Grève des vendeurs de bétail : pas de viande dans les boucheries de Conakry

Depuis hier, lundi 9 mai 2022, les habitants de Conakry sont confrontés à une crise de viande. Tous les abattoirs sont fermés, en raison d’une grève déclenchée par les vendeurs de bétail et les bouchers. Ces derniers protestent contre les tracasseries dont ils sont victimes sur les routes du pays.

L’ambiance est toute particulière ce mardi dans les abattoirs et boucheries de Conakry. Habituellement très animés chaque matin, ces endroits sont aujourd’hui déserts. Dans les abattoirs de Matoto et de Kipé Dadia, où s’est rendu un reporter de Guineematin.com, les bouchers sont assis en groupe, en train de parler leurs difficultés. Des difficultés qu’ils rencontrent pendant l’acheminement du bétail à Conakry. Ils se disent victimes de toutes sortes de tracasseries de la part des agents de la douane sur la route.

Elhadj Mamadou Alpha Diallo, président de la coopérative Matoto

« Nous ne travaillons pas, parce que notre activité est menacée aujourd’hui par les autorités. En tant que bouchers, nous pensions aider toute la population, mais les douaniers ne nous laissent pas travailler librement », a déclaré Elhadj Mamadou Alpha Diallo, président de la coopérative des bouchers de Matoto. Entouré de plusieurs collègues, il explique que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est l’incident survenu récemment au poste de douane de Dabola. Les agents avaient bloqué plusieurs camions transportant de bœufs, entraînant la mort de plusieurs bêtes.

« Cette année, nous n’avons pas de bovins chez nous, à cause des cultivateurs et des bêtes qui ont été abattues à Kankan. Cela a fait fuir les éleveurs vers le Sénégal, la Guinée-Bissau, la Côte d’Ivoire, le Libéria et la Sierra Léone. Face à cette situation, nous avons décidé de négocier avec nos voisins du Mali et Burkina Faso pour qu’on ait du bétail. Alors, nous avons négocié avec eux pour qu’ils emmènent les bêtes jusqu’à Kourémalé, où nous allons les prendre pour les acheminer à Conakry. Donc, c’est ce que nous avons fait récemment pour éviter un arrêt de nos activités et une rupture de viande.

Mais, quand nous sommes arrivés à Dabola, les douaniers ont arrêté dix camions chargés de bœufs, ils les ont bloqués là-bas pendant deux jours en nous demandant des quittances. Beaucoup de nos bêtes sont mortes là-bas, d’autres sont mortes en cours de route et d’autres aussi lorsqu’on est arrivés à Conakry. Pourtant, nous leur avons dit qu’on n’a pas de quittance, parce que ces bêtes ont été achetées en Guinée et les vétérinaires nous ont donné des laissez-passer. Puisqu’elles sont achetées en Guinée, on ne pouvait pas nous demander de présenter de quittance, le laissez-passer suffisait.

Après plusieurs discussions, les douaniers nous ont demandé de payer 360 000 000 de francs guinéens comme frais de dédouanement pour les 10 camions. Mais les convoyeurs ont dit à chacun de payer 300 000 francs pour chaque véhicule, ce qui a fait 3 000 000 de francs. Ils ont remis ce montant aux douaniers. Après tout cela, si les bêtes n’étaient pas mortes, on aurait au moins pu comprendre. Mais ils nous ont bloqués là-bas jusqu’à ce que plus 60 bêtes soient mortes. Or, la plupart d’entre elles étaient prises à crédit et figurez-vous qu’une seule est vendue entre 12 et 13 000 000 de francs. Alors, quand 10, 15, 20 meurent, imaginez ce que ça peut coûter.

Donc nous avons décidé, comme on a fini de revendre le reste des bœufs, d’arrêter nos activités pour le moment, puisque les autorités croient que ce que nous faisons n’est pas important pour le pays. Au-delà des tracasseries des douaniers et autres, les coupeurs de route ont déjà dépouillé la plupart d’entre nous. Et malgré nos nombreuses plaintes au niveau des autorités, elles n’ont rien fait pour résoudre ce problème. Et si maintenant ceux qui sont censés nous protéger viennent nous attaquer pour nous demander obligatoirement de payer de l’argent pour faire notre travail, nous avons donc décidé d’arrêter jusqu’à ce qu’ils disent comment on va pouvoir travailler librement », a dit Elhadj Mamadou Alpha Diallo.

Pour reprendre leurs activités, les vendeurs de bétail exigent la satisfaction d’un certain nombre de revendications. « Nous demandons le remboursement de nos bêtes qui sont mortes, qu’ils nous permettent de transporter librement nos boeufs sans tracasseries, et qu’ils nous permettent d’avoir au moins trois personnes qui accompagnent les véhicules pour veiller sur les animaux. Parce qu’il y en a souvent qui tombent dans les camions, s’ils ne sont pas relevés, ils vont se faire marcher dessus par les autres, ce qui peut les tuer. Il faut aussi que les autorités fassent en sorte qu’il y ait une cohabitation entre éleveurs et cultivateurs, qui sont inséparables.

Ils peuvent à chaque période de la culture laisser une partie aux agriculteurs et une autre pour le pâturage, en les séparant de sorte qu’il n’y ait pas de conflits. Nous demandons aussi qu’ils permettent aux camions qui transportent le bétail d’entrer à Conakry sans être obligés de se garer à Coyah à partir de 16 heures jusqu’à 20 heures, parce que les animaux ne supportent pas la chaleur. Donc, plusieurs heures d’attente peuvent les tuer », a dit le président de la coopérative des bouchers de Matoto, précisant que lui et ses pairs sont déterminés à poursuivre cette grève jusqu’à ce qu’ils soient entendus par les autorités.

Mamadou Yahya Petel Diallo pour Guineematin.com

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