Le procureur de Mamou prévient : « je ne dandinerai jamais avec les coupeurs de route »

Souleymane Kouyaté, procureur du tribunal de Mamou

Depuis quelques années, la préfecture de Mamou est réputée être un terrain fertile pour les coupeurs de routes et autres bandits armés. Mais, le nouveau procureur de la république près le tribunal de première instance de Mamou, Souleymane Kouyaté, compte bien inverser cette tendance. Et, dans une interview accordée à Guineematin.com hier, mercredi 2 février 2022, le nouvel empereur des poursuites du TPI de Mamou, a martelé qu’il ne jouera pas avec les criminels, surtout les coupeurs de route. Il promet de faire appliquer la loi pour enrayer le banditisme dans la ville carrefour.

Décryptage !

Guineematin.com: A peine installé dans vos fonctions, vous avez rencontré les officiers de la police judiciaire (OPJ). Quel était l’objectif visé ? 

Souleymane Kouyaté : effectivement, nous avons rencontré mercredi les officiers de police judiciaire du ressort du tribunal de Mamou afin que nous tracions une ligne de conduite désormais qui va gouverner le parquet et les OPJ. Vous n’êtes pas sans savoir que nous sommes dans une ville où la criminalité a un taux très élevé. Donc, il était question pour nous de rencontrer les OPJ, de fiabiliser nos démarches à suivre afin que chacun puisse respecter les principes et règles de procédure qui sont prescrits. Que les procès-verbaux soient édités par des agents ou OPJ habilités. Parce qu’un procès-verbal qui n’est pas fait par un OPJ habilité, au procès nous avons toujours des difficultés. Parce que ce sont des vices de forme qui peuvent en découler et les avocats peuvent en profiter. Donc, nous leur avons conseillé en première position pour dire que désormais de se fier et de confier les dossiers judiciaires aux officiers de police habilités dans leurs unités respectives. De deux, nous leur avons dit, puisque nous privons les citoyens de leur droit, que les règles de procédure, surtout de garde à vue, soient respectées. Je tiens à ce prix, parce qu’on ne peut comprendre que des spécialistes puissent garder des mis en cause pendant une ou deux semaines, alors que la loi voudrait que ça soit 48 heures, renouvelable pour certaines infractions pour 24 heures avec l’avis du procureur. Et, la troisième, c’était l’information. Le Code de procédure dit : une fois que l’officier de police judiciaire a connaissance d’une infraction, il en informe directement le procureur de la République. Et, si l’information est donnée, ça évite beaucoup de choses ; parce que si le procureur qui est le directeur des enquêtes est informé, il peut donner des consignes ou des directives à suivre pour éviter les bavures. Si vous respectez la procédure, vous évitez la bavure. Et, vous n’êtes pas sans savoir que des fois nos services sont incriminés pour des cas de tortures et autres. Mais, si vous êtes respectueux de la procédure, vous évitez tout ça. Donc, c’était dans ce cadre que nous avons pris attache avec nos OPJ pour leur prodiguer des conseils sur des règles à suivre que nous avons résumé en trois : l’information, le respect des règles de garde à vue et que les procédures soient suivies par les OPJ habités.

Guineematin.com : est-ce que des engagements ont été pris par ces OPJ ?

Souleymane Kouyaté : il y a eu des engagements et je suis le directeur des enquêtes. Il est de mon devoir de les amener à suivre les directives. Mais, l’équipe que nous nous avions reçue a pris l’engagement que désormais ils feront en sorte qu’ils soient plus procéduriers. Ce n’est pas parce que nous minimisons leurs compétences, c’est ce que nous leur avons dit. Ce n’était pas un cours ; mais, c’est un rappel pour dire que désormais le monde est en train de changer, y compris la Guinée. Désormais, il faut que nous changions aussi, que nous soyions respectueux de la procédure ; et, ils se sont engagés au respect de cette procédure.

Guineematin.com : ces deux derniers jours, nous avons appris que des cas de vol de bétail ont été signalés dans les alentours de Mamou. Vous en êtes où par rapport aux enquêtes ?

