Conflit domaniale entre l’archevêché et les héritiers de Jean Oitty à Coyah : une décision de la cour suprême est attendue le 6 mai prochain

Maître Saa Dissi Millimono, avocat

Le dossier relatif au domaine agricole qui oppose l’archevêque de Conakry aux héritiers de feu Jean Oitty dans la préfecture de Coyah a été évoqué hier, vendredi 22 avril 2022, par la cour suprême. Cette juridiction a été saisie d’une part par l’archevêque de Conakry, Monseigneur Vincent Koulibaly ; et, d’autre part l’Etat. Et, elle doit statuer sur une requête aux fins de sursis à l’exécution des arrêts rendue par la Cour d’Appel de Conakry dans cette affaire, a appris Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Selon les informations, c’est le 12 juin 1996 que Monseigneur Robert Sarah (qui était à l’époque archevêque de Conakry) a sollicité auprès du préfet de Coyah l’acquisition d’un domaine qui est situé à Kendoumaya, dans la sous-préfecture de Wonkifong. Suite à cette demande, il y a une enquête agricole et sociologique qui a été faite par une commission mixte. Et, après cette enquête, il y a eu un procès-verbal. Ce procès-verbal a indiqué que ce domaine a fait l’objet de règlement du contentieux franco-guinéen. C’est-à-dire que le domaine appartient à l’Etat guinéen.

Donc, suite aux conclusions de ce rapport d’enquête, l’Etat guinéen a cédé les lieux à l’Eglise en 1996. Et, en 1998, un groupe de personnes, se disant héritiers de feu Jean Oitty a entrepris des troubles de jouissance à l’encontre de l’Eglise sur les lieux. Ce groupe a entamé de morcellement en vue de la vente des lieux. Et, face à cette situation,  l’archevêché de Conakry a assigné les héritiers de feu Jean Oitty devant le tribunal de première instance de Coyah. Ensuite,  l’archevêché a aussi assigné l’État guinéen en intervention forcée en vue de garantir sa propriété.

Ainsi, la première décision qui a été rendue par le tribunal de première instance de Coyah à déclaré les héritiers de Jean Oitty propriétaire. Après cette décision, l’archevêché a fait appel, et l’Etat guinéen aussi qui a vendu les lieux à l’archevêché a fait appel contre cette décision de première instance. Le dossier a alors été transféré à la Cour d’Appel de Conakry où la décision du tribunal de première instance de Coyah a été confirmée par la Cour d’Appel de Conakry. Mais, cette décision de la Cour n’a pas été appréciée par le conseil de l’Etat guinéen, Me Saa Dissi  Millimono, et Me Gabriel Kamano, l’avocat qui défend les intérêts de l’archevêché.

A cet effet, Me Saa Dissi Millimono a fait des observations en dénonçant certains manquements de la Cour d’Appel de Conakry.

Maître Saa Dissi Millimono, avocat

« Dans toutes les procédures où il y a l’Etat, le dossier doit être communiqué au ministère public pour ses observations. Il n’y a même pas eu de communication du dossier au ministère public, il n’y a pas eu une ordonnance de clôture de mise en état, il n’y a pas eu un avis d’audience servi à l’Etat guinéen et à l’archevêché. Rien de tout cela n’a été fait. Et, on a été surpris de voir qu’une décision de justice a été rendue. Et, cette décision n’a même pas été signifiée à l’Etat guinéen.  On l’a appris comme ça. L’autre observation, c’est que le président de la République d’alors, monsieur Alpha Condé avait pris un décret le 10 août 2019 concernant les biens issus du règlement du contentieux franco-guinéen. Ce  décret a une nouvelle fois rappelé que ces biens font partie de la propriété de l’Etat ;  mais, aussi, il a été indiqué à l’article 3 de ce décret que toute réclamation portant sur la propriété des immeubles relatifs au règlement du contentieux franco-guinéen est irrecevable. Et, l’article 4 a précisé que ce décret s’applique aux procès en cours devant les juridictions. Ça veut dire que la question ne méritait même pas d’être examinée sur le fond. Donc, nous avons soulevé l’irrecevabilité des prétentions des héritiers de feu Jean Oitty sur la base de ce décret du président qui dit que: Toute réclamation ou revendication, portant sur la propriété des immeubles issus du contentieux franco-guinéen est irrecevable et ne peut faire l’objet d’aucune décision de justice », a expliqué cet avocat.

A en croire Me Saa Dissi Millimono, la Cour d’Appel n’a pas examiné la question d’irrecevabilité soulevée dans cette affaire.

« La Cour d’Appel n’a même pas examiné la question de l’irrecevabilité soulevée par l’Etat guinéen et celle de la prescription soulevée par l’archevêché. La cour a rendu un bref arrêt qui, à mon avis, ne doit pas demeurer dans le circuit judiciaire guinéen. Il est nécessaire que la Cour Suprême casse et annule cette décision de justice dans toutes ses dispositions. Nous avons introduit un pourvoi en cassation contre cette décision. L’archevêché a aussi introduit un pourvoi en cassation contre cette décision. Ensuite, nous avons introduit une requête aux fins de sursis à son exécution et l’archevêché aussi en à fait autant. Aujourd’hui, c’était l’audience de sursis. C’était pour que la cour suprême prononce la suspension de l’exécution de cette illégale décision rendue par la cour d’appel de Conakry dans les conditions qui violent de manière flagrante la forme dans laquelle une procédure doit être conduite. Ce qui nous réjouit,  même le ministère public,  dans ses réquisitions a estimé que ce problème est complexe.  Il s’agit d’un contentieux complexe et qu’il est vraiment nécessaire que toutes les parties soient maintenues à  l’état dans lequel il se trouve  actuellement. Il a demandé à la cour suprême d’ordonner la suspension à l’exécution de la décision rendue par la cour d’appel de Conakry », indiqué Me Saa Dissi  Millimono au sortir de cette audience.

Finalement, la cour suprême a mis l’affaire en délibéré pour décision être rendue le 6 avril prochain.

Saïdou Hady Diallo pour Guineematin.com

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