10 ans de prison requis contre une mère célibataire pour trafic international de drogue : « je voulais aller à Chypre… »

En audience criminelle hier, mardi 31 mai 2022, le parquet du tribunal de première instance de Mafanco a requis 10 ans de réclusion criminelle contre Aïssata Fofana, une mère célibataire, poursuivie pour « trafic international de drogue à haut risque ». Pendant les débats dans cette affaire, l’accusée avait reconnu avoir eu en sa possession de la cocaïne qu’un Nigérian lui avait filée à Conakry pour être transportée à Chypre. Mais, elle a aussi juré s’être débarrassée de cette drogue dans une poubelle à l’aéroport de Conakry avant d’être mise aux arrêts. Le parquet de Mafanco ne lui a visiblement pas fait confiance sur ces déclarations à la barre, a constaté un reporter de Guineematin.com qui a suivi le procès.

A l’audience du 17 mai dernier, Aïssata Fofana, comptable de formation, avait laissé entendre que c’est la pauvreté due à 11 ans de chômage et sa situation difficile de mère célibataire avec plusieurs bouches à nourrir qui l’ont conduit à cette sale affaire. Mais, elle avait précisé qu’elle ne fait partie d’aucun réseau de trafic de drogue.

 

« Mon papa m’a donné de force à un homme en mariage quand j’étais en 8ème année. A un certain moment, mon mari m’a abandonnée avec les enfants, alors que je n’avais pas d’emploi. J’ai terminé mes études universitaires en 2010. Depuis lors, je n’ai pas eu de boulot. Je me débrouille avec des tontines que je fais avec beaucoup de femmes dans les différents marchés de la place. C’est dans ça que je nourris mes enfants et fais face à tous les besoins… Un jour, ma copine et moi sommes allées à la merveille de Soumba (dans la préfecture de Dubreka) où j’ai connu un certain Franc de nationalité nigériane à qui j’ai expliqué ma situation. Ce dernier m’a dit qu’il va m’aider à avoir de l’emploi. Mais, je lui ai dit que j’ai eu une admission pour aller à Chypre faire deux ans d’études en communication pour revenir faire la politique. Pour mon voyage, je devais avoir 15 millions de francs guinéens, alors qu’avec mes tontines, je n’avais que 8 millions de francs. J’ai dit à Franc de m’aider à avoir le complément. Il m’a alors dit : « il n’y a pas de problème, je vais te donner l’argent que tu veux avoir, mais tu dois envoyer un colis pour moi en Turquie et le remettre à quelqu’un »… Maintenant, un jour, alors que je devais voyager le lendemain matin, je l’ai informé de mon voyage. A 6 heures déjà, on était à Kipé. C’est là où il a commencé à me donner le colis sans me dire ce qu’il y a dedans. Quand on s’est séparé à Kipé, on s’est appelé un peu plus tard. Il m’a dit qu’il est au carrefour de l’aéroport dans une voiture de couleur noire. Quand je suis arrivée là-bas, il m’a tendu le colis et m’a dit que c’est de la drogue… Arrivée à l’aéroport, après avoir fait toutes mes formalités, je me suis dirigée vers la poubelle pour y jeter la drogue. Mais, dès que j’ai jeté le colis, deux personnes sont venues devant moi pour dire de ramasser ce que j’ai jeté. J’ai dit : non. Immédiatement, on m’a prise pour m’envoyer devant les officiers », a expliqué Aïssata Fofana.

Mais, pour le parquet du tribunal de première instance de Mafanco, cette déposition de l’accusée est erronée à bien des égards. Et, dans ses réquisitions, le procureur audiencier a déclaré que Aïssata Fofana a été interpellée avec 1,296 grammes de cocaïne qu’elle avait dissimulée dans ses vêtements et avalé une certaine quantité.

« Monsieur le Président, les femmes constituent 80% des trafiquants de drogue dans notre pays depuis quelques années. Cette dame, Aïssata Fofana, poursuivie devant votre tribunal criminel est en collaboration avec un certain Frank. Elle a été interpellée à l’aéroport international Ahmed Sékou Touré de Conakry avec de la drogue à haut risque. D’après les enquêtes menées par les spécialistes, il s’est avéré que c’est de la cocaïne dont la quantité est de 1,296 grammes. Madame Aïssata Fofana a dissimulé la substance sous ses vêtements et avalé une certaine quantité. Elle a été détectée et filée par les services spéciaux à l’aéroport. C’est quand elle est allée déposer à la poubelle une autre quantité qu’elle fut interpellée immédiatement par les agents qui la suivaient… L’intention coupable est là, les éléments de preuve sont là matériellement et moralement. C’est pourquoi, monsieur le président, le ministère public vous demande de déclarer Aïssata Fofana coupable des faits mis à sa charge. Et, pour la répression, vous la condamnerez à 10 ans de réclusion criminelle », a requis le ministère public.

De son côté, l’avocat de la défense a plaidé pour l’acquittement de l’accusée, tout en faisant remarquer qu’il n’y a jamais eu de trafic international de drogue dans cette affaire.

« Notre société souffre. Le ministère public laisse les trafiquants de drogue libres, en train de se promener, il poursuit des pauvres innocents comme cette pauvre mère dont les enfants sont en train de vivre dans la galère. Madame Aissata Fofana qui a fait ses études en comptabilité tombe dans les mains de ce fameux Franck qui a profité de sa position de faiblesse financière précaire pour tenter de la plonger dans ce genre d’affaires. Mais vous avez vu, puisque pour elle ce sont ses études qui l’intéressent, elle est allée se débarrasser de ces substances dans une poubelle à l’aéroport. C’est là que des femmes vont alerter tout le monde pour venir la ramasser tout en lui disant de prendre ce qu’elle a déposé dans la poubelle, alors qu’elle cherchait à s’en débarrasser et aller suivre ses études en Chypre et revenir aider sa maman qui était malade et toute sa famille… Monsieur le président, je vous demande de déclarer l’acquittement de madame Aïssata Fofana. Il n’y a jamais eu de trafic international de drogue dans cette affaire », a plaidé la défense.

Finalement, le tribunal a mis le dossier en délibéré pour décision être rendue le 14 juin prochain.

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

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