Transition en Guinée : Et si Condé et Doumbouya étaient de mèche ?

Dans un pays où la crise de confiance est totale, certains guinéens soutiennent qu’Alpha Condé a orchestré lui-même le coup d’Etat dont il a été la principale victime le 5 septembre 2021. Pour ma part, j’ai toujours estimé que cette hypothèse était inenvisageable. Et cela sur la base du goût du pouvoir de l’homme, du martyr qu’il a subi pour conquérir ce pouvoir et le sacrifice consenti ces dernières années pour le garder. Avec en toile de fond un troisième mandat illégal qui a coûté la vie à des centaines de Guinéens.

Pour toutes ces raisons, on voit mal cet homme organiser un simulacre de coup d’Etat pour juste se débarrasser du pouvoir. Même si, il est vrai, que seuls les dirigeants savent ce qu’ils subissent comme pressions pour garder un pouvoir. Le capitaine Moussa Dadis Camara confessait que ce sont d’autres personnes qui l’obligeaient à garder le pouvoir. Ce n’est donc pas exclu qu’Alpha Condé ait subi les mêmes pressions.

Pour ceux qui soutiennent que le coup d’Etat n’en était pas un, Alpha Condé, ne pouvant pas choisir un officier à la place de tous les barons de son régime, aurait organisé le simulacre de coup d’Etat pour écarter ses proches collaborateurs, qui s’apprêtaient à engager une implacable lutte de succession. Encore une fois, cette hypothèse est peu probable, voire totalement surréaliste.

Et pourtant, le retour d’Alpha Condé en Guinée pose moults interrogations. Parmi lesquelles Condé et Doumbouya ne sont-ils pas de mèche ? La raison est simple. Pour qui connait Alpha Condé, sait que l’homme ne fait pas partie de ces hommes politiques guinéens qui osent affronter directement leur adversaire. Certes, il fut l’un des premiers à défier le général Lansana Conté. Il était revenu au pays à un moment où s’opposer au régime militaire était très risqué. Mais, en même temps, un certain nombre de faits ont montré sa frilosité.

Animant un meeting au stade de Coléah, en 1991, il avait grimpé le mur dudit stade à l’arrivée de la police. D’où le nom de grimpeur que Le Lynx (journal satirique) lui colle à la peau jusqu’aujourd’hui. En outre, craignant une arrestation après la présidentielle de 1998, l’opposant n’avait été rattrapé qu’à la frontière guinéo-ivoirienne. Précisément à Piné. Plus tard, et après sa sortie de prison, il a gardé profil bas jusqu’à la disparition de son adversaire, le président Lansana Conté. Evitant de revenir au pays.

D’autres faits qui attestent que l’ancien président guinéen n’a pas toujours l’audace qu’on lui attribue à tort, il avait quitté le pays à l’occasion de la grande défiance que la classe politique avait organisée contre le capitaine Dadis en 2009.

Qu’est-ce dire ? Que cet homme revienne au pays au moment où ses principaux collaborateurs sont dans l’œil du cyclone, on doit légitimement s’interroger. Alpha Condé n’est pas un suicidaire. Le vieil homme ne peut pas se jeter dans la gueule du loup. S’il est revenu au pays c’est que, probablement, il a obtenu de garanties suffisantes qu’il ne sera pas inquiété.

Or, s’il n’est pas inquiété avec tout le passif (humain, économique et social de son régime), son successeur, lui, le sera. Car, aucun guinéen ou partenaire de la Guinée ne comprendra qu’Ibrahima Kassory Fofana, Mohamed Diané, Oyé Guilavogui, Zakariaou Koulibably, Louncény Nabé et tous les autres ont commis des délits ou même des crimes économiques et que leur mentor, lui, est blanc comme neige…

La question qui se pose n’est pas celle de savoir si ces personnalités ont confondu leurs poches à notre caisse commune. La question qui se pose est celle de savoir s’ils l’ont fait contre la volonté de leur bienfaiteur, le président de l’époque, Alpha Condé ? Si la réponse devait être oui ; alors, on se souviendra des propos du vieil homme qui avait déclaré qu’il ne laissera pas le pays entre les mains de bandits.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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