Que faut-il faire pour une transition réussie ? Voici les suggestions et propositions du MoDeL

Comment réussir la transition en cours ? Le Mouvement démocratique libéral (MoDeL) apporte une réponse à cette question, qui préoccupe aujourd’hui plus d’un Guinéen. Après une réflexion approfondie, la formation politique, dirigée par Aliou Bah, a fait plusieurs suggestions et propositions visant à permettre un retour à l’ordre constitutionnel dans un climat apaisé. Ces propositions sont contenues dans un document qui a été publié ce samedi, 26 février 2022, au cours d’une conférence de presse, à Conakry. Elles portent sur trois axes principaux, à savoir, l’éventualité de l’organisation des élections par le MATD ; l’organe de gestion des élections et le fichier électoral.

Guineematin.com vous propose ci-dessous l’intégralité du document :

Aliou Bah, président du Mouvement démocratique libéral (MoDeL)

Objet : PRESENTATION DE LA RÉFLEXION SUR LA PROPOSITION DU MoDeL PORTANT SUR LE PROCESSUS ÉLECTORAL DE LA TRANSITION POUR UN RETOUR À L’ORDRE CONSTITUTIONNEL EN GUINÉE.

Février 2022

  1. CONTEXTE

Depuis le 05 Septembre 2021, la Guinée vit une transition suite au renversement du régime de M. Alpha CONDE. Ce changement intervenu dans un contexte difficile pour les Guinéens, a été motivé selon les auteurs par entre autres l’injustice, la gabegie et le délitement de l’Etat qui conduisaient le pays vers un avenir incertain.

Étant mis devant le fait accompli, une large proportion des populations a accompagné ce nouveau processus qui doit s’achever par un retour dans un délai raisonnable à l’ordre constitutionnel afin de remettre la Guinée sur les rails du développement économique et social au bénéfice de tous.

Pour être réussie, l’enjeu fondamental d’une transition doit demeurer le retour à l’ordre constitutionnel via un processus électoral transparent et accepté de toutes les parties. Et le fondement de cette vocation est l’inclusion de toutes les forces vives de la nation. C’est pourquoi, il est nécessaire de statuer sur la durée de la transition et son chronogramme sans prétendre qu’une telle démarche serait incompatible avec la conduite des affaires courantes de l’État, fut-elles exceptionnelles par endroits.

C’est dans cet élan et fidèle à sa réputation de force de proposition que le MoDeL a mené une réflexion allant dans le sens d’apporter des éléments précis et objectifs afin d’accompagner dans la bonne direction les autorités de la transition et les partenaires au processus.

Ce document est donc le résultat d’un travail rigoureux mené par les professionnels de la cellule réflexion du parti MoDeL. Il est essentiellement axé sur trois centres d’intérêt :

  • De l’éventualité de l’organisation des élections par le MATD ;
  • De l’organe en charge des élections ;
  • Du fichier électoral et du chronogramme d’exécution des étapes du processus ;

  1. DE L’ÉVENTUALITÉ DE L’ORGANISATION DES ÉLECTIONS PAR LE MATD

Nous partirons ici du principe que la volonté exprimée et plusieurs fois renouvelée par le CNRD est de doter le pays d’Institutions fortes, de respecter les différents traités et conventions internationaux ratifiés par la Guinée dans le cadre de la démocratie et de la bonne gouvernance, de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981, de mettre en pratique les directives pour les missions d’observations et de suivi électoral de l’union Africaine de 2002 et du pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 (qui dispose qu’une autorité électorale indépendante devrait être créée afin de superviser le processus électoral et de veiller à ce qu’il soit conduit dans des conditions d’équité et d’impartialité conformément à des lois établies qui soient compatibles avec le pacte). Toute renonciation à ses dispositions est incompatible avec l’article 25 du pacte.

Même si ces Accords, Traités et Conventions n’ont pas une incidence directe sur le cheminement du processus de la Transition actuellement en cours, parce que n’ayant pas tous le caractère contraignant, ils n’en constituent pas moins l’adossement juridique de l’ensemble de nos textes législatifs et réglementaires et inhibent de ce fait notre contexte et impactent en le fécondant, notre processus électoral national.

