Demande de libération de Kassory et Cie : « ils sont incarcérés sans base légale »

Ousmane Sèye, avocat Sénégalais

Le report de l’ouverture de l’ancien premier Ibrahima Kassory Fofana et de trois autres ministres d’Alpha Condé, initialement prévue ce lundi 11 avril 2022, et la sortie du procureur spécial près la CRIEF qui a parlé de ce dossier à la radio, ont amené les avocats de la défense à se faire entendre de nouveau. Au cours d’une conférence de presse animée cet après-midi à Conakry, le collectif d’avocats qui défend Kassory Fofana, Dr Mohamed Diané, Oyé Guilavogui et Diakaria Koulibaly, s’est indigné contre cette procédure.

Selon Me Ousmane Seye, avocat au Barreau du Sénégal et membre de ce collectif, Aly Touré, le procureur spécial de la CRIEF (Cour de répression des infractions économiques et financières) a violé la loi en orientant l’affaire en flagrant délit, avant de revenir sur sa décision en la réorientant en information judiciaire. Pour les avocats, Kassory Fofana et les autres membres de son gouvernement sont détenus aujourd’hui sans aucune base légale. Et c’est la raison pour laquelle ils exigent leur libération immédiate et sans condition.

« M. le procureur spécial (près la CRIEF) a allègrement violé les droits de nos clients et a violé la loi. M. le procureur commence par vous dire qu’il a agi sur la base de l’article 462 du code de procédure pénale. Mais il omet de vous dire que cet article régit la procédure de flagrant délit en matière de droit commun. Et il ne vous a pas dit ce que c’est que la flagrance. L’article 63 du code de procédure pénale de la République de Guinée définit ce que c’est que le flagrant délit. Le flagrant délit, c’est un délit qui vient de se commettre, ou bien celui qui commet ce délit est poursuivi par la clameur publique. C’est ça la définition du flagrant délit.

Des fonctionnaires qui ont rempli leurs fonctions depuis des années, des mois, un beau matin, on leur colle la procédure de flagrant délit. Moi, je suis avocat depuis 38 ans, j’ai plaidé partout en Afrique, en France et même au Canada, je n’ai jamais vu une procédure pour des délits de détournement de deniers publics, de blanchiment d’argent, de trafic d’influence et de corruption, initiée sur la base de la flagrance. Ce n’est pas possible. On ne peut pas détourner de l’argent d’une manière flagrante. La corruption, c’est le délit le plus difficile à prouver. On ne peut pas prouver la corruption d’une manière flagrante. Le blanchiment d’argent, il y a même une loi spéciale pour ça.

Comment on peut se lever un beau matin, poursuivre des citoyens pour détournement de deniers publics, blanchiment d’argent, corruption, trafic d’influence sur la base du flagrant délit ? Le procureur spécial a violé l’article 63 du code de procédure pénale. Il a aussi violé l’article 462, parce que cet article lui permet de poursuivre sur la base du flagrant délit, de décerner même mandat de dépôt, mais pour les infractions de droit commun. Or, vous savez, les délits pour lesquels ces personnes ont été poursuivies par l’ordonnance N°2021/07/ de l’année 2021. C’est cette ordonnance qui dit que désormais, les détournements de deniers publics, de blanchiment d’argent, de trafic d’influence, sont réprimés et poursuivis par la CRIEF.

Donc, c’est une loi spéciale. Or, l’article 114 du code de procédure pénale dit que pour les délits prévus par les lois spéciales, le procureur de la République n’a pas le droit de les poursuivre sur la base du flagrant délit et n’a pas le droit de mettre ces personnes sous mandat de dépôt. Cela veut que ces personnes-là (Kassory et Cie) sont incarcérées sans base légale, donc sont séquestrées. Donc, nous demandons la main levée de ce mandat de dépôt, parce qu’il n’a pas de base légale », a martelé Me Ousmane Seye, avocat au Barreau du Sénégal.

Les avocats de Kassory Fofana et Cie accusent également le procureur Aly Touré d’avoir violé le principe de présomption d’innocence, en déclarant à la radio que leurs clients sont effectivement coupables des faits qui leur sont reprochés et qu’ils doivent restituer les biens de l’Etat qu’ils ont détournés.

Mohamed Guéasso Doré pour Guineematin.com

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