Comment relever le défi de l’école guinéenne ? Le journaliste Mamadou Dian Diallo à Guineematin

Lundi dernier, 18 juillet 2022, le ministère de l’Enseignement pré-universitaire et de l’Alphabétisation a bouclé la publication des résultats des examens nationaux. Après l’examen d’entrée en 7ème (avec un taux de réussite de 17%), le brevet (15%), le baccalauréat unique a obtenu le plus faible taux d’admission (seulement 9% d’admis), laissant les candidats et les parents d’élèves totalement médusés pour ne pas dire révoltés contre un système éducatif décrié et malade.

Journaliste de son état et parent d’élève, monsieur Mamadou Dian Diallo a accepté de livrer à un journaliste de Guineematin.com sa description de l’école guinéenne. Selon  lui, il y a un diagnostic du système éducatif qui est fait et les remèdes doivent intervenir pour améliorer le niveau d’éducation et de formation des enfants guinéens.

Mamadou Dian Diallo, journaliste et ancien Conseiller en communication à la Primature

« Je commence par dire que je ne suis pas surpris par ces résultats. Pour moi, c’est la photographie de l’école guinéenne. Si vous remontez un peu dans l’histoire de la Guinée, de l’enseignement de nos langues nationales au retour de l’apprentissage du français dans nos écoles, il y a eu plusieurs  réformes du système éducatif qui ont fait de nous des cobayes avec parfois, beaucoup de tâtonnements.

Et, aujourd’hui, le résultat est celui que nous déplorons tous. En résumé, un rapport qui a fait l’autopsie de ce système éducatif a été fait suite à une étude effectuée par une équipe logée en 2017 à la présidence de la république dont le porte-parole était  Pr Alpha Amadou Bano Barry et remis au Président Alpha Condé. Que dit ce rapport ? En ce qui concerne le personnel enseignant, il y avait trois catégories nettement identifiées. Les bons enseignants, (ceux qui ont un niveau pour enseigner), les moins bons (qu’on peut former pour enseigner) et ceux-là qu’on ne peut pas du tout former par ce qu’ils n’ont aucun niveau académique. Cette catégorie est la plus importante. De l’autre côté, le rapport révèle qu’il y a beaucoup d’enseignants qui n’enseignaient pas. Ils sont dans les bureaux ou ont changé de département. Et l’éducation est devenue la porte d’entrée à la fonction publique. A cette catégorie s’ajoutent les fictifs qui selon le rapport était de 5.555 personnes. A ce problème de fictifs, vient se greffer la concentration des effectifs dans le grand Conakry et ses alentours, créant un abandon total des écoles de l’intérieur du pays… », a rappelé l’ancien responsable de la communication de la Primature.

Quand le professeur Bano est devenu conseiller du Président de la république chargé de l’éducation, il a dirigé une commission qui a constaté un manquant de 11.500 enseignants qui n’ont pas été remplacés. En plus en fin 2021, 8.000 enseignants qui étaient considérés comme parmi les meilleurs ont été mis à la retraite en plaine année scolaire; donc près de 20.000 enseignants manquent si on prend en compte les retraites effectuées entre la production du rapport et décembre 2021 », a-t-il fait savoir.

Plus loin, M.Diallo explique que cette débâcle à l’éducation n’est pas que la faute de l’Etat. Les parents d’élèves aussi ont leur part de responsabilité.

« C’est aussi l’expression réelle de la démission des parents d’élèves. Combien parmi nous, rentrent à la maison, le soir, contrôlent si les enfants ont fait leur devoir ? Ils sont peu. Par contre, dans la maison, tu trouves généralement que chacun dispose d’un smartphone. Ce qui fait que les enfants sont cultivés mais ils ne sont pas instruits. Si d’un côté, tu trouves des enseignants sans niveau et en nombre insuffisant, de l’autre, tu as des parents qui ont totalement démissionné. Ne soyons pas donc étonné du faible taux de réussite des élèves en fin d’année. Dans le système éducatif, l’Etat et les parents d’élèves ont chacun une part de responsabilité à accomplir », a-t-il poursuivi.

Pour changer cette donne et améliorer les résultats, M. Diallo conseille fondamentalement deux choses. La qualification du personnel existant et le recrutement de nouveaux enseignants pour combler le vide.

« Vous savez, contrairement à certains, moi je ne suis pas fâché contre les autorités de l’éducation. Le ministre Guillaume Hawing et son équipe peuvent être fiers d’avoir réussi à cartographier le système éducatif guinéen. Maintenant que toutes les faiblesses sont connues par le travail de l’équipe du professeur Bano et de photographie de l’équipe de Guillaume, les autorités de l’éducation doivent sacrifier leurs vacances et commencer à mettre en place les réformes pour qu’on n’ait plus jamais de tels résultats. Vous avez vu cette jeune fille qui s’est suicidée à l’annonce des résultats du BEPC. En fait c’est d’elle qui est connu. Combien d’élèves se sont retrouvés totalement en rupture de ban avec la famille et parfois avec la société. L’Etat doit reprendre ses enfants et les accompagner à préparer leur avenir et donc l’avenir du pays.

C’est l’Etat qui met en place la politique éducative, qui construit les écoles et qui gère les enseignants. La population guinéenne fait plus pour l’école que beaucoup de populations des autres pays. Elle construit des écoles, elle achète des tables bancs et parfois paye des enseignants. Elle doit être accompagnée par l’Etat Ces enfants sont des Guinéens, ce sont nos enfants. Ceux qui n’ont pas réussi ces examens ne doivent pas être laissés pour compte. La tâche la plus urgente pour le département est de s’atteler, conformément au rapport élucidé plus haut, à dissocier ces catégories d’enseignants, à former ceux qui peuvent l’être et orienter les autres qui n’ont pas de niveau dans d’autres corps de métiers qu’ils peuvent accomplir. Mais ce n’est pas tout, le département doit nécessairement recruter un personnel suffisant et qualifié qui doit être affecté dans tout le pays. Les effectifs de Conakry doivent être décongestionnés. Ce qui passe aussi par des mesures d’accompagnement fortes. Les primes de zone doivent être améliorées et régulièrement versées pour être plus incitatives et permettre à l’enseignant de Balaki dans Mali ou celui N’Zoo dans Lola, bref l’enseignant le plus éloigné de la capitale, de rester aisément dans son école et de donner correctement les cours. Voilà les deux propositions qu’il faille mettre en œuvre à mon avis, pour le bien de notre système éducatif. Si non, demain, avec la mondialisation, ces enfants mal formés ou abandonnés, seront, on ne le souhaite pas, des délinquants à la charge de la société », a conclu ce parent d’élève, totalement révolté par la salve de critiques qui fusent de toutes parts contre certaines cibles.

Abdallah BALDE pour Guineematin.com

Tél. : 628 08 98 45

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