Me Halimatou Camara : « les autorités ont intérêt à faire des droits humains leur boussole »

Halimatou Camara, avocate au barreau de Guinée et membre de l'OGDH

Me Halimatou Camara a un regard très critique sur la situation des droits de l’homme en Guinée. L’avocate et activiste des droits humains a évoqué cette question dans un entretien qu’elle a accordé à Guineematin.com, à l’occasion de la journée internationale des droits de l’homme, célébrée ce vendredi 10 décembre 2021. Elle a décrit une situation alarmante, qui nécessite une attention particulière.

« Quand on parle du respect des droits de l’homme, il y a beaucoup d’aspects. On pourrait parler d’abord des droits civils et politiques : c’est le droit à la vie, à la dignité, le droit à un traitement qui ne soit pas un traitement inhumain et dégradant. Donc, toutes ces choses-là aujourd’hui font qu’on se pose pas mal de questions. Déjà, de mars 2020 à octobre 2020, il y a eu combien de morts en Guinée et il y a-t-il eu justice pour ces gens-là ?

Quand on va plus loin, le massacre du 28 septembre, est-ce que justice a été rendue aux victimes ? Non. Quand vous prenez le plan de l’accès à la justice, c’est d’avoir un système qui puisse permettre à toute personne, quel que soit son rang social, de pouvoir amener ses prétentions devant un juge et obtenir une réparation. Lorsque vous regardez sur le plan purement du droit commun, dans des affaires, je ne dirais pas banales, mais purement simples, la justice a du mal à être rendue.

Dans le budget de l’État, quelle est part qui est allouée au secteur de la justice ? C’est pour vous dire à quel point le respect des droits de l’homme reste encore très problématique. Lorsque nous prenons les droits socio-économiques et culturels, notamment l’accès à l’eau, même moi qui vit à Conakry, je n’ai pas d’eau potable, je n’ai pas d’eau courante. L’accès à l’électricité, l’accès à l’éducation, tout cela pose problème. Dans certaines zones reculées du pays, combien d’enfants ont accès à l’éducation ?

L’accès à une alimentation de qualité pour une certaine catégorie de personnes, qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, est aussi loin d’être effectif. Il y a également le droit à un environnement sain, combien de gens souffrent aujourd’hui du fait de l’exploitation minière ? Est-ce qu’ils ont bénéficié d’indemnités et réparations conséquentes ? Donc, je dis que nous sommes dans une situation où les droits humains ne sont pas respectés dans notre pays et la bataille continue », a-t-elle déclaré.

Pour la réussite de cette bataille, elle demande aux nouvelles autorités du pays de faire des droits de l’homme une boussole. « Je pense que les nouvelles autorités ont intérêt à faire des droits humains leur boussole. Ils nous ont dit que la justice était leur boussole, c’est bien, mais les droits humains doivent être leur boussole, notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme et même la Charte de la transition, qui est une charte également qui parle du respect des droits humains.

Mais, au-delà de ça, je pense qu’aujourd’hui, les citoyens également doivent s’approprier les droits de l’homme. Tant qu’on ne va pas s’approprier nos droits, nos droits ne seront pas respectés. Ne nous attendons pas à ce qu’il y ait un Messie ou un prophète qui viendra sauver la Guinée et les Guinéens. Pour que nous puissions être sauvés et que nos droits puissent être respectés, il va bien valoir que nous-mêmes, nous ayons conscience que nous avons des droits et que l’État a l’obligation de les respecter et de les mettre en œuvre », a dit Me Halimatou Camara.

Mohamed Guéasso DORÉ pour Guineematin.com 

Tel : +224 622 07 93 59

Facebook Comments Box