Coup d’État militaire du 5 septembre 2021 : 7 mois après, qu’est-ce qui a changé en Guinée ?

Colonel Mamadi Doumbouya, président du CNRD

Il y a sept mois jour pour jour, les Guinéens enregistraient un changement inattendu à la tête de leur pays. Le Groupement des Forces spéciales (une puissante unité d’élite de l’armée guinéenne), dirigé par le Colonel Mamadi Doumbouya, capture facilement le président Alpha Condé et s’empare du pouvoir. Réunis au sein du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), les militaires annoncent la suspension de la constitution, la dissolution du gouvernement, de l’Assemblée nationale et de toutes les autres institutions républicaines.

Ce coup d’Etat militaire est accueilli comme un salut par les Guinéens, qui en avaient marre de la gouvernance d’Alpha Condé (le président guinéen qui s’était octroyé près d’une année plus tôt un troisième mandat contesté au prix de beaucoup de morts et de blessés, ainsi que de nombreux opposants emprisonnés). Des scènes de liesse sont enregistrées dans plusieurs villes du pays pour célébrer la chute du régime Alpha Condé et remercier le CNRD, perçu comme un sauveur d’un peuple qui était en détresse.

Un sentiment conforté par les premiers discours tenus par le président du CNRD, le Colonel Mamadi Doumbouya (qui a promis de faire de la justice la boussole qui va désormais guider toutes les actions), mais aussi par les premiers actes posés. Dès après son arrivée au pouvoir, la junte militaire restitue à l’UFDG (le parti de Cellou Dalein Diallo, le principal opposant du régime Alpha Condé) son siège national et son quartier général, qui étaient illégalement fermés depuis octobre 2020 par le pouvoir d’Alpha Condé.

Elle libère les nombreux prisonniers politiques ; rouvre les frontières entre la Guinée et certains de ses voisins (le Sénégal et la Guinée-Bissau), qui étaient également fermées depuis octobre 2020 par le défunt régime ; revoit à la baisse le prix du carburant, dont le litre est passé de 11 000 à 10 000 francs guinéens à la pompe. Le CNRD, qui a annoncé sa volonté de lutter contre la corruption et les détournements des deniers publics, ordonne le gel des comptes bancaires des anciens membres du gouvernement et des anciens présidents des institutions républicaines dissoutes.

Mais, au bout de quelques mois seulement, les Guinéens ont commencé à déchanter. Le processus de mise en place du CNT (Conseil national de transition), le manque de lisibilité sur la durée et le chronogramme de la Transition, le manque de dialogue entre le CNRD et la classe politique et surtout la cherté du coût de la vie, ont commencé à susciter des interrogations chez certains et des critiques chez d’autres. Et pour ne rien arranger, le Colonel Mamadi Doumbouya prend un décret pour restituer les Cases de Bellevue à la famille de Sékou Touré.

Il signe un autre décret pour rebaptiser l’aéroport de Conakry au nom du premier président de la République de Guinée. Un homme très conversé en Guinée : héros pour les uns et tyran pour les autres. Ensuite, le CNRD engage des procédures judiciaires contre certains leaders politiques (dont le président de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo) pour des faits de corruption, détournement de deniers publics, enrichissement illicite, etc. Dans cette même logique, les autorités expulsent les anciens premiers ministres Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré (les deux principales figures de la classe politique guinéenne) de leurs résidences. Une limite que l’ancien président s’était gardé de franchir pendant ses onze ans passés au pouvoir…

Ces maisons sont saisies dans le cadre de l’opération dite de récupération des biens de l’Etat, et celle du président de l’UFDG est même démolie, alors que la procédure est pendante devant la justice guinéenne. Toutes ces actions ont conduit à un divorce entre la junte militaire et une bonne partie de la classe politique et de la population guinéenne. Pour ces derniers, le CNRD fait « du Alpha sans Alpha ». C’est-à-dire que le Colonel Mamadi Doumbouya et son équipe agissent exactement comme Alpha Condé, l’ancien président guinéen, officiellement à Abu Dhabi pour des soins médicaux.

Sept mois donc après la chute d’Alpha Condé, la Guinée fait du surplace, comme d’habitude. Les mêmes problèmes se posent toujours, sans aucun espoir de leur trouver des solutions définitives. Aujourd’hui encore, la classe politique continue de réclamer la mise en place d’un cadre de dialogue pour discuter des grandes préoccupations du moment. Il s’agit notamment de la constitution, du code électoral, de l’organe de gestion des élections et bien sûr, de la durée et du chronogramme de la Transition, qui restent jusque-là un mystère.

Bref, si ajoute le refus des nouveaux dirigeants de se plier à la traditionnelle déclaration des biens, le limogeage (ou démission) de la ministre de la Justice, les interférences et enrichissements prêtés à certains membres du CNRD et du Gouvernement, le refus de publier la liste nominative des membres de la junte, on comprend aisément que même s’il y a eu changement après la chute du régime d’Alpha Condé, ce n’est certainement pas dans le bon sens. Faut-il espérer que le Colonel Mamadi Doumbouya et son CNRD retrouvent leur boussole pour sortir par la grande porte ?

Alpha Fafaya Diallo pour Guineematin.com

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