Le chef de l’Etat demande à la RTG de dénoncer la corruption : « cela nous a délivrés », dit Sanassa Camara

Mamoudou Sanassa Camara, chef des programmes RTG 2, Boulbinet

Comme annoncé précédemment, le président de la Transition, colonel Mamadi Doumbouya, a reçu hier, vendredi 10 décembre 2021, les responsables et les travailleurs des médias publics. Au cours de cette rencontre, le Chef de l’Etat s’est montré très critique vis-à-vis des programmes actuels de la RTG (radiodiffusion télévision guinéenne). Le colonel Mamadi Doumbouya a invité les travailleurs de ce média d’Etat à l’innovation pour dénoncer la corruption et les autres maux qui gangrènent la gouvernance en Guinée. Et, ce message de vérité du Chef de l’Etat qui est perçu le chef des programmes de la RTG2 Boulbinet c’est une « délivrance ».

Dans un entretien accordé à Guineematin.com, Mamoudou Sanassa Camara laissé entendre que cela va permettre à la RTG de sortir de l’auto-flagellation dans laquelle ses travailleurs baignent durant plusieurs décennies.

Décryptage !

Geematin.com : Hier, vous avez rencontré le chef de l’Etat qui a demandé des changements au niveau de la RTG. Dites-nous, dans quelle atmosphère la rencontre s’est tenue ?

Mamoudou Sanassa Camara : Comme vous le savez, ce n’est pas facile quand une junte vous appelle manu militari pour dire : venez, on va vous rencontrer. Vous ne savez pas de quoi vous allez parler. Donc, on est parti hier la peur au ventre. Mais, dès que le chef de l’Etat, Colonel Mamadi Doumbouya est arrivé, quand il a pris la parole, on a compris de quoi il s’agissait. C’était une manière pour lui de nous rassurer et rassurer les travailleurs des services des médias publics, puisque c’est au-delà même de la RTG, pour dire qu’il nous soutient et qu’il demande vraiment d’accompagner la transition pour que la Guinée revienne à l’ordre constitutionnel dans la paix et dans quiétude sociale. Ce message nous a réconfortés à plus d’un titre. Franchement, on était très content, parce que c’était une première qu’un chef d’Etat rencontre ainsi les médias publics. On s’est quittés là-bas avec des très bonnes idées.

Guineematin.com : le Colonel Mamadi Doumbouya a insisté sur la nécessité d’innover au niveau des programmes. Alors, en tant que chef des programmes de la RTG 2, comment comptez-vous vous y prendre ?

Mamoudou Sanassa Camara : d’abord, je vais vous dire que le média où je suis responsable, la RTG Boulbinet, n’existe aujourd’hui que de nom. Puisque le peu qui était dans les locaux, tout est parti dans la nuit du 5 septembre. Des badauds sont venus piller tout. Il n’y a plus rien dans les locaux. Hier, lors de la rencontre, j’ai eu le privilège de prendre la parole face au chef de l’Etat, je lui ai dit que la première des choses c’est de rétablir la RTG 2. Puisque quand tu vois aujourd’hui dans les pays de la sous-région, ce sont des pays qui ont 2, 3, 4 voire 5 chaînes publiques. Pourquoi pas la Guinée ? Aujourd’hui, si un problème arrive à la RTG Koloma, on ne peut pas se rabattre ailleurs. C’est un gros problème. C’est pourquoi, ce que je demande d’abord au chef de l’Etat, c’est d’abord d’aider la RTG 2 à se relever. La seconde chose, c’est au niveau de la RTG 1 Koloma. C’est qu’ici, on était dans une sorte d’auto-flagellation. Puisque les gens ont peur, ils se disent que quand on fait ça, peut-être que l’autorité va réagir. Mais, hier, le président a donné le ton. Il a dit : ‘’c’est à vous. Il ne faut pas que les médias privés vous imposent le rythme. C’est à vous d’imposer le rythme, parce que vous êtes les médias des services publics’’. Donc, cela nous a délivrés, puisque comme je l’ai dit, il y a une sorte d’auto-flagellation à la RTG. Les gens ont peur. Mais, si le premier responsable du pays dit : allez-y, je crois que les initiatives vont se libérer. Et, c’est au directeur général de la RTG et des autres médias du service public aussi de se lever et d’appeler tous les travailleurs et d’imprimer l’idée du chef de l’État pour que les choses changent sur les antennes de la radio ou de la télévision et qu’on parte plus vers la population, qu’on quitte dans ce mutisme qui ne dit pas son nom. La RTG regorge de très bons journalistes. Mais, l’auto-flagellation a fini par gagner du temps. Sinon, on ne dit à personne qu’on ne traite pas ça ici ; mais, les gens se disent : est-ce que ce n’est pas comme par le passé ? Quand je vais traiter, ça ne va pas passer. Donc, les gens étaient dans ça. C’est au directeur général d’imprimer une nouvelle marque à ces médias. Et, parlant de l’AGP, je crois que c’est le média mère de tout pays, c’est le grossiste de l’information. Donc, c’est aux autorités de donner les moyens à tous ces médias. Au Horoya, aux radios rurales pour que vraiment l’information arrive aux citoyens.