D’autre part, les études récentes effectuées par des professionnels électoraux pour le compte de L’IDEA International sur les meilleures pratiques électorales à travers le monde, ont révélé que sur un échantillon de 214 pays et territoires organisant des élections avec les modèles d’OGE connus à ce jour, 55 % d’entre eux avaient adopté le modèle indépendant, 26% le modèle gouvernemental et 15 % le modèle mixte (les 4% restants correspondent aux pays qui n’organisent pas d’élections au niveau national).

Dans notre pays, la dernière élection organisée par le Ministère en charge de l’Administration Territoire et de la Décentralisation remonte des élections communales de 2005 soit depuis 17 ans révolus, ce qui semble dire que le département ne dispose pratiquement plus de personnel professionnel et qualifié pour l’organisation des élections crédibles et transparentes tant au niveau central que déconcentré.

Entre autres raisons justifiées :

✓ Manque de personnel disposant d’une qualification requise dans le cadre des formations

matière électorale notamment BRIDGELEAD et GAR;

✓ Manque au niveau des autorités administratives déconcentrées (gouverneurs, préfets et sous- préfets) de compétences professionnelles requises dans le domaine électoral ;

✓ Manque de neutralité et d’impartialité de l’administration publique ;

✓ Existence d’un OGE parallèle crée et entretenu par le MATD lors des précédentes élections qui produisait tous les documents sensibles (procès-verbaux, bulletins de vote et enveloppes sécurisées) sans en avoir reçu les spécifications techniques de l’OGE habilité à le faire ;

✓ Production supplémentaire du matériel électoral sensible par l’administration dans le but de modifier les résultats des Bureaux de Vote avant la centralisation ;

✓ Le refus de l’administration de parachever le processus d’installation des conseils de districts et de quartiers entièrement gagnés par l’opposition lors des élections communales de 2018. Il en est de même pour les conseils régionaux et le conseil de ville de Conakry dont l’installation devait être assurée par le MATD.

Par contre, la Constitution de 2010 consacre définitivement la CENI comme l’Institution chargée de l’Organisation de toutes les élections politiques et du referendum en République de Guinée. Depuis cette date, le Ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation a perdu, à force de réformes structurelles, de cessation de service et/ou d’affectation de ses cadres, la quasi-totalité des compétences qui y étaient réunies pour l’organisation des élections. Son apport en la matière s’est résumé alors à des appuis techniques à la CENI dans les domaines jugés pertinents par cette Institution électorale et ce, conformément aux textes en vigueur.

A partir de 2010, les différentes réformes et mutations que la CENI elle-même a connues ont permis de former et doter l’espace électoral guinéen de milliers d’agents et professionnels électoraux qui constituent de nos jours un vivier important de ressources humaines mobilisables pour assurer la mise en œuvre des opérations électorales inscrites comme objectifs à atteindre dans l’agenda du CNRD.

  1. DE L’ORGANE DE GESTION DES ELECTIONS

Nos élections sont complexes, les conditions difficiles et les moyens ont toujours été sujets de dispute quand elles ne mènent pas à des crises violentes et meurtrières d’où la nécessité d’avoir un organe de gestion des élections qui fasse unanimité.

Ø  Le plan controversé de faire organiser les élections par le MATD=> quelles ont été les raisons qui ont conduit les états à la création des différentes CENI/CEI dans nos pays ? Est-ce que ces raisons ne sont plus d’actualités ? Quels moyens techniques et financiers ? Quelle est la crédibilité du MATD auprès des acteurs politiques, des partenaires techniques ?

Ø   Manque de compétences au niveau du MATD des autorités administratives déconcentrées en matière électoral. Neutralité hautement contestable de l’administration publique dans l’organisation des élections ;

Ø  Exigence d’un Organe de gestion des élections indépendant, neutre et apolitique (Conseil National Electoral) => s’inspirer de ces OGE qui fonctionnent et qui sont arrivé à des résultats probants et en créer un identique dans sa composition, son fonctionnement, son financement et son contrôle ;

Ø  Administration CNE : 5 membres (1 président, 2 vice-présidents, 1 questeur, et 1 rapporteur) et six départements techniques.

Ø   Démembrements : CPE (préfecture) ; CSPE (sous-préfecture) ; CCE (commune); CAE (ambassade)

Ø  Création d’un cadre juridique (décret) pour la mise en place d’un OGE : Loi garantissant l’indépendance et l’intégrité de ses membres et du fonctionnement ; Refonte du code électoral ;

Ø  Un système cohérent, infalsifiable, de sécurisation des votes ; Respect du triptyque Un vote Une voie-Une valeur.

