Makalé Soumah, journaliste et activiste : « en Guinée, beaucoup de femmes ne connaissent pas leurs droits »

A l’instar de nombreux autres pays du monde, la Guinée a célébré ce mardi, 08 mars 2022, la journée internationale des droits des femmes. Et, à l’occasion de la célébration de cette journée instituée en 1977 par les Nations Unies, Guineematin.com a tendu son micro à Makalé Soumah, célèbre journaliste présentatrice de JT (journal télévisé) à la RTG (la télévision nationale). Elle est également la présidente de l’antenne guinéenne du Réseau Ouest Africain des Jeunes Femmes et Filles Leaders de la CEDEAO, une organisation sous-régionale qui est présente dans les 15 pays de la CEDEAO. Makalé est par ailleurs chargée de communication de l’ONG internationale make Every Woman Counte (faire en sorte que chaque femme compte).

Avec cette femme qui a déjà ses marques dans la presse guinéenne et qui se bat chaque jour pour briser le plafond de verre et revendiquer l’égalité et le respect des femmes, nous avons parlé de son parcours de journaliste, de la situation actuelle de la femme guinéenne, surtout les difficultés. Et, sur ce dernier point, elle est formelle sur le fait qu’il y a encore du chemin à faire pour obtenir et préserver les droits des femmes en Guinée. Makalé Soumah appelle surtout au respect de la loi sur les violences faites aux femmes ; mais, elle interpelle aussi les femmes sur leur responsabilité à chercher à bien connaître leurs droits pour mieux les revendiquer.

Décryptage !

Guineematin.com : Pouvez-vous nous parler de votre parcours académique et vos débuts dans le journalisme ? 

Makalé Soumah, journaliste reporter d’images et présentatrice du journal Télévisé à la RTG

Makalé  Soumah : Je suis passée par la faculté des lettres et sciences humaines où j’ai fait le journalisme. Mais, avant cela, après le bac, j’ai été envoyée à la faculté de droit de Kindia. Mais, étant enfant unique, ma mère a dit qu’elle ne me laissera pas aller à Kindia, vue que c’est à l’intérieur du pays et qu’elle ne voulait pas me voir loin d’elle. Donc, c’est elle-même qui a cherché quelqu’un, parce qu’à l’époque, les étudiants pouvaient faire la permutation entre eux. Elle a trouvé quelqu’un à mon insu qui voulait faire le droit, mais qui était orienté en lettres. Elle m’en a parlé et j’ai compris. À l’université, nous avions des professeurs vedettes à la RTG qui connaissaient chacun d’entre nous en classe. Moi, c’est Siré Dieng qui m’a dit : toi tu peux bien être à la télé. Il m’a dit : Makalé, je sais que toutes les filles de ta classe veulent aller à la télé ; mais, toi tu commences d’abord par la presse écrite, tu te fais la main ; ensuite, à la radio pour avoir un peu d’expérience, après, tu débarques à la télé. Il m’a dit : tu as la voix, tu as le visage… C’est une opportunité pour moi de le remercier. Avant d’atterrir à la RTG, je suis passée comme stagiaire à l’observateur, l’hebdomadaire d’informations, en 2004 où j’ai travaillé avec Nouhou Baldé. En plus, je suis passée au site d’informations Guineenews. En 2006, je suis venue à la RTG, notamment à la télé où j’ai passé un an de stage avant d’être engagée à la fonction publique. Et, depuis, j’y suis. Donc, voilà un peu mon parcours.

Guinéematin.com : à vous entendre, on a l’impression que votre parcours a été très facile. Mais, en réalité, est-ce que vous avez rencontré des obstacles ?

Makalé Soumah : Les débuts n’ont pas été faciles, je l’avoue. Mais, j’avais un peu de chance quand même par rapport à mes autres collègues. Moi, j’ai eu la chance de tomber sur quelqu’un qui était très sympa qui est Tibou Kamara, qui me prenait comme une petite sœur, qui m’a permis de vraiment évoluer comme il se devait. Je suis tombée également sur des confrères comme les Nouhou Baldé (administrateur général du site d’informations générales Guineematin.com), Alpha Camara, Boua Kouyaté… Ceux-ci m’ont encadré. On avait des aînés comme Top Sylla qui a une plume vraiment reconnue dans le pays et même à l’international. Il y avait aussi El Bachir Diallo… Je n’ai vraiment pas eu de souci avec l’encadrement de ceux-ci. Le problème, c’était le terrain. Vous savez, les femmes et le terrain, c’est une histoire. Aller sur le terrain pour faire des reportages, là, il y avait des petits soucis parfois. Parce qu’il y en a, quand on leur envoyait Makalé Soumah, ils disent : non, on a l’habitude de travailler avec tel, ou est-ce qu’elle pourra tenir surtout quand il s’agit des voyages à l’intérieur du pays. J’ai réussi à ce niveau à faire mes marques et ça m’a permis d’évoluer.

Guineematin.com : Qu’est-ce qui vous a permis de tenir, un petit secret peut-être ?

Makalé Soumah : Il n’y a pas de secret, c’est juste la rigueur, c’est juste aimer ce qu’on fait, être passionné, avoir l’amour de son travail. Il n’y a pas d’autre secret. Il faut être rigoureux. Tout ce que tu fais, il faut le faire bien, ça peut payer maintenant ou après, mais ça paie toujours. Le travail bien fait paie toujours.

