Dissolution du FNDC : la Guinée n’est pas l’Érythrée, encore moins la Birmanie !

« Que des autorités de fait tentent de mettre fin à l’existence d’un mouvement de fait, elles risquent d’apprendre à leur dépens que les anciens gouvernements n’étaient pas plus faibles ou moins légitimes. Ils avaient tout simplement plus d’expériences et savaient donc que dans les sociétés modernes, l’existence de chacun s’arrête là où commence celle de l’autre. A vouloir tout écraser sur son chemin, l’arrivée est incertaine. Voire périlleuse… », écrit notre chroniqueur Habib Yembering Diallo dans cette tribune que Guineematin.com vous propose en ce vendredi, 12 août 2022.

Habib Yembering Diallo

La dissolution du FNDC par le nouveau pouvoir n’augure rien de positif pour la Guinée. Cette décision, qui en dit long sur la radicalisation du pouvoir issu du coup d’État militaire du 05 septembre 2021, constitue un recul pour la liberté et la démocratie. Et pour cause, les différents régimes qui se sont succédé ces dernières années se sont tous accommodés de contre-pouvoir.

Les forces vives de Guinée furent une véritable épine dans le pied du président Lansana Conté. Mais, ce dernier s’en accommoda sans rechigner. Les mêmes forces vives ont empêché le capitaine Moussa Dadis Camara de s’accrocher au pouvoir. Est-il besoin de rappeler que les crimes du 28 septembre 2009 au stade du même nom ont fait voler en éclat les ambitions du bouillant capitaine.

Elu président de la République grâces aux différents soubresauts sociaux et politiques, le président Alpha Condé, connaissant le pouvoir de nuisance des forces vives, a tenté de les museler. Estimant qu’il n’y avait plus de raisons objectives de poursuivre le combat. Mais, il l’a fait de manière très subtile. Il savait que prendre une décision formelle pour mettre fin à l’existence de contre-pouvoir était très risqué.

Même si les principaux responsables du FNDC ont été contraints à l’exil, d’autres mis en prison, l’ancien président a évité de prendre une décision de dissolution de ce mouvement. Parce qu’en homme averti, il savait que chacun était dans son rôle. Même si ce rôle le mettait dans tous ses états. Le vieil homme a utilisé la justice à ses fins jusqu’à la date fatidique du 5 septembre 2021. Pourtant, il avait plus de légitimité (donc de raisons) qu’une junte !

Que des autorités de fait tentent de mettre fin à l’existence d’un mouvement de fait, elles risquent d’apprendre à leur dépens que les anciens gouvernements n’étaient pas plus faibles ou moins légitimes. Ils avaient tout simplement plus d’expériences et savaient donc que dans les sociétés modernes, l’existence de chacun s’arrête là où commence celle de l’autre. A vouloir tout écraser sur son chemin, l’arrivée est incertaine. Voire périlleuse…

Dans tous les cas, la décision inédite et sans précédent du 8 août 2022 est un test. S’il réussit, il faudra dire adieu à la pluralité d’opinion dans ce pays. Après le FNDC, ce sera le tour des partis politiques. Tout au moins ceux dont les leaders sont susceptibles de remplacer l’actuel homme fort au palais. Les partis dits « cabine téléphonique », eux, ne risquent rien. A moins que la visite initiée par le MATD dans les sièges de partis ne prouve le contraire.

En tout état de cause, faire ce qu’aucun autre n’avait fait jusqu’ici est un motif d’inquiétude pour l’avenir de nos libertés individuelles et collectives. La dissolution du FNDC est la preuve on ne peut plus éloquente que les nouveaux dirigeants de ce pays sont majoritairement des novices en matière de gestion d’un Etat. Et probablement les initiés n’ont pas la voix au chapitre. Ou, volontairement, ils laissent leur patron se brûler les doigts pour qu’il prenne conscience de la gravité de certains de ses actes.

Sous d’autres cieux, le mouvement Y en marre a défié les différents régimes au Sénégal. Particulièrement celui de Maître Abdoulaye Wade. Mais, ce dernier, sachant que chacun était dans son rôle, a laissé faire. Même Blaise Compaoré, alors homme fort non pas du seul Burkina mais de presque toute la sous-région, n’a pas empêché le mouvement Balai Citoyen d’évoluer et même de lui mettre des bâtons dans les roues. Pourquoi ces chefs d’Etat ne pouvaient pas dissoudre les mouvements qui leur ont donné du grain à moudre ?  La réponse est simple, ils savaient que le remède devait être pire que la maladie. Pour les autorités guinéennes, s’accommoder du FNDC était le moindre mal.

En jouant la carte de la radicalisation et de l’intimidation, le CNRD renforce paradoxalement le pouvoir et la légitimé de celui qu’il considère comme un adversaire. Désormais, la planète entière sait que la Guinée a pris une mesure qu’aucun de ses voisins n’avaient pris. Ce qui constitue une erreur monumentale. Penser un seul instant qu’on peut ramener ce pays aux méthodes et pratiques des années 70-80 relève d’une cécité intellectuelle.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

Tél. : 664 27 27 47

Facebook Comments Box