Souleymane Kouyaté : A notre prise de fonction, nous avons été informés d’un cas de vol de bétail à Soyah. On m’a même déposé le procès-verbal contre X que j’ai orienté en information judiciaire afin que le juge d’instruction mène les diligences nécessaires en écrivant au cadastre pour voir comment identifier le propriétaire du véhicule qu’ils ont laissé sur place. Les éléments ont pris la fuite ; mais, avec cette démarche, peut-être nous pourrons aboutir à quelque chose.

Le deuxième cas c’était le 31 janvier dernier. Là, il y a eu même des échanges de tirs entre les agents et les voleurs. Vous n’êtes pas sans savoir que ce sont les militaires qui arraisonnent généralement et qui mettent à la disposition de la gendarmerie. Je n’ai pas encore reçu le  PV ; mais, c’est encore vers Soyah, sur la route de Faranah. Instruction a été donnée et ils sont en train de travailler sur la procédure qu’ils vont faire parvenir très bientôt au parquet afin que nous saisissions aussi le cabinet d’instruction. Dans ces deux procédures, il était question des cas de vols où des citoyens ont embarqué du bétail. Dans le premier cas, il y avait un bœuf et le second aussi un bœuf plus deux motos. Mais, il y a eu des tirs et les gens ont pris la fuite. Ils n’ont pas été pris ; mais, les objets ont été mis sous scellé.

Guineematin.com : il n’y a pas eu de blessé lors des échanges des tirs ?

Souleymane Kouyaté : non, il n’y a pas eu de blessé.

Guineematin.com : vous avez pu au moins rencontrer les propriétaires de ces bétails ?

Souleymane Kouyaté : Non. Mais, le deuxième cas par exemple, on m’informe qu’il y a un vieux qui s’est présenté comme propriétaire de cet animal et la gendarmerie est en train de vérifier. J’ai donné les instructions de vérifier si la marque correspond, parce qu’il disait qu’il a quatre autres dont les marques correspondent. Si c’est le cas, nous ne trouvons aucun inconvénient à lui restituer son animal.

Guineematin.com : Jusqu’où ira votre engagement dans l’application de la loi ?

Souleymane Kouyaté : Mon engagement est de mise du fait que nous avons prêté serment pour combattre la criminalité. C’est dans ce sens qu’on m’a fait confiance pour me nommer procureur à Mamou. Je suivrai cette logique et  je vais combattre la criminalité. Soyez rassuré que je ne dandinerai jamais avec des voleurs, surtout les coupeurs de route. Ça, j’ai pris l’engagement depuis ma prise de fonction. Mettez-moi à l’action et j’espère que le temps en dira.

Guineematin.com : Que dire de la population carcérale à Mamou ?

Souleymane Kouyaté : j’ai eu une idée sur la population carcérale à Mamou, parce que mon premier travail, en tant que procureur, il faut maîtriser la population carcérale. Donc, j’ai demandé aux agents de la garde pénitentiaire qui m’ont envoyé un rapport où nous avions au jour 189 détenus, toutes catégories confondues. Pour l’instant, je ne peux pas dire qu’il y a tel nombre en détention préventive ou bien tel nombre de condamnés, parce que je viens d’arriver et je n’ai pas le document sous les yeux. Mais, il y a quand-même 189 détenus.

Guineematin.com : quelles seront vos perspectives ?

Souleymane Kouyaté : c’est de redorer l’image de la justice afin qu’elle soit plus proche des justiciables. C’est notre objectif. Nous ne sommes pas contre les justiciables, pas contre la population ; mais, d’œuvrer dans le sens que la confiance s’installe entre nous.

Guineematin.com : avant votre arrivée, des mis en cause accusaient les OPJ d’avoir changé leurs propos. Qu’en dites-vous ?

Souleymane Kouyaté : c’est de bonne guerre. On ne verra jamais un prévenu reconnaître facilement. On a toujours des alibis. Et, c’est justement dans ce cadre que nous avons appelé nos OPJ pour essayer de discuter avec eux afin qu’ils s’améliorent. Et, on va tout entendre. Même moi, vous allez entendre quelqu’un dire que ce procureur est contre moi. Mais, l’essentiel c’est d’être en paix avec soi-même.

Guineematin.com : un message à l’endroit de la population de Mamou ?

Souleymane Kouyaté : c’est de nous faire confiance. Nous ferons le travail textuellement.

De Mamou, Alpha Assia Baldé pour Guineematin.com

Tél : 622 68 00 41

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