Pépé Balamou du SNE prédit : « la CRIEF aura beaucoup de clients après l’organisation de ces examens »

Michel Pépé Balamou, secrétaire général du Syndicat National de l'Education

Comme annoncé précédemment, les autorités en charge de l’enseignement pré-universitaire et de l’alphabétisation (MEPU-A) ont annoncé la semaine dernière (à l’occasion de l’atelier préparatoire des examens nationaux session 2022) de nouvelles mesures pour bannir la fraude et qualifier les examens en Guinée. Il s’agit de la sécurisation des fiches d’examens et l’internement des inspecteurs disciplinaires. Mais, le syndicat national de l’éducation (SNE) ne semble pas être en phase avec ces nouvelles dispositions prises par le MEPU-A.

Dans un entretien accordé à Guineematin.com ce lundi, 16 mai 2022, Michel Pépé Balamou, le secrétaire général du SNE, a dénoncé le caractère budgétivore de ces mesures et a accusé le MEPU-A de gaspiller de l’argent sur des futilités au lieu de s’occuper des vrais problèmes du système éducatif. Ce leader syndical assure que beaucoup répondront devant la CRIEF (cour de répression des infractions économiques et financières) après ces examens nationaux qui s’annoncent.

« Les préparatifs des examens session 2022 s’annoncent sous des couleurs de populisme, d’amateurisme, au point qu’elles nous offrent un tableau moins reluisant… Aujourd’hui, nous avons tendance à croire que le ministère de l’enseignement pré-universitaire et d’alphabétisation est devenu un ministère des examens nationaux. Il vous souviendra que depuis l’arrivée de Guillaume Hawing jusqu’à nos jours, aucune réforme structurelle n’a été entreprise… Il ne pense qu’aux examens, parce que c’est qu’il y a beaucoup d’argent. Sinon, imaginez, le système à un manque de 19290 enseignants. Qu’est-ce qu’on a fait pour pouvoir combler ce vide d’enseignants pendant ces six derniers mois ? Les enseignants contractuels sont là, ils sont impayés, on ne cherche pas à les engager à la fonction publique, mais on a de l’argent pour organiser les examens. Alors que vous organisez ces examens à un moment où les élèves n’ont pas d’enseignant. Est-ce que les élèves vont être mis dans les mêmes conditions d’évaluations ? Evaluer, c’est prendre une décision, c’est connaître le niveau d’assimilation des apprenants par rapport aux programmes d’enseignement. Mais, si on résume tout aux examens, ça veut dire que notre ministère devient le ministère des examens. Pourquoi on met trop d’efforts dans l’organisation des examens que dans les autres processus de l’enseignement apprentissage ? Pourquoi tout le monde veut être surveillant, correcteur, délégué, superviseur, membre du jury ? Tout ça c’est parce qu’il y a un problème d’argent. Donc, nous nous pensons que la CRIEF (cour de répression des infractions économiques et financières) aura beaucoup de clients après l’organisation de ces examens. Parce que c’est l’opacité qui caractérise l’organisation des examens en Guinée. A votre avis, pourquoi le budget des examens nationaux n’est pas encore connu ? », s’est interrogé Michel Pépé Balamou.

A en croire le secrétaire général du SNE, il ne sert à rien de faire jurer et d’interner les inspecteurs disciplinaires dans des hôtels de luxe à coûter de millions de francs guinéens, alors que des sanctions disciplinaires et pénales sont prévues dans les règlements généraux des examens et dans le code pénal. Il trouve que ces mesures du MEPU-A sont contre-productives si les primes des surveillants et des correcteurs ne sont pas revalorisées.

« Seule la reconversion des mentalités des travailleurs de l’éducation et leur prise en charge salariale et d’indemnité de primes de correction, de saisie de notes, de centralisation et de surveillance peuvent nous permettre d’aboutir à des examens très crédibles, transparents et débarrassés de toutes fraudes. Vous parliez tout à l’heure de l’internement des inspecteurs disciplinaires. Mais, il n’y a pas qu’eux. Il y a aussi les cadres de la direction générale des examens, les cadres de l’inspection générale de l’éducation ; et, de surcroît, dans un hôtel de luxe où une nuitée coûte au minimum 500 000 ou 700000 francs. Si vous ajoutez à ça la restauration, vous serez à 1 300 000 francs par jour et par personne. Et, on a appris que chacun d’entre eux aurait eu 30 millions de francs pour mettre la famille à l’abri. Au même moment, les correcteurs qui viennent de l’arrière pays avec des ordres de mission n’ont pas de primes de logement, pas de primes de transport urbain. Ils dorment dans les salons de leurs camarades enseignants à Conakry ici. D’autres même dorment dans les salles de classe. Et, vous savez que celui qui se trouve dans une situation comme celle-là est exposé à la corruption, à la tentation… Aucun code ne dit de faire jurer les gens sur le Coran et la Bible. Il y a des sanctions disciplinaires et pénales dans les règlements généraux des examens et dans le code pénal. C’est l’impunité qui encourage la récidive. Des mesures dissuasives sont là pour faire en sorte que les gens entrent dans les rangs. Mais, on n’applique pas cela, on sort l’argent du contribuable, on va interner des pères de familles quelque part, on gaspille l’argent au lieu de l’utiliser convenablement pour entretenir les surveillants, les correcteurs. Si vous payez très bien quelqu’un, vous le condamnez moralement. Parce qu’il sait que lorsqu’il est sanctionné, il perd des privilèges. Mais, s’il sait que ce qu’on lui donne pour la fraude dépasse ce qu’on lui donne pour l’activité normale, il n’aura aucune crainte d’aller vers la fraude », a indiqué Michel Pépé Balamou.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

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