L’aéroport de Conakry rebaptisé : l’AVCB exige le retrait du décret du colonel Mamadi Doumbouya

L’Association des victimes du Camp Boiro ne décolère pas face à la rebaptisation de l’aéroport international de Conakry-Gbessia, devenu désormais « Aéroport international Ahmed Sékou Touré ». Après avoir vigoureusement condamné le décret pris dans ce sens par le colonel Mamadi Doumbouya, l’AVCB exige le retrait pur et simple de la décision. Une décision qui, selon cette organisation, banalise les crimes commis par le régime du premier président de la République de Guinée. Elle a lancé cet appel au cours d’une conférence de presse animée hier, samedi 18 décembre 2021, à Conakry, rapporte un journaliste de Guineematin.com qui était sur place.

Abdoulaye Conté, secrétaire exécutif de l’association des victimes du Camp Boiro (AVCB)

« Toutes les victimes de Guinée sont aujourd’hui consternées, choquées par le dernier décret du CNRD rebaptisant l’aéroport international Gbessia aéroport Sékou Touré, du nom du premier président de la Guinée indépendante. Le premier président, c’est vrai qu’il fait partie des héros de l’indépendance  comme beaucoup d’autres, mais le côté tyran de Sékou Touré a marqué la Guinée pour toujours. Nous parlons d’un tyran qui laisse derrière lui des milliers de victimes dans des fosses communes. Nous parlons d’un tyran qui, après avoir fait arrêter ses victimes, les soumettait à des tortures, des dégradations humaines et a fini par jeter les victimes dans des fosses communes.

Comment la Guinée peut oublier son histoire ? Comment peut-on oublier la mémoire de notre pays ? La dernière décision du président du CNRD, Colonel Mamadi Doumbouya, vient faire passer aux oubliettes les victimes, vient banaliser les crimes. Arrêtons de travestir l’histoire. La déclaration forte de l’association des victimes de la Guinée aujourd’hui, c’est de faire comprendre au CNRD que nous avions eu confiance aux premiers actes posés.

Nous avons pensé que nous allions vers un rassemblement effectif, mais ce dernier décret est un décret de division, un décret qui nous alarme. La seule chose que l’association demande aujourd’hui, c’est le retrait pur et simple de ce décret qui divise la Guinée, qui instrumentalise une fois de plus des personnes qui ont commis des actes innommables et qui les encouragent à faire plus de victimes », a déclaré Selon Abdoulaye Conté, secrétaire exécutif de l’association des victimes du camp Boiro (AVCB)

Tibou Tounkara, membre de l’Association des victimes du Camp Boiro

Abondant dans le même sens, Tibou Tounkara, membre de l’AVCB, a qualité la décision du colonel Mamadi Doumbouya d’une catastrophe, au regard des exactions commises par le régime de Sékou Touré. « En Guinée, Sékou Touré a été le premier président de la République, mais sa gestion sociale a été catastrophique. On ne peut pas dénombrer le nombre de victimes de Sékou Touré tellement qu’il a exécuté les gens dans le désordre, tellement qu’il avait le plaisir de faire tuer les Guinéens. Combien de Guinéens sont restés hors des frontières ? Le long de nos frontières ? On ne sait pas.

Combien ont été tués le long des frontières avec des ordres donnés aux militaires de tirer sur tout ce qui bouge ? On ne sait pas. Les Guinéens qui sont nés et qui ont prospéré à l’étranger ou qui vivent à l’étranger doivent venir en Guinée à travers l’aéroport de Conakry. Mais, aujourd’hui, ils vont descendre dans cet aéroport et on leur dira vous descendez à l’aéroport international Ahmed Sékou Touré. C’est une catastrophe, c’est un drame social », a dit M. Tounkara, invitant le président de la transition à penser aux autres Guinées, notamment aux victimes du premier régime.

Boussiriou Diallo, de la coalition guinéenne pour la Cour pénale internationale

De son côté, Boussiriou Diallo, membre de la coalition guinéenne pour la Cour pénale internationale, estime que la décision de rebaptiser l’aéroport de Conakry au nom de Sékou Touré met en péril les efforts menés dans le cadre de la réconciliation nationale. « Ce qui se passe aujourd’hui risque de mettre un terme à la réconciliation nationale dans notre pays. Ça pouvait être le point qu’il ne fallait pas franchir, parce que pour nous, le repère qui devrait guider aujourd’hui les autorités est complètement faussé. Si on rebaptise aujourd’hui l’aéroport de Conakry sans que le processus de justice transitionnelle n’aille à son terme, cela signifie qu’il n’est plus important de parler de réconciliation dans notre pays.

Le premier pilier de la justice transitionnelle, c’est le droit à la vérité. Comment on peut magnifier le mal ? C’est bizarre ce qui se passe dans notre pays. Face à ce décret, nous avons envie d’explorer une plainte en justice, parce que cet acte ne doit pas passer. Ça peut prospérer comme ça peut ne pas prospérer, mais ça ne doit pas passer au nom de la vérité historique. Sékou Touré est une personnalité double dans l’histoire de notre pays. Personne ne nie ses efforts pour l’obtention de l’indépendance, mais pour quel bilan ?  Pour nous, Sékou Touré est d’un mauvais côté de l’histoire. En termes de responsabilité, ce n’est pas un modèle. Si on le magnifie, on peut aussi magnifier Hitler », a-t-il dit.

Alpha Assia Baldé pour Guineematin.com

Tél : 622 68 00 41

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