Pr Hassane Bah : « un Institut de médecine légale apportera de nombreux avantages à la Guinée »

Pr Hassane Bah, président de la Société guinéenne de la médecine légale

Professeur Hassane Bah, Médecin chef du Service médico-légale de l’hôpital national Ignace Deen, Président de l’ordre national des médecins de Guinée, Président de la Commission santé, éducation, affaires sociales et de la culture du CNT est le Président du Comité d’organisation du premier Congrès international de la société guinéenne de la médecine légale et de la santé au travail, qui s’est tenu à Conakry, les 24 et 25 mars 2022. À la fin de de cette rencontre internationale qui a mobilisé plus de 300 participants (venus de la sous-région Ouest africaine, de l’Afrique centrale et d’ailleurs), Pr Bah a accepté de répondre à nos questions.

Dans cet entretien avec Guineematin.com, ce responsable scientifique est revenu sur l’objectif du Congrès, la nécessité pour la Guinée d’avoir un institut de médecine légale et les résultats obtenus par le Congrès.

Décryptage… 

Guineematin.com : Vous êtes le président du Comité d’organisation du premier Congrès international  de la société guinéenne de la médecine légale et de la santé au travail. Dites-nous pourquoi ce Congrès et sa tenue maintenant en Guinée ?

Pr Hassane Bah : je tiens à vous remercier très sincèrement pour avoir répondu à l’invitation du comité d’organisation de ce congrès, le premier du genre dans notre pays. Retenez que le Congrès est une activité scientifique. Je suis médecin, enseignant et chercheur. Donc, c’est dans le cadre logique de mes activités universitaires que j’ai organisé ce Congrès. Donc, c’est une activité universitaire qui s’inscrit dans un cadre normal et légal.

Guineematin.com : Quels étaient les objectifs visés par ce rendez-vous scientifique ?

Pr Hassane Bah : L’objectif principal de cette rencontre c’est d’échanger les expériences avec nos collègues de la sous-région ouest africaine, de l’Afrique centrale, d’Europe et même des Etats Unis pour voir comment est-ce qu’on peut mettre en place un protocole harmonisé et adapté à la prise en charge globale des violences sexuelles. Aujourd’hui, il n’est un secret pour personne que le viol est devenu un problème de santé publique et une préoccupation majeure de nos populations. Face à cette situation, il est nécessaire de voir comment on peut réduire, voire freiner la propagation de ce phénomène et mettre en place des mesures juridiques et règlementaires pouvant punir au moins les auteurs à la hauteur du crime lié au viol et aux violences sexuelles.

Guineematin.com : A l’ occasion de ce Congrès, vous avez été nombreux à solliciter la mise en place d’un institut de médecine légale. A quoi servira un tel établissement ?

Pr Hassane Bah : Imaginez-vous les crimes liés aux agressions sexuelles. Prenez une personne qui est victime d’agression sexuelle. On n’a pas de preuve. La seule preuve qu’on peut avoir au niveau de la médecine légale, c’est les lésions anatomiques. Et d’ailleurs les seules lésions qu’on peut avoir c’est lorsque la fille est vierge ou c’est lorsque c’est un viol collectif ou un viol avec beaucoup de lésions. Donc on peut les voir. Mais on ne peut pas mettre en évidence les spermatozoïdes. Et lorsqu’il s’agit d’un viol collectif la responsabilité pénale étant individuelle, il est important, voire indispensable de faire un prélèvement des spermatozoïdes d’extraire l’ADN dans les spermatozoïdes et de comparer cet AND avec celui des suspects. S’il y a plusieurs personnes qui ont commis le viol, chacune des personnes va dire que ce n’est pas moi, c’est l’autre. La seule arme que nous avons pour identifier réellement le coupable, c’est l’ADN. Aujourd’hui malheureusement dans notre pays, nous n’avons pas de laboratoire d’ADN. Donc avec cet Institut, nous aurons un laboratoire d’ADN. Deuxièmement, il y a ce qu’on appelle l’imagerie médico-légale. Aujourd’hui, on ne peut non plus comme on le fait dans les cas de crimes, rechercher quelques fois de fractions de balle ou faire des autopsies, rechercher des lésions qu’on ne peut pas parfois voir, mais qu’on peut traiter avec l’imagerie avec scanner, avec l’IRN. Donc c’est tous ces éléments qu’on va mettre en place mais aussi de la biologie médico-légale. Il y a des produits, des substances toxiques qu’on peut utiliser comme arme pour éliminer une personne dont on ne souhaiterait pas dans le cadre de l’empoisonnement, on est incapable d’avoir un laboratoire de toxicologie. Donc, tout cela c’est très important dans le cadre d’un Institut de médecine légale au sein duquel on aura un laboratoire de toxicologie, un laboratoire d’anatomo-pathologie, un laboratoire d’imagerie médico-légale. Tout cet ensemble va qualifier le travail de la médecine légale  et permettre au juge de prendre des décisions affinées qui reposent sur des bases scientifiques irréfutables.

Guineematin.com : Quel est le bilan tiré de ce Congrès de médecine légale et de santé au travail ?

Professeur Hassane Bah : Nous avons tiré un très bon bilan. D’abord, c’est l’intérêt et la mobilisation que ce Congrès a suscité au niveau africain. Vous savez qu’on attendait même le Professeur congolais, Dr Denis Mukwege, qui répare les fistules mais qui a eu un empêchement à la dernière minute. Aujourd’hui, toute la communauté scientifique, en tout cas médico-légale de la sous-région s’est retrouvée en Guinée. C’est un point très important. On attendait 250 participants et au final nous avons eu plus de 300 personnes. Ensuite, nous avons discuté du protocole à mettre en place pour une législation et une règlementation pour la Guinée en vue de freiner les cas de viol et de violences sexuelles dans notre pays.

Enfin, il y a le partenariat que nous allons nouer avec  les universités sous régionales dans le cadre de la formation continue des médecins légistes guinéens. Puisque nous avons dans notre pays un DES (diplôme d’études spécialisées en médecine légale)  que nous avons mis en place depuis quatre années. Nous allons renforcer la coopération avec nos collègues de la sous-région qui vont venir pour donner des cours. Et les médecins guinéens auront l’opportunité d’aller au Sénégal, en Côte d’Ivoire ou au Congo Brazzaville pour faire des stages dans le domaine de la médecine légale et renforcer leur capacité dans ce domaine. Ça aussi c’est fondamental. Et pour finir, nous disons que ce premier Congrès, est un véritable succès pour le monde scientifique guinéen et nous mettons un accent particulier sur l’implication très positive des autorités de notre pays pour le succès de l’évènement. C’est vraiment une véritable réussite et on remercie tout le monde.

Propos recueillis et décryptés par Abdallah BALDE pour Guineematin.com

Tél : 628 08 98 45

Facebook Comments Box