L’an1 du CNRD au pouvoir en Guinée : Sékou Jamal Pendessa du SPPG dresse un bilan mitigé pour la liberté de la presse

Sékou Jamal Pendessa, Secrétaire général du SPPG

Le 05 septembre prochain, le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) va fêter son premier anniversaire à la tête de la Guinée. Ainsi, à quelques jours de cette célébration, l’heure est au bilan de la junte sur ses actions de ces douze au sommet de l’Etat guinéen. Un bilan que de nombreux acteurs politiques et des défenseurs des droits humains trouvent « sombre ». Mais, qu’en est-il des actions du CNRD en matière de liberté de la presse ?

Dans un entretien accordé à Guineematin.com hier, vendredi 02 septembre 2022, le secrétaire général du syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG), Sékou Jamal Pendessa, a dressé un bilan mitigé. Ce professionnel de médias et leader syndical admet qu’il y avait de l’espoir au lendemain du 05 septembre 2021, mais certaines actions de violation de la liberté de la presse sont venues contredire les déclarations de bonnes intentions de la junte militaire du colonel Mamadi Doumbouya.

« Il faut dire que dans un premier temps le SPPG avait noté un très bon départ de la junte militaire concernant la liberté de la presse. Parce que nous avons suivi les différents discours tenus par le colonel Mamadi Doumbouya, discours dans lesquels il avait rassuré les hommes de médias qu’ils vont continuer à exercer librement. Il nous a même invités, lors de la rencontre qu’on a eu au palais du peuple, à mener des investigations et à faire des dénonciations sur les cas de corruption. Il a rassuré que personne n’allait nous inquiéter dans notre travail. C’était vraiment des actes forts qui avaient commencé à nous faire croire qu’on était avec un régime respectueux de la liberté de la presse. Les rapports même avaient changé.

Si Alpha Condé tenait des discours méprisants à l’égard des journalistes, ce n’était pas le cas du président du CNRD. On a vu par la suite l’implication du ministère de la communication et de l’information dans l’organisation des festivités du 3 mai… Mais, à un moment, on a compris que d’autres actions étaient là pour aller dans le sens contraire de tout ce qu’on était en train de voir comme de bons signaux quant à la défense ou à la promotion de la liberté de la presse dans notre pays. On a constaté que des journalistes étaient empêchés de couvrir la plupart des activités concernant le chef de l’Etat. Jusqu’à présent ils n’ont pas réussi à résoudre ce problème, malgré qu’on a eu à faire des mémorandums adressés aux autorités. Jusqu’à présent cette triste réalité continue, notamment au palais Mohamed V.

Les médias privés n’ont pas accès aux activités de là-bas. Il ne s’agit pas des actes qui puissent nous donner de bonnes notes comme le classement qu’on a eu récemment de reporters sans frontières. Les cas de menaces des journalistes aussi, on en a connu.

Le cas Habib Marouane, du journaliste de la Guinee.info, même chez vous à Guineematin.com ; et, on a connu beaucoup de cas similaires. Il a fallu qu’on rencontre le colonel Balla Samoura pour voir ce qu’il fallait faire pour mettre fin à ces agissements qui continuaient, malheureusement. Tous ces cas ont été enregistrés entre novembre et mai, cinq journalistes menacés, il y a un autre qui est le correspondant d’un média étranger, mais lui il n’a pas souhaité qu’on médiatise son cas.

Des agressions physiques de journalistes à Conakry et à l’intérieur du pays, le journaliste Mbemba Condé de Kindia a été battu par des gendarmes qui étaient avec le préfet. Ils sont partis jusqu’à cacher son rapport médical. C’est dire que les autorités même savent que c’était grave et elles n’ont pas voulu qu’on sache réellement ce qui était arrivé à ce confrère. Il y a eu des situations de ce genre à Kankan, Dubreka et à Dinguiraye avec le journaliste Mamadou Sagnan qui a été envoyé en prison pour un simple communiqué. C’était une sorte de printemps contre les journalistes à l’intérieur du pays… Et, récemment, c’est Mohamed Bangoura de Mosaïqueguinée.com qui a été convoqué dans un camp militaire… Donc, de façon résumée, le bilan du CNRD en matière de liberté de la presse était bon au début, mais ces derniers temps il y a un recul. On se demande même quelle place on va occuper lors du prochain classement de Reporters sans frontières », a indiqué Sékou Jamal Pendessa.

Pour le secrétaire général du Syndicat des professionnels de la Presse de Guinée, il est impératif aujourd’hui pour le CNRD de relever un certain nombre de défis pour faciliter le travail des journalistes pendant la période de la Transition.

« Il faut faire en sorte que les journalistes aient accès à toutes les actions officielles. Malheureusement, la réponse du président de la HAC sur cette question ne nous a pas rassurés. Il y a des journalistes accrédités dans toutes les présidences du monde, ce n’est pas seulement les médias de l’Etat qui doivent couvrir les activités liées au président de la République. Autres défis, c’est de faire en sorte que les militaires comprennent que les journalistes ne sont pas à agresser comme on l’a connu. Le principal défi dans tout ça, c’est de garantir l’indépendance de la Haute Autorité de la Communication à travers des textes de lois. Il est apparu qu’il y a des tentatives de museler la presse par le canal de la HAC.

Donc, il faut que les militaires arrêtent de donner des instructions à cette institution. La loi sur la HAC doit être révisée pour que le président ne soit plus nommé par le président de la république, mais qu’il soit élu par ses pairs comme c’était le cas de part le passé. Parce qu’actuellement il peut être dégommé par le chef de l’Etat, il se sentira toujours redevable à celui qui l’a nommé. Au niveau de la L002, il faut supprimer la partie qui prévoit la détention préventive pour outrage au chef de l’Etat. Je suis de ceux-là qui pensent qu’il faut supprimer ce délit…

L’Etat doit mettre l’essentiel du contenu de la convention collective aussi dans le nouveau code du travail pour obliger les responsables de l’URTELGUI, l’AGUIPEL et l’AGEPI de signer la convention collective. Ce sont les trois principales associations qui retardent le processus de cette convention, surtout l’URTELGUI. Voilà entre autres défis que le CNRD doit relever pour présenter une bonne image au niveau de notre corporation ; parce qu’aujourd’hui, nous nous avons l’impression que certaines autorités sont en train de travailler en complicité avec nos patrons pour continuer à nous maintenir dans une situation d’exploitation de l’homme par l’homme, malheureusement », a dit Sékou Jamal Pendessa, tout en appelant les journalistes à la solidarité pour défendre la liberté de la presse obtenue par le combat des anciens.

Mamadou Tanou Bah pour Guineematin.com

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