Pas de prison à Mandiana, ni de véhicules pour transporter les condamnés à Kankan… Entretien avec le juge

Malgré d’énormes efforts consentis, la Guinée est toujours malade de sa justice. La parfaite illustration de cet état de fait se constate dans la préfecture de Mandiana. En plus du manque d’une maison d’arrêt, les citoyens en conflit avec la loi sont entassés dans des taxis pour être envoyés à Kankan.

Dans un entretien accordé au correspondant Guineematin.com dans la préfecture, le juge de paix de Mandiana, Ibrahima Camara, tire la sonnette d’alarme.

La ville de Mandiana n’a pas de maison d’arrêt, encore moins un moyen de déplacement pour convoyer les suspects et autres condamnés vers Kankan. Une situation qui préoccupe le juge de paix Ibrahima Camara, obligé de mettre les citoyens dans des minibus, à ses propres frais, pour les envoyer à Kankan.

Ibrahima Camara, juge de paix de Mandiana

C’est ce qu’il a confié à notre reporter. « Nous savons tous que Mandiana est une zone criminogène. Ça veut dire quoi ? Lorsqu’il y a commission d’infractions et que les gens sont arrêtés et déférés à la justice, le juge ne peut pas les libérer ni les confier parce que ce sont des criminels. Quand une zone est comme ça, c’est extrêmement difficile de travailler. Donc, ici quand les gens sont interpellés et auditionnés à la police et à la gendarmerie et qu’on les envoie à la justice, nous posons les premiers actes. Après, nous les retournons encore à la police et à la gendarmerie. Ce qui est anormal. C’est-à-dire que la gendarmerie et la police ne sont pas des lieux de détention. Nous le faisons ici parce qu’à l’impossible, nul n’est tenu », a regretté le magistrat.

Comme si cela ne suffisait pas, le fait de convoyer les personnes en conflit avec la loi à Kankan est l’autre calvaire que rencontre la justice de paix de Mandiana. « Ici, lorsque vous gardez les gens après deux semaines, il n’y a plus de places. La justice est obligée de partir à la gare routière pour chercher un minibus pour transporter les détenus et les condamner en prison, accompagnés par nous et les frais vont jusqu’à 2 millions de francs guinéens. C’est une situation qui a perduré à Mandiana mais qui n’est pas honorable pour la justice de paix de Mandiana », a laissé entendre monsieur Camara.

Pour finir, le juge de paix lance un appel aux autorités de la Transition. « Nous demandons à toutes les bonnes de nous aider auprès des décideurs pour qu’on puisse construire une maison d’arrêt à Mandiana. A défaut de ne pas avoir une maison d’arrêt pour le moment, ils n’ont qu’à nous aider au moins à avoir un moyen de transport pour nos détenus de Mandiana à Kankan. Sinon, c’est extrêmement difficile. Ça ne donne pas vraiment un nom honorable à la justice de paix ».

Ces appels ont été lancés en présence de Yaya Kairaba Kaba, inspecteur général des services judiciaires et pénitentiaires au ministère de la Justice, en mission à Mandiana. Ce dernier a promis de remonter le cri de cœur du juge. « Ce problème n’est propre qu’à Mandiana. D’autres préfectures ont les mêmes problèmes et certaines maisons d’arrêt ont été détruites par des mouvements politiques. Mais, comptez sur moi. Je remonterai la situation de Mandiana dans mon rapport », a dit l’ancien Procureur général près la Cour d’Appel de Kankan.

De Mandiana, Mamady Konoma Kéita pour Guineematin.com

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