Grève des enseignants : Abdoulaye Barry appelle l’intersyndicale à « revenir à de meilleurs sentiments »

Abdoulaye Barry, secrétaire général de la FESATEL

Abdoulaye Barry, le secrétaire général de la Fédération syndicale autonome des télécommunications (FESATEL), est le porte-parole de la commission de négociations tripartites qui ont eu lieu récemment entre le gouvernement, les centrales syndicales et le patronat. Des négociations qui ont abouti à la signature d’un protocole d’accord améliorant les conditions de vie des travailleurs guinéens.

Dans un entretien qu’il a accordé à Guineematin.com, ce vendredi 22 avril 2022, le syndicaliste est revenu en détail sur les avancées contenues dans ce protocole d’accord. Il en a profité aussi pour adresser un message à l’intersyndicale de l’éducation, qui a appelé à une grève des enseignants à partir du 25 avril prochain. Abdoulaye Barry invite ses camarades qui ont lancé ce mot de grève à « revenir à de meilleurs sentiments ».

Guineematin.com : avec plusieurs autres collègues syndicalistes, vous avez signé récemment un protocole d’accord avec le gouvernement, visant à améliorer les conditions de vie des travailleurs guinéens. Parlez-nous des principaux points de cet accord.

Abdoulaye Barry : il faut d’abord rappeler que depuis le mois de janvier 2022, il y a eu neuf centrales syndicales guinéennes qui se sont retrouvées à la bourse du travail, sous la coordination du camarade Amadou Diallo, secrétaire général de la CNTG. Ces neuf centrales ont décidé de répondre à l’appel de son Excellence M. le président de la République, qui, depuis la prise du pouvoir le 05 septembre dernier, a demandé l’unité d’action syndicale. Donc, ces 9 centrales sur  les 13 qui existent en Guinée, ont déposé une plateforme revendicative de 22 points. Et les 22 points ont été vraiment acquis dans la grande majorité, à 80%.

Nous avons pu décrocher notamment un protocole d’accord pour le recrutement des enseignants contractuels qui sont actuellement en situation de classe. Ce protocole d’accord dit qu’ils doivent faire un concours, comme la loi le demande, pour accéder à la Fonction publique, mais avec une particularité. C’est-à-dire que ce sont les enseignants contractuels seulement, qui sont aujourd’hui au nombre de 10 587, qui doivent faire ce concours, ce que le gouvernement a accepté. D’ailleurs, le coordinateur national des enseignants contractuels était dans la salle, et cette proposition a été faite devant lui. Il avait même demandé quand aurait lieu le concours.

Aujourd’hui, je suis convaincu que les enseignants contractuels sont ouverts au concours puisque cette fois-ci, on ne dira pas que ça se passe par la corruption pour prendre d’autres personnes et laisser les vrais enseignants. Ça sera les 10 587 seulement. Et la liste sera fournie par le coordinateur national des enseignants contractuels au gouvernement guinéen. Nous avons aussi réussi à avoir quelque chose pour les fonctionnaires qui sont à la retraite. Leurs pensions ont augmenté. Parce que le point d’indice pour les pensionnaires, qui était à 637 va passer à 977. Ce qui va de facto augmenter leurs primes de départ à la retraite.

Nous avons aussi réussi à augmenter l’indemnité de transport et de logement pour les travailleurs de la Fonction publique. Et nous avons demandé que des négociations soient ouvertes au niveau de toutes les entreprises privées en fonction de leurs capacités pour que les travailleurs du secteur privé aussi puissent bénéficier de l’augmentation de l’indemnité de logement et de transport. Nous avons aussi pu rehausser le SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti), qui passe de 440 000 GNF à 550 000 GNF à partir de la fin de ce mois.