Guineematin.com : A votre avis, comment les travailleurs vont-ils parvenir à se défaire de cette peur qu’ils ont entretenu en eux depuis toutes ces années ?

Mamoudou Sanassa Camara : Vous savez, l’exemple vient d’en haut. Quand le chef dit de faire ça, les gens vont suivre le pas. Mais, quand le chef est là comme le régime passé, souvent même c’est le président de la République qui appelle pour dire que je ne veux plus voir ça, les gens ont peur. Mais, quand on a un président de la République qui dit aujourd’hui : dénoncez la corruption, allez-y, dites les choses, faites comme les privés, je crois que l’initiative est libérée. C’est à la RTG et aux médias des services publics de prendre la balle au rebond.

Guineematin.com : l’autre souci, c’est par rapport aux correspondants de l’AGP. Généralement, ces gens ne couvrent que des cérémonies officielles. Qu’est-ce qui va être fait pour qu’ils comprennent que le temps a vraiment changé ?

Mamoudou Sanassa Camara : Le cas de l’AGP, c’est un cas qui est très primordial. Parce qu’aujourd’hui, il y a un problème criard de personnels à l’AGP. Aujourd’hui, le ministre de l’information regorge beaucoup de jeunes journalistes, mais il y a un problème de gestion du personnel. Les gens viennent s’accumuler dans un seul média et ça fait que ça ne marche pas. Il faut aussi inciter. Aujourd’hui, quand vous donnez à un jeune journaliste une moto, une prime, un logement à Dinguiraye ou bien à Siguiri, Yomou, je crois qu’il va partir. Mais, si les gens n’ont pas les moyens, ils ne pourront pas y aller. Ce que je vais demander à l’État, c’est d’aider les médias de service public, les doter de moyens, de logistique pour qu’ils fassent leur travail. Je crois que si l’État fait cette part, les gens seront obligés d’aller. Regardez les privées qui sont à l’intérieur, quand vous partez à Kindia, à Boké. Espace à tout un espace de couverture. Ils ont une radio qui est là, qui est bien installée. Les gens sont bien logés, ils ont des moyens de locomotion. Mais, pourquoi l’Etat ne peut pas faire autant. L’Etat peut faire plus. C’est la même chose que Djoma, ils sont un peu partout. C’est pourquoi j’ai demandé une doléance au président de la République hier. C’est d’aider le ministre à organiser les journées de réflexion sur les médias de services publics. Si cela est fait, je crois que ça sera le tremplin de mettre tous les problèmes sur table et essayer de trouver des solutions afin qu’on sorte de cette situation.

Guineematin.com : Le ton est donné, mais les choses n’ont pas encore commencé. Alors, quel est le message particulier que vous avez à lancer à l’endroit des travailleurs des médias des services publics ?

Mamoudou Sanassa Camara : Comme on le dit souvent, là où on attrape le plus souvent le poisson, ce n’est pas là-bas on le lave. Donc, je crois que ça va prendre un peu de temps.  C’est petit à petit. Le changement ne vient pas d’un coup. Il faut que les gens s’asseyent, qu’ils fassent des réunions, qu’ils réfléchissent et trouvent des moyens pour le faire. L’autre gros problème aussi dans les médias des services publics, c’est le cas des stagiaires. Il y a des gens qui ont fait 10 à 15 à 20 ans de stage. C’est vrai qu’on ne peut plus prendre les gens et les jeter comme ça à la fonction publique. Mais, c’est à l’État d’organiser des concours pour que les gens postulent. Ceux qui gagnent, ils vont gagner pour qu’ils restent. Moi, je ne parle même plus de stagiaires. Les gens font du bénévolat. Ils ont dépassé le cadre de stage. La plupart aujourd’hui, c’est eux qui font les journaux d’informations à la radio, à la télé, à l’AGP. C’est la même chose au Horoya. Donc, c’est à l’État aujourd’hui d’organiser des concours, surtout qu’il y a une aubaine. Il y a beaucoup de gens qui vont maintenant à la retraite. C’est une aubaine pour l’État d’ouvrir et de faire le concours entre les jeunes. Même les privés on en a besoin.

Interview réalisée par Alpha Assia Baldé pour Guineematin.com

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