Événements de janvier-février 2007 : la CGCPI réclame une indemnisation provisoire pour les victimes

Cela fait 15 ans depuis que les Guinéens, dans leur grande majorité, se sont soulevés contre le régime du général Lansana Conté (le président qui a dirigé la Guinée de 1985 à 2008). Cette insurrection populaire, qui a eu lieu en janvier et février 2007, avait coûté la vie à plus de 180 personnes, faisant également des centaines de blessés et d’arrestations, selon des organisations de défense des droits de l’homme.

Dans le cadre de la commémoration de ces tristes événements, la Coalition guinéenne pour la Cour pénale internationale (CCPI) a publié une déclaration ce jeudi, 20 janvier 2022, pour interpeller les autorités guinéennes sur cette situation. Elle demande aux procureurs de continuer les poursuites déjà engagées et  d’déclencher  des actions  pour les crimes qui n’ont pas fait l’objet d’enquêtes. Et en attendant que justice ne soit rendue dans cette affaire, l’organisation de défense des droits de l’homme plaide en faveur d’une indemnisation provisoire des victimes.

Guineematin.com vous propose de lire ci-dessous la déclaration de la CCPI : 

DECLARATION N°002/CGCPI/2022

COMMEMORATION DES EVENEMENTS DE JANVIER ET FEVRIER 2007

«Justice et indemnisation provisoire pour les victimes des événements de janvier et février 2007 »

Les guinéennes et guinéens commémorent les quinze (15) ans des événements de janvier et février 2007, alors que les victimes attendent toujours à ce que justice leur soit rendue. Les victimes et toutes les victimes réclament encore justice.

La Coalition Guinéenne pour la Cour Pénale Internationale (CGCP) rappelle qu’en 2007,  des milliers de guinéens descendaient dans les rues et sur toute l’étendue du territoire national, pour protester contre le régime du feu Président Général Lansana Conté,  suite à la grève générale déclenchée le 10 Janvier 2007 par les centrales syndicales CNTG-USTG.

Dans la capitale Conakry, le 22 janvier 2007, une marée humaine déferla dans les rues pour exiger un « changement dans la gouvernance politique et économique » après 23 ans de dictature, de corruption, de népotisme, d’impunité et de pauvreté, ce, malgré toutes les richesses dont  la Guinée est dotée par la nature, sans oublier ses ressources humaines.

Les crimes  étaient odieux. La répression était à son comble et la brutalité inouïe sur de simples citoyens qui n’étaient munis que de pancartes et de banderoles dont le seul rêve était de vivre décemment dans la sécurité, la justice,  la paix et  le bien-être dans leur pays. Le bilan des massacres a été lourd et sur toute l’étendue du territoire national: environ 186 morts, 1188 blessés graves, 940 arrestations et de détentions arbitraires suivis de tortures, de traitements cruels inhumains et dégradants et 28 cas de viols, sans oublier les destructions d’édifices publics et privés. Même les sièges des cours et tribunaux n’ont pas été épargnés en ce moment.

Après la nomination d’un Premier Ministre conformément aux accords signés entre le Gouvernement guinéen, les Centrales Syndicales et le Patronat, sous l’égide de la CEDEAO, une loi portant création d’une commission d’enquête a été constituée le 18 mai 2007 pour identifier les principaux auteurs des violations des droits de l’Homme commises durant la grève déclenchée par les acteurs sociaux.

La Coalition Guinéenne pour la Cour Pénale Internationale précise que  le 18 mai 2012, cinquante (50) victimes ont  porté  plainte avec constitution de partie civile devant le Tribunal de Première Instance de Conakry II (Dixinn).  Suite à cette plainte, un juge d’instruction a été désigné pour mener les enquêtes dans cette affaire.  Mais, depuis la fin des premières auditions de vingt-huit (28)  victimes, il y a plus de neuf (09) ans de cela, le dossier n’a pas connu d’avancées,  faute d’inculpation des personnes qui ont été dénoncées par les victimes.

 

En tenant compte de ce triste constat, la Coalition Guinéenne pour la Cour Pénale Internationale exhorte les Procureurs généraux, les Procureurs de la République près les cours et tribunaux  du pays à continuer les poursuites déjà engagées et  à déclencher  des actions  pour les crimes qui n’ont pas fait l’objet d’enquêtes.

Pour toutes ces raisons, la Coalition Guinéenne pour la Cour Pénale Internationale  estime que les victimes de 2007, ainsi que les victimes de violences d’Etat, comme les victimes des massacres du 28 Septembre 2009, sans oublier, entre autres, les victimes du Camp Boiro, de juillet 1985, les bacheliers de 2006, les victimes de Wannidara de 2018,   méritent d’être soutenues et accompagnées sur le plan judiciaire, médical et social.

Cependant, il faut souligner que cet accompagnement ne saurait prospérer sans une assistance financière et matérielle aux juges en charge du dossier, car connaître de cas de violations des droits de l’Homme commis à l’échelle nationale nécessite de gros moyens et une collaboration de l’ensemble des acteurs dont en première ligne les pouvoirs publics, la société civile, les associations de victimes, les médias.

La Coalition Guinéenne pour la Cour Pénale Internationale réitère son engagement à combattre toutes les formes de violations des droits de l’Homme commis dans notre pays de  1958 à nos jours, car l’impunité d’hier encourage le crime de demain. Il est important de souligner également que la Guinée doit franchir le cap des cycles de violences qui l’empêchent de tirer profit de ses ressources afin d’amorcer son développement. Une telle vision passe nécessairement par l’aboutissement du processus de réconciliation nationale amorcé depuis avril 2011.

En considération de ce qui précède, la Coalition Guinéenne pour la Cour Pénale Internationale lance un appel :

Aux autorités guinéennes pour  qu’elles :

 -Accordent à la justice les ressources nécessaires afin d’examiner les cas graves de violations des droits de l’homme pendants devant les juridictions guinéennes ;

-Allouent  une indemnité provisoire à toutes les victimes de violations graves des droits de l’homme ;

Aux  partenaires   bi et multilatéraux de la Guinée

Afin qu’ils continuent de soutenir la Guinée dans la cadre du renforcement de la justice et de la construction de l’Etat de droit dans notre pays ;

Aux  organisations de la société civile et  aux associations des victimes afin qu’elles restent unies dans le  combat pour la promotion et la protection des droits de l’homme en Guinée.

Conakry, le 20 janvier 2022

Le Bureau Exécutif National

Le Président

Maître Hamidou BARRY

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