Hommage à Elhadj Oumar Alimou Diallo (Gaoual) : Par Amadou Diouldé Diallo

Feu Elhadj Oumar Alimou Diallo

Il transpirait la noblesse dans toutes ses fibres et sous toutes ses coutures, mais ne le laissait transparaître que lorsque des gens de seconde zone voulaient prendre la cité en otage. Alors, Elhadj Oumar Alimou du haut de ses 1,85 mètres et son caractère rigide, s’imposait à tous par son franc-parler ponctué de rappel des liens affectifs existants entre les différentes communautés de Gaoual.

On le reconnaissait par sa démarche rassurante et les longues et profondes cicatrices qui longeaient ses deux tempes. Il n’en avait pas l’exclusivité car les membres des familles régnantes Kaldouyankes de Singueti (chez lui) et du Kaade (la descendance de Alpha Yaya) notamment, avaient fait de ces cicatrices une sorte de signe distinctif, alors que leurs cousins du Kinsi Koté dont Kakony était le chef-lieu, du Bowé Leymayo (Seleyankés), chef-lieu Madina Guilédji et du Binani, chef-lieu Sali, ont préféré s’en passer.

En réalité, le pouvoir politique à Gaoual sous la première République était une sorte de continuité sous une nouvelle forme, du pouvoir traditionnel, dans la mesure où la presque totalité des responsables du PDG étaient issus des familles régnantes et de celles des cours de ces dernières.

On peut citer le secrétaire fédéral Elhadj Amadou Binani, fils de Thierno Oumar Bella, chef de Canton éponyme, Alpha Saliou Diallo, Hotthia Diallo, Boubacar Koumbia Diallo et Dansa Kanté de Koumbia, tous membres du bureau fédéral, Elhadj Mamadou Lekkol, le représentant du chef de Canton de Bowé Leymayo, Alpha Bacar Guiledji à Gaoual.

A Kakony, le pouvoir est resté dans la cour du Chef de Canton. Elhadj Alpha Ousmane, incarné par Elhadj Abdoul, qui était le Secrétaire général du Comité Directeur, tandis que sa sœur et son neveu dirigeaient le comité des femmes et des jeunes.

Du côté du Canton de Singueti, Monsieur Aguibou Diallo fut, pendant de longues années, secrétaire général de région tandis qu’Elhadj Oumar Alimou dirigeait le district fédéral des sports et avait obtenu de bons résultats dans plusieurs disciplines sportives.

Il était à la fois craint et admiré, ce qui facilitait la mobilisation et la discipline au sein des équipes et leurs encadreurs. Mon cas est bien illustratif de cette rigueur d’Elhadj Oumar Alimou Diallo.

Mon père, garde républicain de son état, arriva à Gaoual en mai 1970 en provenance de Dalaba. Je faisais mes débuts dans le reportage sportif au terrain de Sinthiourou avec pour micro, une boite vide ou un papier enroulé.

Immédiatement, je fus confronté à deux situations dont la première était apparemment insoluble. Il s’agit de mon père dont l’extrême sévérité était connue de tous. Il m’avait renvoyé de la maison pour avoir parlé en public. Ce qui à ses yeux, était contraire aux valeurs de sa famille.

C’est Elhadj Oumar Alimou, Elhadj Amadou Binani et le Gouverneur de région, Capitaine Sidy Mahmoud Keita, qui par extraordinaire étaient tous des fils de chefs de Canton qui firent entendre raison à papa.

Et d’ailleurs, Elhadj Oumar Alimou, un homme au caractère trempé, était allé plus loin dans l’entretien avec mon père qui l’avait aussi pris en amitié. Il venait désormais me chercher en personne pour le terrain, ou pour les voyages avec l’équipe fédérale, le « Koliba Football Club », dans les autres régions de la Moyenne Guinée pour le championnat national, la coupe PDG et les quinzaines artistiques, sportives, et culturelles à Labé.

La seconde situation se passait au terrain de Sinthiourou, lors des rencontres de football. Je faisais le reportage avec une boîte vide en faisant le tour du terrain. Cela irritait certains spectateurs qui me chassaient en se posant la question de savoir ce que mes paroles pouvaient apporter à l’équipe. C’est encore Elhadj Oumar Alimou qui mit fin à cet état de fait, tout comme il s’opposa fermement à mon débarquement du camion « ZIL » Russe lors des déplacements de l’équipe dont les « grands « , parmi lesquels le capitaine Momo »Nyakkanguel », Tobor, Jo, Ntaye, Petit Sama, trouvaient ma présence inutile et que je prenais une place pour rien.

Elhadj Oumar Alimou donna des instructions fermes et pour mettre fin à ces menaces, il inscrivit désormais mon nom, sur la liste officielle tenant lieu d’ordre de mission.

Contrairement à beaucoup de mes camarades qui jouaient en équipe junior, moi je n’avais pas de grand frère dans l’équipe. Le mien était plutôt passionné d’agriculture, mais son camarade de classe koto Amadou Tamsir Diallo, qui était à la fois footballeur et chanteur du Tominé Jazz de Gaoual, joua pleinement ce rôle.

C’est encore Elhadj Oumar Alimou qui proposa au secrétaire fédéral, Elhadj Amadou Binani, de m’envoyer à Conakry pour suivre les matchs du Sily National et du Hafia FC. Ainsi, la Jeep de commandement du secrétaire fédéral me déposait à Boké où je prenais l’avion pour Conakry. Elle revenait me prendre à Boké pour me ramener à Gaoual.

Une fois de retour, je faisais le compte-rendu pendant mes reportages au terrain, mais aussi j’affichais mes écrits sur les cailcedrats qui longent notre « Avenue des Champs Élysées « qui s’étend du bac sur le Koliba à celui sur la Tominé. (Ces bacs ont été remplacés depuis par des ponts métalliques qui enjambent ces majestueux fleuves).

La particularité de Gaoual en ces années 70 et 80, c’était en fait des cousins des familles Kaldouyankes, Seleyankes, Kolenkes et Woussinayankes qui exerçaient le pouvoir politique, après le Tiéddho Manet Bounka de Kithiar et avec le Malinké Nfaly Keita.

Il y’avait ceux qui ont gardé la maison, Elhadj Binani, Maire Saidou (le père du Ministre Ousmane Gaoual), ceux cités plus haut, et ceux dont la formation militaire (les Généraux Alpha Oumar Barou et Mamadou Thiana Diallo),ou académique comme le Journaliste, Ambassadeur et Ministre, Alpha Ibrahima Mongo Diallo étaient à Conakry. C’est peut-être pour cette raison que Gaoual n’a pas connu assez de soubresauts politiques.

A noter enfin qu’Elhadj Oumar Alimou, dont une des épouses est la fille de Mody Sory Kaade, fils de Mody Aguibou, fils dAl’pha Yaya, est de la prestigieuse descendance de Thierno Aliou, un des frères du Roi de Labé, de Thierno Bobo de Thierno Mouctar, et de Thierno Sarankoulé, dont le grand Farba Thierno Boubou Singueti fut un des grands conseillers.

Ce n’est pas tout, car le grand Waliou et Résistant à la pénétration coloniale, le Kaldouyanké de Koggui (Popodara, Labeé ,de mère Dialloyanké de Gnali (Timbi-Madina), Thierno Ibrahima NDAMA, naquit sur les terres de Singueti à Himaya, précisément en 1834.

Repose en paix bienfaiteur, amine !

Amadou Diouldé Diallo, Journaliste-historien

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