Trafic international de drogue à haut risque : deux Guinéens et un Sénégalais jugés à Conakry

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Deux Guinéens (Mamadou Dioubaté et Lancinet Camara) et un Sénégalais (Aliou Diaby) ont comparu hier, mardi 24 mai 2022, devant le Tribunal de première instance de Mafanco, à Conakry. Poursuivis pour trafic international de drogue à haut risque (cocaïne) et complicité, ils ont tous plaidé non coupables. Et à l’issue des débats, le ministère public a estimé que les accusés n’ont pas commis les faits qui leur sont reprochés, rapporte un journaliste de Guineematin.com qui était sur place.

Mamadou Dioubaté et Aliou Diaby sont tous les deux fondateurs de sociétés de transport de colis entre Conakry et Paris. Lancinet Camara, lui, est un employé de Mamadou Dioubaté, résidant en Guinée. Tous les trois ont été arrêtés en février 2021 et placés en détention préventive après un incident qui les a opposés autour d’une valise contenant une quantité de cocaïne. La valise en question appartenait à une cliente de Mamadou Dioubaté, mais elle devait être acheminée à Paris par Aliou Diaby. Après plus de 16 mois de détention à la Maison centrale de Conakry, les accusés ont enfin comparu ce mardi 24 mai devant le Tribunal de première instance de Mafanco pour s’expliquer sur cette affaire.

A la barre, Lancinet Camara a raconté ce qu’il sait de la valise à l’origine de ce problème. « Je suis employé par M. Mamadou Dioubaté. Moi, j’étais à Conakry et lui, il était à Paris. Mon travail consistait à faire quoi ? Quand je reçois des colis qui doivent être envoyés, je les contrôle, les emballe et colle une étiquette sur le ou les colis, portant le numéro, les noms et prénoms, l’adresse complète de l’expéditeur et de celui qui doit recevoir les colis. Sauf que moi, je n’ai pas les moyens de contrôler pour savoir s’il y a de la drogue dans les colis ou non. C’est un contrôle manuel que je fais. Pour ça quand même, je contrôle bien avant d’emballer. C’est dans ça qu’une cliente du nom de Bintouraby Sylla a envoyé deux colis, c’est-à-dire deux valises.

A ce moment-là, mon patron M. Dioubaté était là. C’est lui qui devait envoyer ces colis. Mais il s’est trouvé que l’une des valises avait un poids excédentaire. On a ouvert cette valise, dont le poids dépassait le poids normal, et diminué les bagages. M. Dioubaté est parti donc avec certains colis dans une valise et a laissé le reste dans la seconde valise. Après, M. Diouldé m’a envoyé le numéro WhatsApp d’un certain Aliou Diaby pour me dire qu’il allait m’appeler et que c’est à celui-ci que je devais donner le reste des colis pour qu’il les lui envoie à Paris. C’est ainsi que j’ai mis le reste des colis dans cette valise, je l’ai donné comme toujours au conducteur de taxi moto qui l’a envoyé à Kipé chez Aliou Diaby. Aliou Diaby reçoit la valise, il la vide de son contenu et la laisse ici à Conakry pour aller avec seulement le contenu de la valise.

C’est lorsque celui qui a reçu les colis à Paris a dit qu’il les a reçus sans la valise que Bintouraby Sylla a commencé à appeler M. Dioubaté pour lui dire de lui rendre sa valise. M. Dioubaté m’a appelé pour me dire que Mme Bintouraby Sylla le menace pour la valise. J’ai appelé Aliou Diaby qui m’a dit d’aller à Kipé chez sa sœur pour prendre la valise. Mais arrivé là-bas, sa sœur me dit que la valise ne s’y trouve pas. Ainsi, j’ai appelé M. Dioubaté pour lui dire que je n’ai pas reçu la valise. A partir de là, on a fermé l’entreprise. J’ai cherché où me débrouiller pour nourrir ma famille », a expliqué Lancinet Camara.

