Violences sexuelles en 2009 au stade du 28 septembre à Conakry : un livre de témoignages des survivantes publié

Un peu plus de 11 ans après les douloureux évènements de 2009 au stade du 28 septembre de Conakry (où au moins 157 personnes ont été tuées et plusieurs dizaines de femmes ont été violées par des agents des forces de défense et de sécurité sous le régime du Capitaine Moussa Dadis Camara), un recueil de témoignages des victimes de ces violences sexuelles vient d’être publié en Guinée. Ce recueil de 239 pages a été conçu entre avril et août 2021. Et, il comporte les témoignages et les photographies de 123 femmes. Il a été financé par le Fonds Mondial pour les Survivantes (GSF) et réalisé par l’association des victimes, parents et amis du 28 septembre (AVIPA) et l’Organisation Guinéenne de Défense des Droits de l’Homme et du Citoyen (OGDH). Il a été préfacé par Dr Denis Mukwege, gynécologue et Prix Nobel de la paix 2018, a appris Guineematin.com à travers un de ses reporters.

C’est en présence du Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (ONU-Droits de l’Homme) en Guinée et avec le soutien du Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire Général des Nations unies sur les violences sexuelles commises en période de conflit que ce livre a été présenté mercredi dernier, 08 décembre 2021, dans la capitale guinéenne. Ce livre, intitulé « Nos Vies d’Après – Témoignages des survivantes de violences sexuelles, Stade du 28 septembre, Conakry, Guinée », retrace la vie de 123 survivantes après les réparations intérimaires (soutien sanitaire, psychothérapeutique et financière) du fonds mondial.

Selon les informations, c’est en 2017, lors d’un séjour en Guinée du Dr Denis Mukwege, cofondateur du fonds mondial pour les survivantes, que l’idée d’un livre sur les témoignages des victimes des violences sexuelles de 2009 a germé. Il s’agit surtout d’un projet pilote pour montrer l’importance des réparations intérimaires, sans pour autant se substituer des Etats.

« On ne prend pas la responsabilité des États. Mais, il faut que les survivantes aient quelque chose, c’est la reconnaissance, mais aussi un soutien économique qui peut leur redonner une nouvelle vie… On ne fait rien sans les survivantes et ce sont elles qui ont demandé à ce qu’on fasse un recueil de leurs témoignages sur ce qui s’est passé le 28 septembre 2009 », a précisé Maya Shah, directrice des opérations de GSF.

Pour Asmaou Diallo, la présidente de l’AVIPA, ce livre arrive à un moment d’espoir pour les victimes qui sont actuellement réconfortées à l’idée de savoir que « le procès du 28 septembre va démarrer en début de l’année 2022 » en Guinée. Elle assure aussi que la lecture de ce livre va faire réaliser à chacun la nécessité de soutenir et de protéger ces femmes qui ont été victimes de violences sexuelles.

Mme Asmaou Diallo, présidente de l’Association des Victimes, Parents et Amis du 28 septembre (AVIPA)

« Quand vous lirez ce livre, vous comprendrez que c’est la vie d’une personne qui a subi toutes sortes d’humiliations qu’on a relaté. Vous allez comprendre que ce sont des femmes à soutenir et à protéger… Je pense que notre doléance sera prise en compte par toutes les bonnes volontés pour nous accompagner dans le programme de réparation des victimes du 28 septembre 2009 », a-t-elle dit.

Diplômée en mathématiques, Aïssatou Barry est l’une des survivantes des violences sexuelles du 28 septembre 2009 à Conakry. Et, à cette cérémonie de lancement de ce livre, elle a témoigné à visage découvert sur ce que fut sa vie au lendemain de ces douloureux évènements.

« Après le 28 septembre 2009, je ne pouvais même pas regarder les gens… Ce sont mes frères qui m’ont soutenu moralement. Mais, avec la société, ce n’était vraiment pas facile de vivre. Mais, arrivée à l’AVIPA, ça va un peu mieux avec l’aide de nos thérapeutes », a-t-elle témoigné.

Présente à cette rencontre, la ministre de la promotion féminine, de l’enfance et des personnes vulnérables, Aïcha Nanette Conté, a rappelé la volonté de l’Etat guinéen à lutter contre les violences faites aux femmes et aux filles.

Aicha Nanette Conté, nouvelle ministre de la promotion féminine, de l’enfance et des personnes vulnérables

 « Notre pays a signé et ratifié sans réserve la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, respectivement en 1981 et 1982. Dans cette perspective,  les plus hautes autorités de la transition ont réaffirmé cette volonté politique à travers la charte de la transition qui tient compte de la protection de droit humain de  la femme et de la fille », a dit la ministre.

A cette cérémonie de présentation de ce recueil de témoignages, il a été annoncé la construction d’un ‘’Centre des survivantes’’ à Maférinya (dans la préfecture de Forékariah), sur financement du fonds mondial.

« Les documents juridiques ont été élaborés. Ce centre va accueillir les victimes du 28 septembre 2009, mais globalement toutes les victimes de violences sexuelles en Guinée. Après la construction, diverses activités seront exercées : il y aura un centre médical, psychologique et plusieurs types de métiers que les femmes pourront faire pour qu’elles se reconstruisent », a précisé Me Amoudou DS Bah, le vice-président de l’OGDH.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

Tel : 622 97 27 22

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