L’an un du CNRD : ce qu’en pense Abdoulaye Barry, SG de la FESATEL

Abdoulaye Barry, membre de la CNT et responsable de la FESATEL

Le 5 septembre 2022, le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), sous la conduite du Colonel Mamadi Doumbouya fêtera sa première année d’exercice du pouvoir en Guinée, après avoir destitué le Président Alpha Condé et fait tomber son régime.

Comme dans les autres domaines de la vie de la nation, Guineematin.com est allé à la rencontre d’un représentant du mouvement syndical pour dresser le bilan de cette première année du règne de la junte militaire.

Abdoulaye Barry, le Secrétaire général de la fédération syndicale autonome des télécommunications (FESATEL) et Secrétaire chargé de négociations et du règlement des conflits au sein de la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG) a, pour sa part,  salué les résultats obtenu par le mouvement syndical guinéen auprès de la junte au pouvoir pendant cette première année. C’était à l’occasion d’un entretien qu’il a accordé à un journaliste de Guineematin.com, le vendredi 2 septembre 2022.

 « Au nom de notre Secrétaire général et Coordinateur du mouvement syndical guinéen, le camarade Amadou Diallo, nous commençons cet entretien par saluer l’ensemble des travailleurs et travailleuses de notre pays et à tout le mouvement syndical composé, rappelons-le de dix centrales syndicales. Je note que nous venons de terminer une rencontre syndicale à laquelle nous avons enregistré la présence de représentants du BIT. Nous saluons également la présence à cette rencontre, tenue du lundi à mercredi de cette semaine, le ministre du travail. A l’occasion de l’an un au pouvoir du CNRD, le mouvement syndical note de grandes avancées même si, en tant que responsable syndical, nous demandons toujours les autorités à faire mieux pour les travailleurs et travailleuses de notre pays et dans les secteurs public et privé. Nous avons obtenu quelques avancées, même si elles ne suffisent pas pour mettre le travailleur à l’abri du besoin », a noté M.Barry.

Augmentation des indemnités de logement, de transport, revalorisation du SMIC et de l’indice pour les retraités, de même que les allocations familiales. Autant de progrès…

« Cette année, comme progrès palpable, le 7 avril dernier, nous avons signé un protocole d’accord avec le gouvernement qui a amélioré les indemnités de logement et de transport pour les fonctionnaires. Nous avons pu obtenir du gouvernement le relèvement du SMIC de 440 mille à 550 mille francs guinéens. La pension de la retraite est passée de 698 à 977points indiciaires. Pour les enseignants, le point indiciaire est passé de 698 à 1030. Nous avons également parvenu à obtenir l’augmentation de l’allocation familiale qui était de 2500 par enfant à 25 mille Francs guinéens. A ces acquis, il faut ajouter l’accord obtenu pour la formation des formateurs, surtout au niveau des enseignants. Il y a d’autres accords qui sont obtenus et qui attendent d’être mis en application. C’est le cas du recrutement des contractuels en situation de classe et les agents de santé internes. Selon les termes de cet accord, dans ces deux secteurs, il est évident qu’il y a une nécessité de recruter du personnel pour combler le déficit. Pour ce qui est de l’éducation, il a été convenu de privilégier les enseignants contractuels en situation de classe pendant le concours. S’ils sont 10 millepar exemple et que le besoin est de 10 mille, ce sont eux qui vont faire le test. Si le besoin est de 5 mille, c’est également eux qui vont faire le test pour être recrutés. Pour la santé, on apprend d’ailleurs que le processus a commencé », a souligné le syndicaliste.

Des difficultés qui persistent avec l’absence d’un cadre de dialogue social institutionnalisé, le manque de moyen et d’autonomie pour l’Inspection du travail, le refus du secteur privé de respecter le protocole d’accord…

Parmi les difficultés rencontrées, note le patron de la FESATEL, il y a l’absence d’un cadre de dialogue social.

« Comme dans les autres pays de la sous-région, notre pays est dans le besoin de mettre en place cette structure. Ce n’est pas lorsqu’il y a une revendication quelconque que les gens vont se mettre au tour de la table pour le résoudre. Les problèmes ne devraient pas être abordés de façon conjoncturelle mais de façon structurelle. Le Conseil national du dialogue social est cet outil indispensable à la stabilité, la paix et la cohésion sociale dans le monde du travail. C’est ce que nous demandons à présent aux autorités. Si ce cadre de dialogue existait, le problème de recrutement des enseignants et du personnel de santé aurait trouvé solution depuis longtemps. Dans le secteur privé, le protocole d’accord souffre d’application. Les indemnités de logement et de transport convenues dans l’accord n’ont pas été accordées par bon nombre de sociétés privées. C’est le cas du secteur des télécommunications », a fait savoir ce responsable de la CNTG.