Ensuite son ancien patron, Mamadou Dioubaté, est passé devant le tribunal criminel pour livrer sa version des faits. « Aliou Diaby et moi avons parlé au téléphone, il m’a dit qu’il était prêt à aller à Paris. Je lui ai dit que j’ai des colis qui me restaient à Conakry, de les envoyer avec pour à Paris. Il m’a demandé 3 millions pour les frais. Puis je l’ai mis en contact avec mon employé Lancinet Camara qui a finalement envoyé la valise et son contenu à Kipé. Mais il se trouve qu’Aliou Diaby n’a pris que les colis et laissé la valise. Mme Bintouraby Sylla qui avait laissé la valise et les colis pour être envoyés s’est mise à m’appeler tout le temps pour me demander de lui rendre sa propre valise et non pas une autre. C’est ainsi que j’ai dit à Aliou Diaby de tout faire pour remettre la valise à Lancinet Camara afin qu’il la rende à Mme Bintouraby Sylla.

J’ai tout fait, il ne l’a pas fait, il m’a même dit qu’il avait jeté la valise, parce qu’elle seule pesait lourd. Il est arrivé un moment où son numéro ne passait plus. J’ai arrêté toutes mes activités pour venir en Guinée et chercher à le rencontrer pour qu’il m’aide à avoir la valise et qu’on la rende à Mme Bintouraby Sylla qui me menaçait même à cause de cette valise. J’ai alerté la gendarmerie et la police afin qu’elles m’aident à mettre la main sur Aliou Diaby. Finalement, j’ai réussi à mettre la main sur lui à l’aéroport international de Conakry. Jusque-là, il n’avait pas voulu restituer la valise, alors que depuis Paris, il m’avait dit que la valise avait des problèmes, qu’il y a de la poudre suspecte dedans. Il m’avait envoyé une vidéo d’une valise déchirée pour me dire que la valise avait des problèmes », a dit Mamadou Dioubaté.

De son côté, Aliou Diaby a expliqué qu’il avait laissé la valise à Conakry parce qu’il pesait lourd. Selon lui, c’est à son retour à Conakry qu’il s’est rendu compte qu’elle contenait de la drogue.« Lancinet Camara m’a envoyé deux valises dont une de 23 kg, qui est le poids normal, et une autre valise de 26 kg, qui dépassait le poids normal. J’ai pris la valise de 23 kg plus certains colis de la valise de 26 kg, j’ai envoyé ça avec moi à Paris. La valise qui avait le poids anormal, je l’ai laissée, parce qu’à elle seule, elle pesait 9 kg. Quand M. Dioubaté a reçu dans mon magasin à Paris les colis qu’on m’a donnés au nom de sa société, quelque temps après, il m’appelle pour me dire de restituer la valise que j’ai laissée à Conakry.

Je lui ai dit que je ne pouvais pas venir en ce moment, mais que j’allais dire à mon employé de restituer la valise. C’est ce qui n’a pas été fait jusqu’à mon retour à Conakry. Quand je suis arrivé ici à Conakry, M. Dioubaté m’a appelé pour me réclamer encore cette valise. J’ai envoyé mon employé prendre la valise, quand il est allé la prendre, il m’a dit qu’elle pensait lourd. Il l’a déchirée et a trouvé que c’était de la drogue qui s’y trouvait. Je lui ai dit de me l’envoyer à la gendarmerie, ce qui fut fait. J’ai pris des gendarmes que j’ai payés à 2 millions pour porter plainte contre Mamadou Dioubaté par rapport à cette valise. Et automatiquement, on nous tous arrêtés et conduits au service antidrogue, puis au tribunal et enfin, à la maison centrale », a indiqué cet autre accusé.

Au terme des débats, le ministère public a indiqué qu’il n’y a pas d’ambiguïté sur l’existence de la drogue dans cette affaire. Toutefois, il dit n’avoir trouvé aucun élément de preuve qui prouve que les trois accusés étaient au courant de la présence dans la valise en question. Le procureur souligne que leur comportement et la manière dont les choses se sont déroulées ne montrent pas qu’ils sont coupables des faits mis à leur charge. C’est pourquoi, il a demandé au tribunal de renvoyer Mamadou Dioubaté, Aliou Diaby et Lancinet Camara des fins de la poursuite et d’ordonner leur acquittement. Satisfaits des réquisitions du parquet, les avocats de la défense ont soutenu cette position, tout en sollicitant que le tribunal statue sur siège. Mais, le juge a renvoyé l’affaire au 31 mai prochain pour rendre sa décision.

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

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