Ø  Un financement qui permette l’indépendance et l’autonomie de l’OGE. Impartialité des magistrats et de tous les intervenants.

  1. DU FICHIER ELECTORAL => 293 jours/ environ 10 mois.

L’option du CNRD en faveur d’une refonte systématique du fichier électoral contribue à l’atténuation de la polémique qui a longtemps gangréné le paysage politique national. Les nombreuses révisions et autres audits qui ont jalonné sa confection depuis la première élection pluraliste véritablement démocratique de 2010 n’ont pas réussi à apaiser les inquiétudes des politiques et encore moins à les mettre d’accord tant sur le plan de sa fiabilité technique et architecturale que sur celui de la carte électorale nationale. Le consensus qui se dégage en faveur de cette Refonte du fichier permettra certainement de rassembler les acteurs politiques autour de l’essentiel qui est de nos jours de créer les conditions optimales favorisant une compétition saine, inclusive et juste pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel. Pour se faire,

Ø  Le choix d’une procédure claire et consensuelle de refonte du fichier électoral existant ;

Ø   Le choix d’un opérateur technique compétent et crédible disposant d’un logiciel moderne, performant et adapté en termes de sécurité, de sincérité et de fiabilité ;

Ø  L’identification et le recrutement d’opérateurs techniques conscients et compétents et leur formation ;

Ø   La couverture et l’enregistrement équitable des électeurs sur tout le territoire national par les agents opérateurs de saisie ;

Ø  Le traitement exhaustif, transparent et équitable des données des électeurs au site central et la sécurisation des données personnelles des électeurs et du site de traitement des données ;

Ø   La production sécurisée des documents électoraux.

Globalement et à titre purement indicatif, la durée minimale de l’opération de recensement des électeurs jusqu’à l’impression des listes définitives et cartes d’électeurs (intérieur et extérieur du pays) sera de 293 jours soit 10 mois environ.

V.2 : Du Fichier électoral

L’option du CNRD en faveur d’une refonte systématique du fichier électoral contribue à l’atténuation de la polémique qui a longtemps gangréné le paysage politique national. Les nombreuses révisions et autres audits qui ont jalonné sa confection depuis la première élection pluraliste véritablement démocratique de 2010 n’ont pas réussi à apaiser les inquiétudes des politiques et encore moins à les mettre d’accord tant sur le plan de sa fiabilité technique et architecturale que sur celui de la carte électorale nationale. Le consensus qui se dégage en faveur de cette Refonte du fichier permettra certainement de rassembler les acteurs politiques autour de l’essentiel qui est de nos jours de créer les conditions optimales favorisant une compétition saine, inclusive et juste pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel.

Par contre, sa détermination à procéder à un Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) duquel sera tiré le fichier électoral posera plus de questions qu’elle n’en résout, ce recensement fut-il biométrique. Entre autres, on pourrait citer :

  1. Le RGPH concerne tous les citoyens guinéens quel que soit leur âge ou leur statut qu’ils soient en conflit avec la loi, ou carrément déchus de leurs droits civils et politiques, les étrangers présents sur le sol guinéen au moment du recensement quel que soit leur statut (résident permanent ou temporaire), leur âge et leur nationalité ;

  1. Le recensement général de la population et de l’habitat est ainsi un processus long, méticuleux et coûteux. Disposerons-nous d’un temps relativement suffisant pour une telle opération dans le cadre d’une Transition ? De quelles ressources financières disposerons-nous pour que l’opération soit exhaustive, inclusive, transparente et fiable ?

  1. Le RGPH exclut les guinéens résidant à l’étranger qui sont cependant des citoyens Guinéens à part entière ;

  1. Le RGPH nécessite ni la présentation d’un document d’identification ni la présence physique du citoyen à recenser ; ce qui ouvre la voie à toutes sortes de manœuvres. Si l’on doit tirer le fichier électoral de cette opération on risque d’avoir un fichier biaisé (il est établi que pour tous les RGPH connus à ce jour en Guinée, le père de famille peut faire recenser tous les membres de sa famille à leur insu) ;

Fait à Conakry Le 26/02/2022.

Cellule de Communication

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