique et de la formation professionnelle.

Manque de matières d’œuvres et d’enseignants de qualité

Aujourd’hui, il y a un premier problème qui est celui du manque de matières d’œuvres et d’enseignants pédagogues. Au niveau des matières d’œuvres, il existe un manque accru d’outils de travail. Et s’il n’y a pas d’outils de travail dans les ateliers, l’étudiant va faire beaucoup plus une étude théorique que pratique. Alors que pédagogiquement, la formation pratique doit être à 80% et celle de la théorie à 20%.

Et le manque d’enseignants est dû au fait que beaucoup de professeurs sont en retraite avant même cette vague qui est sur le point de partir. Vous pouvez trouver une filière qui est tenue par un seul enseignant pour trois groupes pédagogiques (la 1ère, la 2ème et la 3ème année), c’est seulement lui qui peut enseigner cette matière. Et maintenant, l’école est appelée à recruter les sortants pour l’aider, ceux qu’on appelle contractuels, mais malheureusement, ils n’ont pas la pédagogie.

Prolifération des écoles de santé

S’il y a un secteur de l’enseignement technique qu’il faut revoir, c’est bien les écoles de santé, parce qu’il y a trop de privés qui viennent s’investir dans ce domaine. Aujourd’hui, on parle de cliniques clandestines, il faut savoir qu’il existe aussi des écoles de santé clandestines qui forment des agents, qui sont déversés dans ces cliniques. Aujourd’hui, il y a plus d’une vingtaine recensées et non reconnues, mais qui travaillent sans aucune autorisation. Ces écoles existent et s’arrangent aux examens de sortie pour qu’on évalue leurs élèves pour se retrouver sur le marché de l’emploi.

Manque de moyens au niveau des directions régionales

Bien qu’on ait créé les directions régionales de l’enseignement technique et de la formation professionnelle, elles ne jouent pas leur rôle. Leur rôle, c’est de servir de proximité au ministère qui assure le contrôle, le suivi et l’évaluation de ces établissements d’enseignement technique. Mais, cela ne se fait pas comme il se doit. Et cela est dû au manque de moyens. Par exemple, celle qui est à Kindia n’a pas la possibilité d’aller à Téliméle pour s’imprégner de ce qui se passe là-bas. Il n’y a pas de fonds ou un budget alloué en dehors des examens. C’est quand il y a des examens de sortie seulement qu’ils partent sur le terrain ; et ce, pour un contrôle et non un état des lieux.

Pistes de solutions

Les autorités doivent agir. Elles doivent s’assurer que le budget alloué pour ces études soit utilisé à bon escient. Il faudrait qu’il y ait de la traçabilité des fonds sur ce point pour savoir si les matières d’œuvres ont été achetées. Les écoles peuvent à travers leurs recettes internes, notamment les frais d’inscriptions, acheter quelques matières pour le bon fonctionnement de leurs ateliers de pratiques.

Pour les enseignants, le plus important aujourd’hui est de recruter. Cela, à deux niveaux : primo, une centaine de ceux qui ont fait des formations universitaires comme à Gamal, l’institut Géo-mines de Boké ou à Kankan. Secundo, les sortants de l’ENAM et ceux des CAP (Certificat d’aptitude professionnelle) dans les différents domaines de l’enseignement technique et professionnel.

Après le recrutement, il faut les amener à l’école nationale de formation professionnelle de Matoto pour les former sur comment transmettre leur savoir théoriquement, et ceux qui viennent de l’ENAM et autres qui vont être dans les ateliers, on leur apprend comment transmettre ces connaissances qui seront pratiques. Si tout cela est réuni, la formation ne va pas durer plus de six mois, donc on pourra les mettre à la tâche.

Pour ce qui est des écoles de santé, il faut se baser sur le répertoire qu’a le ministère et fermer toutes celles qui ne sont pas dans les règles. Et maintenant, ceux qui voudraient revenir, vont chercher dans les règles leur agrément de création et d’ouverture pour pouvoir continuer. Et par après, on transfère les étudiants qui étaient dans ces écoles qui n’étaient pas en norme, dans les écoles sérieuses qui ont les agréments qu’il faut.

Par ailleurs, il est nécessaire de rendre alléchant les écoles techniques et professionnelles. Et pour cela, il n’est pas bon de mettre tous les jeunes qui ont des bonnes moyennes dans les universités et déverser le reste dans les écoles techniques. Et cela encore avec un diplôme de hiérarchie B.

Au moins, on peut ramener cela à une hiérarchie A1, parce que les uns et les autres ont eu au même moment le même baccalauréat. C’est ce qu’il faut corriger d’abord et aussi mieux traiter les élèves sortants de ces écoles. Parce que si par exemple l’enseignant avait à peu près le même traitement que le magistrat, cela allait attirer plus de jeunes dans ce domaine.

N’oublions pas que le développement de l’Allemagne est parti de l’enseignement technique, les meilleurs ouvriers se trouvent en Allemagne. Si nous voulons développer ce pays, l’enseignement professionnel doit être attrayant et amener les jeunes eux-mêmes à choisir ces filières.

Propos recueillis par Diarouga Aziz Baldé pour Guineematin.com

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