« L’autre difficulté rencontrée par le syndicat c’est le manque de moyen constaté au niveau de l’inspection générale du travail. Les cadres sont là, la volonté est là mais ils manquent de moyens pour bien fonctionner. Ils ont besoin d’un statut particulier, un budget conséquent et autonome. Voyez-vous avec les juges par exemple, ils sont bien traités et c’est plus facile pour le gouvernement de faire son contrôle dans ce secteur. L’Inspection en a besoin, plus que n’importe quelle autre structure », a insisté M. Barry.

Pour le reste, le mouvement syndical a inscrit dans son agenda plusieurs objectifs à accomplir pour que le travailleur soit dans les conditions requises de faire son boulot et dans les règles de l’art.

« Les défis se résument ici aux difficultés que nous avons citées ci-dessus. C’est l’inspection générale du travail qui est le gendarme dans le secteur privé. C’est cette inspection qui doit veiller au respect des droits des travailleurs dans le secteur privé. De l’autre côté, nous demandons à l’Etat de regarder tout autour de nous. Au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Mali, combien les gens sont payés. Il est urgent de mettre en place le cadran catégoriel. Vous voyez dans le secteur privé par exemple. Il y a des multinationales qui évoluent chez nous et qui paient mal les travailleurs guinéens. Ailleurs, elles paient bien les travailleurs et ici en Guinée, ils font de la croissance et paient mal les travailleurs. Pourtant, dans notre pays, elles enregistrent souvent la plus forte croissance. Il n’y a pas la juste rémunération. C’est de l’injustice. Et le syndicat n’est pas d’accord avec cette pratique qui se perpétue dans notre pays. Pour le secteur privé, c’est l’Inspection générale du travail qui doit s’occuper de cette tâche. C’est elle qui doit siffler la fin de la récréation et prendre des mesures idoines pour remettre le travailleur dans ses droits. C’est cela seulement qui peut amener les sociétés et entreprises à respect le droit du travailleur. Pour la fonction publique, c’est l’Inspection générale de l’administration publique (IGAP) qui doit s’occuper de cette tâche. L’Etat doit avoir le courage de créer les conditions à ses travailleurs et exiger un bon rendement à ses fonctionnaires. Les indemnités de logement par exemple c’est un peu plus de 200 mille par personne et par mois. Quel est ce logement qui coûte à ce montant dans nos villes, peut-être même dans certains villages miniers ? A défaut de donner des primes conséquentes aux travailleurs, l’Etat doit trouver les moyens de loger ses travailleurs partout à travers le pays. Les travailleurs devraient également avoir des moyens de déplacement partout pour se rendre plus facilement à leur lieu de travail et rentrer à la maison dans de bonnes conditions. Le travailleur doit pouvoir assurer la vie de sa famille sans problème. Le travailleur doit être en mesure de scolariser ses enfants, de se soigner et soigner les membres de sa famille sans problème. Mais est-ce que c’est le cas actuellement ? Voilà autant de questions que le Conseil national du dialogue social, une fois mis en place, doit se pencher, pour le bien des travailleurs et de la nation toute entière. Nous encourageons sincèrement les autorités, notamment le CNRD et le gouvernement à continuer sur cette bonne démarche pour l’amélioration des conditions de vie et de travaille du travailleur. Qu’il soit du secteur public ou privé, chacun travailleur a besoin de bien vivre. D’ailleurs, c’est le lieu de saluer le gouvernement pour cette idée de construire le siège de la Caisse nationale de la prévoyance sociale. Le syndicat est invité le samedi, 3 septembre 2022, à prendre part à la cérémonie de la pose de la première prière, sur le site de Koloma, dans la commune de Ratoma. Vous savez les travailleurs du secteur privé sont couverts par la Caisse nationale de la sécurité sociale et ceux du public par la Caisse nationale de la prévoyance sociale. Sincèrement, nous attendons du gouvernement et du patronat une plus grande détermination quant à l’amélioration des conditions de vie et de travail des travailleurs à tous les niveaux », a conclu le Secrétaire chargé des négociations et du règlement des conflits à la CNTG.

Entretien réalisé par Abdallah BALDE pour Guineematin.com

Tél : 628 08 98 45

Facebook Comments Box