Affaire Tamba Zakarie Millimono et Oumou Hawa Bah : ce que je crois de ce mariage

Habib Yembering DIALLO, journaliste et écrivain

Par Habib Yembering Diallo : Incontestablement, le fameux mariage entre un ressortissant de la Guinée forestière et une fille originaire du Fouta-Djalon sera l’un des événements majeurs au compte des faits divers de l’année 2022. Jamais, auparavant, un mariage n’avait suscité autant de réactions, de passions et de protestations que celui entre Tamba Zakarie Millimono et Oumou Hawa Bah, devenue Esther pour le besoin de la cause.

Chacun va de son commentaire. Certains sortent du contexte pour s’aventurer sur un terrain plutôt glissant. D’autres jettent carrément de l’huile sur le feu en mettant face à face deux régions voire deux religions. Or, comme nous allons le voir, il ne s’agit pas ici d’un duel entre la Forêt et le Fouta. Ce n’est pas non un différend ou une différence entre Kissi et Peulh. Encore moins entre musulmans et chrétiens. Il s’agit d’un problème entre un homme et une famille.

Ce n’est pas la première fois qu’on entend parler de la conversion d’un homme ou d’une femme pour un mariage. Même si, le plus souvent, c’est un chrétien qui devient musulman pour obtenir la main d’une musulmane en Guinée. Mais cela ne suscite aucune réaction. Parce que le ou la convertie obtient l’accord des siens. Ici c’est qui pose problème c’est apparemment le mépris dont le couple s’est rendu coupable à l’égard de la famille de la fille.

Il faut aussi tenir compte d’autre facteur. L’appartenance de la convertie à la majorité musulmane a sans doute cristallisé davantage le débat. C’est quelqu’un de la majorité qui rejoint la minorité. Cela déchaine toujours les passions. Il est fort à parier que si c’est Tamba qui s’était converti, l’union entre les deux n’aurait enregistré que très peu de réactions hostiles.

Cela ne dédouane nullement le fameux mari. Tous les témoignages indiquent que ce qui a mis le feu aux poudres, c’est le non consentement de la famille de la fille. Là-dessus la version de l’homme est à chercher. Pour savoir si, tout en sachant qu’aucun membre de la famille de sa fameuse femme n’était d’accord pour son mariage, il mesurait la portée de sa décision. S’il savait que tout le monde était opposé à son mariage, il savait aussi que cette union serait plutôt chimérique.

L’autre interrogation à se poser est celle de savoir quel est le rôle joué par les réseaux sociaux. Autrement dit, si cette union avait eu lieu il y a 20 ans ou 30 ans en arrière, à l’abri de Facebook, est-ce qu’il y aurait eu autant de réactions et d’oppositions. Sans doute que même ceux qui, parmi les membres de la famille de la fille, étaient favorables à un compromis avec leur beau-fils, pourraient changer d’avis à cause du tollé suscité par l’affaire sur la toile.

Contrairement à l’affaire de l’imam Nanfo Diaby, qui avait aussi défrayé la chronique en son temps, cette fois, on est en face à un problème individuel et non collectif. Dans l’affaire Nanfo, le fameux imam devait entrainer avec lui beaucoup d’autres personnes. Dans celle de Oumou Hawa Bah, il s’agit d’une personne. Elle seule. C’est elle seule qui aurait décidé librement de changer de religion. La question qui se pose donc est celle de savoir si elle peut le faire. Les défenseurs des droits de l’homme nous diront que dans la mesure où elle est majeure elle peut changer de religion ou même devenir athée.

Mais, dans une société comme la nôtre, il est plus facile de dire que de faire cela. Parce que personne ne peut vivre isolément et indépendamment des autres. C’est ce qui fait que tout le monde essaie de se conformer aux réalités sociales et religieuses. Même si, dans la sourate 2 verset 255-256, le coran nous dit qu’il n’y a point de contrainte en religion, le spirituel est si influent dans nos pays que celui qui ne se conforme pas se marginalise et s’exclut de facto de la société.

Conclusion

Au-delà de la question religieuse, le consentement des parents pour un mariage est une obligation pour le conjoint et une protection pour la conjointe. Parce que, comme on le dit, le mariage, c’est pour le meilleur et pour le pire. Si aujourd’hui mademoiselle estime qu’elle peut se passer de la tutelle familiale pour choisir librement son homme, demain quand cet homme se rendra compte que ce même esprit d’indépendance peut la conduire à se passer de sa tutelle à lui, il pourrait prendre une décision désagréable pour elle.

Quand la beauté et la jeunesse céderont la place à la laideur et à la vieillesse, une femme qui s’est rebellée contre ses parents apprendra à ses dépens que le consentement de ces derniers constitue une protection. Quand l’homme aura obtenu ce qu’il veut, quand il aura besoin d’autres conquêtes pour satisfaire un besoin insatiable, la femme n’aura personne pour l’écouter à plus forte raison pour la consoler. Le consentement et la mobilisation de toutes les familles pour unir deux êtres constituent donc une garantie pour les deux mais beaucoup plus pour celle qui est plus vulnérable dans nos sociétés, en l’occurrence la femme.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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