CNT : des anciens ministres et experts de l’éducation mis à contribution

La Commission éducation, santé, affaires sociales et culturelles, en se penchant sur la question liée au système éducatif guinéen, a fait recours aux bons auspices de certains acteurs et célébrités de l’éducation, notamment Hadja Aïcha Bah, ancienne ministre de l’enseignement pré-universitaire et de la formation technique et ancienne responsable de l’UNESCO, le Dr Amadou Bano Barry, ancien ministre de l’éducation nationale et de l’alphabétisation et tant d’autres cadres reconnus pour leur expertise dans le secteur éducatif, a mentionné le Président de la Commission, le Pr Hassane Bah.

Il sera se fera succéder au parloir par le rapporteur de la Commission Sékou Doré qui a présenté l’exposé de motifs portant sur le secteur éducatif guinéen. Ce document consulté par Guineematin.com, fait un véritable réquisitoire du système éducatif guinéen en passant aux peignes fins les différents problèmes qui l’assaillent. Le taux d’échec de cette année a particulièrement marqué les honorables Conseillers qui n’ont fait aucun cadeau aux différents responsables du secteur. Guineematin.com, vous propose l’intégralité de ce document.

Exposé de motifs sur la problématique de l’éducation en Guinée

Fait par la Commission éducation, santé, affaires sociales et culturelles du CNT

Monsieur le Président,

Honorables conseillers

Mesdames et Messieurs

Les examens nationaux consistent à évaluer les acquis d’apprentissage et de performance des élèves. C’est une mesure indispensable pour la qualification de notre système éducatif.

En principe, l’organisation rigoureuse des examens nationaux constitue une des modalités du perfectionnement du système éducatif. A ce titre, les statistiques officielles ci-après ont permis d’avoir une idée de l’état de ce système:9,37% au baccalauréat dont 2,53% de filles,

BEPC 15,04% dont 6,57%de filles, et le CEPE 17,62% dont 7,99% de filles. Cependant, il est à noter que c’est le taux d’échec le plus élevé comparativement aux années antérieures.

Tableau récapitulatif des résultats des trois dernières années (chiffres officiels).

SESSION

 

CEPE

 

BREVET

 

BACCALAUREAT

 

2019

 

44 46%

 

44,11%

 

24,39%

 

2020

 

55,86%

 

35.59%

 

4443%

 

2021

 

62.08

 

35,05%

 

25.36%

 

2022

 

17,62%

 

15,04%

 

9.37%

 

Devons-nous, nous réjouir de ces résultats ? NON !

Devons-nous, nous interroger sur les causes de ces échecs ? OUI!

Notre devoir de représentant du peuple en cette période de transition nous amène à faire des réflexions sur ce qui semble être les causes probables de la déliquescence du système éducatif guinéen afin de formuler des recommandations.

Certains observateurs considèrent que la responsabilité de ce taux d’échec incombe aux apprenants et parents d’élèves. D’autres qui ont une perception globale de la responsabilité estiment que cet échec est également imputable aux enseignants, encadreurs, conditions d’études des élèves et de vie des enseignants.

En fait, il s’agit d’une responsabilité partagée, qui pourrait se situer à quatre niveaux :

1.La gouvernance du système;

  1. Le corps enseignant ;
  2. Les apprenants ;
  3. La famille.

De toute évidence, si ‘organisation et la gestion du système éducatif est une responsabilité régalienne de l’Etat, celle-ci implique aussi d’autres acteurs notamment à caractère non étatique.

Sur la base des informations collectées auprès des personnes ressources, les constats suivants ont été relevés :

  1. De la gouvernance :

ü  L’évaluation et le contrôle pédagogiques ne sont pas permanents et rigoureux, mais surtout ne sont pas assortis de sanctions, malgré l’existence des dispositions légales et règlementaires;

ü  La gestion des enseignants est confrontée à plusieurs problèmes, entre autres l’absence de plans de carrière, des affectations non rationnelles etc.

ü  La coordination sectorielle des départements du système éducatif est peu fonctionnelle

ü  Beaucoup de « textes » existent notamment: décrets, cadres organiques, organigrammes, manuels de procédure mais ceux-ci sont peu respectés/suivis ;

ü  Le dispositif de formation initiale et continue des enseignants est inefficace ;

ü  L’encadrement et le suivi des enseignants à tous les niveaux sont faibles ;

ü  Les infrastructures scolaires sont vétustes et insuffisantes ;

ü  La disponibilité d’enseignants qualifiés et les conditions d’encadrement sont nettement insuffisantes:

ü  Les manuels scolaires ainsi que d’autres matériels ludiques essentiels aux apprentissages sont insuffisants et pédagogiquement inadaptés ;

ü  Le passage dans les classes intermédiaires est presque automatique, 95% d’admis.

