Comme rapporté précédemment, un arrêté signé du ministre de l’administration du territoire et de la décentralisation, Mory Condé, a annoncé hier, lundi 08 août 2022, la dissolution du front national pour la défense de la constitution (FNDC) en Guinée. Cette décision intervient à un moment où le climat est extrêmement tendu entre les autorités de la transition guinéenne et ce mouvement citoyen qui manifeste depuis quelque temps pour exiger un retour rapide à l’ordre constitutionnel dans le pays. Cette dissolution du FNDC est diversement commentée dans la classe politique et au sein de l’opinion publique à Conakry.
Dans la journée de ce mardi, un reporter de Guineematin.com a donné la parole à certains habitants de la capitale guinéenne sur ce sujet. Et, leurs avis sont plutôt mitigés sur cette décision.
Décryptage !
Mamadi Diaté Kaba, commerçant : « Je pense que la dissolution du FNDC n’est pas normale. Parce que c’est le gouvernement même qui a d’abord donné beaucoup plus d’importance au FNDC. Quand les militaires sont venus au pouvoir, eux-mêmes ils ont d’abord accepté une plainte déposée par le FNDC contre les anciens dignitaires du régime d’Alpha Condé. Donc, si le FNDC commence maintenant à revendiquer des choses contre le CNRD, s’ils disent qu’ils vont dissoudre le FNDC, je pense que c’est une contradiction de leur part. Par contre, ils doivent chercher à savoir ce que le FNDC veut. Est-ce que c’est de simples revendications qu’il cherche ou bien il veut faire des revendications pour avoir des choses pour le pays ? Le FNDC revendique pour le dialogue. Qu’est-ce qui empêche l’Etat d’ouvrir un couloir de dialogue pour les acteurs politiques ? Je pense que c’est la moindre des choses que le gouvernement peut faire. Donc, il serait mieux d’ouvrir un couloir de dialogue avec le camp qui ne partage pas leur avis pour qu’ils s’entendent sur comment la transition va se dérouler. C’est ce qui est beaucoup plus important que de dissoudre le FNDC. Parce qu’ils vont dire à la télé qu’ils ont dissous le FNDC, mais est-ce que ceux qui se sentent dans l’esprit du FNDC vont accepter cette dissolution ? Parce que même aujourd’hui, si le FNDC appelle à la manifestation, ceux qui se sentent dans l’esprit du FNDC vont manifester. Je veux dire qu’ils (les autorités) ne pourront pas dissoudre l’esprit du FNDC ».
Thierno Madiou Sow, marchand : « Pour nous, ça ne nous fait ni chaud, ni froid. Nous, on pense que le FNDC n’a pas été enregistré par un gouvernement. C’est l’ensemble des organisations de la société civile qui se sont réunies et se sont retrouvées pendant la lutte contre le troisième mandat d’Alpha Condé. Après le 5 septembre, le colonel Mamadi Doumbouya a fait de belles promesses ; mais, nous n’avons pas vu la réalisation de cela. Nous on pense qu’il (les autorités de la transition) ne peut pas dissoudre le FNDC, parce que légalement, ça n’existe pas. Je ne pense pas qu’on a fait un dépôt au ministère de l’administration du territoire pour un agrément du FNDC. On n’a pas vu, ni entendu cela. Donc, on ne voit pas comment ils vont le dissoudre. Si au moins ils dissolvent les organisations d’où viennent les membres et les leaders du FNDC, on pouvait comprendre ça. Donc, la lutte va toujours continuer, parce que c’est dans l’esprit ».
Koli Kourouma, ingénieur des eaux et forêts, environnement : « Par rapport à la dissolution du FNDC, je dirai que si cela est prévu par la loi, ce n’est pas mal. Au début du FNDC, nous étions tous dedans. Mais, actuellement, moi personnellement, je pense que le moment est inopportun. Parce que le FNDC a mené un combat ; et, le CNRD est son enfant. Donc, il faut qu’il trouve le temps de voir comment il peut arranger le pays en collaboration avec le CNRD, au lieu de se lancer dans un mouvement qui n’est pas à notre avantage. La Guinée est un pays qui a longtemps souffert. A un moment, on a tous lutté contre le régime précédent pour la mal gouvernance. Actuellement, le CNRD et le FNDC sont à l’épreuve ; et, c’est à eux de montrer que l’ancien régime n’avait pas raison d’être. Et, si on répète encore les mêmes fautes ? Aujourd’hui on est en train de dire que le CNRD reprend les mêmes pratiques qu’il dénonçait hier. Et, moi je dirai que le FNDC est en train de commettre les mêmes erreurs qu’hier. Alors, pourquoi ne pas se réunir pour que ce pays sorte de l’ornière ? Nous tous nous avons besoin de ça en ce moment. On en a marre de ces manifestations par-ci, par-là. C’est vraiment le dialogue qu’il faut. Il faut qu’on se retrouve et qu’on mette la balle à terre pour conjuguer le même verbe ».
Mouramani Kaba, diplômé en gestion des entreprises : « En ce qui concerne la dissolution du FNDC, je pense que c’est normal. Parce que le FNDC n’est pas légal, il n’est pas reconnu par les autorités. Au-delà de tout, le FNDC appelle toujours à manifester. Or, nous savons que nous sommes dans une transition, on est dans un pays où la stabilité n’est pas aussi que comme ça. Donc, on peut dissoudre le FNDC, même s’il n’a pas d’agrément, si on voit que l’activité qu’il mène ne va pas avec la quiétude sociale ».
Alpha Illiassa Bah, étudiant en philosophie à l’université de Sonfonia : « Je dirais que c’est juste de l’ironie ce que les autorités sont en train de faire. Cet arrêté (de dissolution du FNDC) est nul et non avenu. Je dirai que les autorités ne peuvent pas dissoudre le FNDC, parce que tout simplement eux aussi ils ne sont pas légaux. Donc, je demande au CNRD de privilégier le dialogue qui a été appelé par les membres du FNDC et que tout se règle à l’amiable pour que la transition aille de l’avant ».
Alseny Bangoura, ouvrier : « Ce que je peux dire à tous les Guinéens, c’est d’œuvrer pour la paix. Quant à moi, je n’apprécie pas cette idée d’appeler à la manifestation, parce que ça fait des dégâts. Il y a des manifestants qui se comportent mal lors des manifestations. Donc, on doit cesser cette manifestation pour voir l’avenir. On va regarder ce qui va venir demain. On doit concevoir la paix pour notre bien. Ça, c’est très important pour nous ; parce que le matin, tout le monde sort pour aller chercher de quoi manger. Mais, s’il n’y a pas la paix, tu vas rester à la maison. La dissolution du FNDC n’est pas normale. Je leur demande d’aller au dialogue et de conserver la paix ».
Holomou Koli, étudiant en Géo-Mines : « Je pense que c’est une bonne décision de la part du gouvernement, puisque trop c’est trop. Avant, le FNDC menait un combat où il défendait une constitution. Mais, une fois que la même constitution a été suspendue par le chef de la junte qui est Mamadi Doumbouya, je pense qu’il n’y a aucune importance de faire des manifestations. Et, si Alpha Condé était au pouvoir, quelle force pouvait l’enlever ? On allait faire plus de 3 ans que le CNRD demande aujourd’hui. Je demande au FNDC de mettre la balle à terre pour aller de l’avant ».
Fatoumata Diouldé Diallo pour Guineematin.com