Guineematin.com : Nous sommes le 8 mars aujourd’hui ; et, c’est la journée internationale des droits des femmes. Qu’est-ce que vous avez comme message à l’endroit des nombreuses femmes qui vous suivent aujourd’hui à travers le monde ?

Makalé Soumah : Je sais que les femmes sont un petit peu reléguées au second plan. Vous n’êtes pas sans savoir dans la presse, c’est tout récemment qu’elle a commencé à se féminiser, si je peux me permettre le terme. Il y a beaucoup de femmes qui ne venaient pas dans la presse à cause des difficultés que j’ai relevées. Donc, il y en a, dès qu’elles se marient, ça commence à être compliqué, elles ne peuvent pas lier foyer et travail. C’est un peu compliqué, c’est vrai ; mais, il faut le faire. Quand on aime son travail, je l’ai dit, on surmonte tous les obstacles et on se fixe des objectifs. On a des perspectives, on a de l’ambition, on fait en sorte de les atteindre. C’est le 8 mars, c’est la journée internationale des Droits des femmes. En Guinée, c’est tout le mois de mars qui est consacré à cela. Au-delà de mon métier de journaliste, je suis aussi féministe, j’évolue au sein de la société civile. Je suis la présidente de l’antenne guinéenne du Réseau Ouest Africain des Jeunes Femmes et Filles Leaders de la CEDEAO. C’est une organisation sous-régionale qui est présente dans les 15 pays de la CEDEAO. Je suis également chargée de communication de l’ONG internationale make Every Woman Counte (faire en sorte que chaque femme compte). Du coup, je connais un peu les problèmes auxquels sont confrontées les femmes guinéennes. Je sais que le respect des droits, on en est encore loin. Il y a beaucoup de demandes : l’égalité, mettre fin aux problèmes qui assaillent les femmes, la discrimination, le sexisme dans le service, dans le travail, il y a les violences faites aux femmes, il y a beaucoup de travail. J’en sais quelque chose parce que je travaille sur le protocole de Maputo qui est un élément fondamental dans la mise en œuvre de toutes les politiques liées à l’atteinte au respect et à la promotion des droits de la femme. Beaucoup de choses ont été faites, beaucoup de travail a été fait en ce qui concerne le respect des droits de la femme en Guinée, mais on est loin encore de l’objectif, on est très loin de l’objectif. Il reste beaucoup à faire et par les autorités et par les citoyens. Parce que nous les femmes, nous parlons de notre droit ; mais, il y a beaucoup de femmes qui ne connaissent pas leurs droits. Et, pour défendre quelque chose, il faut bien la connaître, bien la maîtriser. Si les femmes connaissent bien leurs droits de bout en bout, je pense qu’on n’en serait pas là. Donc, c’est de demander aux femmes de bien maîtriser leurs droits, de savoir ce dont elles ont droit, de savoir ce qui est leur devoir. Je pense que ça nous permettrait d’aller vite dans le combat que nous menons au quotidien. Le combat de la parité, le combat de l’égalité, tout cela va sur des bases qui doivent être solides et des bases claires et nettes.

Guineematin.com : Vous disiez tantôt qu’il y a beaucoup de choses qui restent à faire pour le respect des droits de la femme dans notre pays. Mais, que doivent faire aujourd’hui les autorités guinéennes pour améliorer cette situation des femmes ? 

Makalé Soumah : C’est de commencer d’abord par respecter les politiques qui sont mises en place au niveau des départements structurels. Le département de la promotion de la femme, on en avait déjà un des droits et de l’autonomisation. On est encore revenu à la promotion féminine. Il y a des politiques qui sont au niveau de ces départements-là, il y a des lois qui ont été votées dans ce pays en faveur de la parité, en faveur de l’égalité, il faut que ces lois-là soient respectées. Les lois sont là ; mais, le contenu n’est pas respecté. Si je prends par exemple l’excision, il est dit dans la loi que ceux qui se permettent de faire cette pratique-là sont punis par la loi. Mais, ils ne le sont jamais. Quand ils sont appréhendés, ils sont au niveau de l’OPROGEM et ensuite au niveau de la justice, on les relaxe tout simplement. La loi n’est pas appliquée ; et, si elle n’est pas appliquée, ceux qui se permettent cela n’abandonneront jamais les pratiques qu’ils font. Donc, il faut que la loi soit appliquée et qu’on en vienne vraiment au respect des droits des femmes dans ce pays.

Guineematin.com : Pour finir quel message avez-vous à l’endroit de vos nombreux fans ? 

Makalé Soumah : Un message de remerciements pour tous mes fans, pour toutes celles et tous ceux qui me suivent et me le font savoir dans les rues, à tous les niveaux où on me rencontre. Grand merci à eux, ils m’encouragent et cela me fait du baume au cœur. Quand ton travail est apprécié, ça fait toujours plaisir. Donc, c’est un plaisir immense de savoir qu’il y a beaucoup de téléspectateurs à qui je plais. Donc, merci à eux. Je dis également merci aux responsables de la RTG, la direction générale, mes collègues, confrères et consœurs de travail et toute la presse guinéenne. Je me sens en famille au sein de la presse guinéenne.

Guineematin.com : Makalé Soumah merci de nous avoir reçu chez vous. 

Makalé Soumah : C’est moi qui vous remercie !

Malick Diakité pour Guineematin.com

Tel : 626-66-29-27

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