  1. Du corps enseignant

2.1. De la fraude aux examens : d’année en année, l’Etat fait des efforts pour qualifier le système éducatif, et lutter contre les cas de fraudes. Cependant, la fraude demeure omni présente sur l’ensemble de la chaine des examens, de la confection des listes à la publication des résultats.

On peut distinguer des fraudes à trois niveaux :

Avant les examens :

  • Au moment d’établir la liste des candidats au niveau des DPE/DCE, les IRE et le service examen, les effectifs seraient gonflés jusqu’à 25% des candidats réels;
  • Au moment de la répartition des candidats dans les centres examens, certaines écoles privées paieraient pour réunir leurs candidats dans le même centre et même dans des salles identiques. Ce qui faciliterait la solidarité entre les candidats qui proviennent de la même école et la corruption des surveillants au point de les faire remplacer par des enseignants de l’école d’origine de ces candidats ;
  • Certains enseignants créeraient des groupes WhatsApp avec un ticket d’entrée d’un million payable par candidat pour accéder aux corrigés traites par eux.

Pendant le déroulement des examens :

  • Des candidats et responsables d’écoles soudoieraient des surveillants

et/ou les feraient remplacer moyennant une rémunération pour que ceux-ci gardent leurs téléphones jusqu’à l’arrivée des traités de sujets ;

Certaines copies vierges seraient achetées par des enseignants et encadreurs pour traiter les sujets pour certains candidats. Il existerait même des candidats « VIP » qui ne viendraient pas aux examens et des enseignants traiteraient pour eux les sujets et les copies seraient insérées frauduleusement au niveau du secrétariat du centre d’examen.

Pendant la correction et la saisie des notes :

  • Au moment de la correction, certains responsables d’écoles achèteraient les anonymats des candidats de leur école et les transmettraient à certains correcteurs. Dans ces conditions, les correcteurs éviteraient de mettre des notes élevées au risque de se retrouver avec une troisième correction;
  • Ces anonymats des candidats seraient surtout utilisés lors du report des notes de la feuille d’examen à la fiche de centralisation et de celle-ci à la saisie des notes.
  • 65% des enseignants du primaire public n’ont pas le niveau du Baccalauréat ;
  • Un quart (25%) des enseignants du primaire et la moitié (48%) des enseignants du secondaire dans les salles de classes sont professionnellement non qualifiés
  • La faiblesse de la qualité des enseignements/apprentissages résulte aussi des lacunes linguistiques, académiques et professionnelles du personnel enseignant ;
  • De plus, un quart des enseignants des écoles publiques en milieu rural sont à la charge des parents contre seulement 7% dans les écoles en milieu urbain ;
  1. De l’apprenant:

ü  Un faible niveau de maitrise de la langue d’enseignement qui est le français ;

ü  15 % des copies d’examen au Baccalauréat et le BEPC seraient illisibles

ü  Fraude et corruption ;

ü  Non observation du règlement intérieur de l’école (chômage, indiscipline, violence etc.)

  1. De la famille :

ü  Relâchement de l’autorité parentale

ü  Faible collaboration entre la famille et l’école ;

ü  Faible implication de l’APEAE dans l’encadrement et l’accompagnement.

Ainsi, sur la base des constats et échanges avec les personnes ressources, la commission santé, éducation, affaires sociales et culturelles relève les points d’attention ci-dessous:

ü  Le recrutement sélectif d’enseignants pour le primaire et le secondaire avant l’ouverture des classes tout en sachant que le gap à combler est près de 20 000 enseignants pour éviter que les élèves ne se retrouvent sans enseignants avec le taux élevé d’échecs enregistrés ;

ü  La revalorisation des salaires et l’amélioration des conditions de vie des enseignants ;

ü  La couverture médicale universelle en faveur des enseignants ;

ü  La nécessité d’instauration d’une :

o   D’une filière « inspection d’enseignement primaire et secondaire » au niveau de l’ISSEG de Lambanyi

o   D’un système d’inspection et de contrôle périodique et inopinés dans les écoles ;

o   Du renforcement de la rigueur dans l’évaluation et aux examens de passages dans les classes intermédiaires ;

ü  La question de la rénovation et de la construction des infrastructures en impliquant les communautés à la base ;

ü  La nécessité de revalorisation des primes d’éloignement des enseignants ;

ü  L’instauration d’une procédure spécifique de recrutement et d’engagement du personnel enseignant ;

ü  La digitalisation et la dématérialisation du système éducatif guinéen pour une meilleure gestion et un contrôle strict des effectifs du personnel, des étudiants et élèves, des infrastructures et équipements ;

ü  Instauration des épreuves orales au BAC.

À suivre !

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