Donc, aucun employeur ne doit payer un travailleur guinéen à moins de 550 000 GNF. Même votre bonne qui est à la maison, vous devez la payer au minimum à 550 000 GNF. Nous avons également pensé au statut particulier des enseignants guinéens. Dans ce statut particulier, on parle de beaucoup de primes que les autres fonctionnaires n’ont pas. Mais aussi, au niveau de la santé. Nous avons rehaussé toutes ces primes-là à hauteur de 25%. Donc, nous remercions le gouvernement de transition, qui est un gouvernement d’exception, qui a accepté d’ouvrir des négociations pendant ce temps pour donner quelque chose aux fonctionnaires guinéens.

Guineematin.com : vous vous réjouissez des résultats de vos négociations avec le gouvernement, mais il y a certains de vos collègues syndicalistes qui ne sont pas du même avis que vous. C’est notamment la FSPE et le SNE, qui ont rejeté le protocole d’accord et appelé les enseignants à une grève illimitée à partir du 25 avril prochain. Qu’en dites-vous ?

Abdoulaye Barry : je viens de dire que nous, en tant que centrales syndicales, on négocie pour tous les fonctionnaires et tous les travailleurs. Et les enseignants ont participé aux négociations. Maintenant, ceux qui disent aujourd’hui qu’ils ne se retrouvent pas dans ce protocole d’accord, c’est leur droit. Moi, en ma qualité de porte-parole de la commission de négociations, je dois parler des acquis et de la façon dont le gouvernement a mis la main dans la poche. Parce qu’il faut le dire, le gouvernement doit débourser 400 milliards pour exécuter ce protocole en termes de finance sur une année.

Ce n’est pas quelque chose de facile. En tant que syndicalistes, nous devons comprendre cela. Donc, je ne peux qu’appeler les autres camarades syndicalistes à réfléchir et à voir l’intérêt des enfants qui doivent faire les examens et des enseignants eux-mêmes qui doivent profiter de ces examens, parce qu’ils ont des primes pour la surveillance et pour la correction. Donc, je suis convaincu que d’ici le 25 avril (date du lancement de la grève appelée par l’intersyndicale de l’éducation), ils vont revenir à de meilleurs sentiments pour l’intérêt des travailleurs, pour l’intérêt des enseignants et de nos enfants.

Guineematin.com : récemment, la tension est montée entre la FESATEL, dont vous êtes le secrétaire général, et le nouveau directeur général de l’ARPT (Autorité de régulation des postes et télécommunications). Vous avez dénoncé les agissements de M. Oumar Barry, qu’est-ce que lui reprochez au juste ?

Abdoulaye Barry : vous savez, à la date du 19 août 2021, on a eu un protocole d’accord après un mois de grève dans le secteur des communications. Si vous vous rappelez bien, de Conakry à Yomou, toutes les agences étaient fermées pendant cette grève. Nous avons fait une grève qu’on appelle civilisée, on n’a pas demandé aux ingénieurs de quitter les installations techniques pour aider les guinéens à pouvoir communiquer. Nous avons juste fermé les agences pour un peu montrer notre force. Nous avons signé un protocole d’accord pour la mise en place du comité de dialogue sectoriel pour que les problèmes des travailleurs et des entreprises soient discutés au sein du comité.

Mais aujourd’hui, le nouveau directeur général de l’ARPT veut violer cela. Nous avons saisi l’inspecteur général du travail pour dénoncer cela. Et nous avons dit aussi que nous les opérateurs, nous devons bénéficier du fonds de recherche et de formation où nous contribuons à hauteur de 5% de notre chiffre d’affaires des télécoms (le montant peut aller jusqu’à 40 milliards par an), parce que ce sont les acteurs qui doivent en bénéficier. Depuis que les entreprises de téléphonie sont en Guinée, on n’en bénéficie pas. Maintenant qu’il y a un accord, on veut qu’il soit respecté.

Mais le directeur général de l’ARPT veut violer cela. C’est pour cela que nous avons dénoncé cela auprès de l’inspecteur général du travail. Nous espérons que dans les jours à venir, nous allons trouver un accord. Sinon la FESATEL sera dans l’obligation d’abord d’informer sa centrale syndicale et ensuite agir.

Entretien réalisé par Mamadou Yahya Petel Diallo pour Guineematin.com

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