La Guinée poursuit sa marche de l’écrivisse

Le moins que l’on puisse dire est que les habitudes ont la vie dure dans ce pays. Depuis son indépendance, la Guinée se révèle être le pays des occasions manquées. Le nouveau gouvernement est à l’épreuve de la gestion du pouvoir. Lequel pouvoir devient peu à peu une patate chaude entre ses mains. Les crises se suivent les unes après les autres. Alors que, grâce à la médiation des sages, il obtient un surpris au plan politique avec le report in-extrémis de la marche du FNDC, sur le plan social la situation est plutôt chaotique. Avec en toile de fond une penderie d’essence sans précédent.

Mais c’est moins cette pénurie qui nous intéresse que la façon dont la crise est gérée par les pouvoirs publics. Dans cette affaire, il y a plusieurs failles. Au-delà même de la pénurie, qui est injustifiable, c’est l’indifférence des autorités face à la spéculation organisée par les gérants des stations qui est scandaleuse.

Dans ce pays, comme partout ailleurs, n’est pas gérant d’une station-service qui le veut. C’est au terme d’une sélection rigoureuse, à la fois au plan financier, technique ainsi que la capacité d’organisation que cette gestion est confiée à une personne physique ou morale.

Curieusement, lorsqu’il y a une pénurie, comme celle en cours, tous les contrats et autres engagements pris sont foulés sous le pied. Une spéculation est mise en œuvre par les gérants, en complicité avec les pompistes. Sous le prétexte que les gens sont pauvres, les stations-services sont littéralement prises d’assaut. A la place des réservoirs, ce sont désormais des bidons qui sont remplis. Moyennant bien évidemment des dessous de table. Ce liquide obtenu au prix d’une longue attente et une corruption à ciel ouvert, est revendu sur le marché à prix d’or : jusqu’à 20 000 francs le litre.

Ce spectacle se passe au nez et à la barbe des autorités. Et de surcroit dans un régime militaire. Paradoxalement, ces militaires, qui ont pris le pouvoir en évoquant mille et un défaut de l’ancien régime, avaient promis de restaurer l’ordre et la discipline dans le pays. C’était sans compter avec la volonté voire l’obsession de rester plus longtemps que prévu aux affaires. Actuellement le gouvernement de transition est empêtré dans un dilemme. D’un côté il veut charmer une population désemparée et désabusée à travers certaines décisions comme la lutte contre les délits économiques et de l’autre il hésite de prendre d’autres décisions impopulaires. Comme certainement la lutte contre la spéculation en cours dans la plupart des stations-services de la capitale et sa proche banlieue.

Autres indicateurs d’un retour en arrière

A l’arrivée au pouvoir du CNRD, et se basant sur les communiqués plutôt rassurants, plus d’un guinéen avait rêvé voir enfin le bout du tunnel dans ce pays. Les premiers actes posés par les nouvelles autorités donnaient l’impression que l’heure était venue de voir un changement positif et radical dans la gestion du pays. Entre autres décisions saluées partout et par tous, le démantèlement des barrages routiers. Comme le tristement célèbre de Kouria, qui avait remplacé celui du KM 36. Comme dans tous les pays normaux, des équipes mobiles devaient sillonner la route pour faire régner l’ordre la sécurité.

Moins d’un an après l’arrivée du CNRD au pouvoir, retour à la case départ sur nos routes. Comme l’attestent les accidents particulièrement meurtriers de ces dernières semaines. Comme autrefois, des bérets rouges sont revenus sur certains endroits. Comme à Kaka. Le transport mixte personnes et bagages continue de plus belle. La surcharge aussi.

Dans les grandes villes, comme Conakry, les tracasseries policières ont repris. Les motocyclistes font particulièrement les frais. Partout le spectacle est le même. Le changement promis devient un mirage. La Guinée donne l’impression qu’elle ne changera jamais. Parce que la volonté politique manque. Parce que la politique politicienne a pris le dessus sur tous les autres secteurs de la vie. Hier l’enjeu était moins économique que politique, avec un troisième mandat comme objectif dès la première élection de l’ancien chef de l’Etat. Aujourd’hui encore, l’enjeu est moins économique et social qu’une transition à l’infinie.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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