Justice et réparation : les victimes du camp Boiro comptent sur « le courage politique du Colonel Doumbouya »

Daniel Philippe de Sainte Marie

Les points 3 et 4 du rapport final des Assises Nationales sont les principales revendications de l’Association des Victimes du Camp Boiro (AVCB). Ces points sont des recommandations relatives au droit à la justice et aux réparations pour les victimes de répressions dans notre pays. Daniel Philippe de Sainte Marie, né au tristement célèbre camp Boiro où était détenue sa mère, pense qu’il est important de rétablir les faits historiques avant de passer à la justice et à la réparation. Il l’a dit dans une interview accordée à Guineematin.com à travers un de ses reporters.

De son accession à l’indépendance le 02 octobre 1958 à nos jours, la Guinée a connu une histoire tumultueuse, marquée par de nombreux assassinats. Devant la soif de justice, le Comité National des Assises recommande justice et réparation pour les victimes.

Cette démarche réjouit des membres de l’AVCB. C’est le cas de Daniel Philippe de Sainte Marie, né au tristement célèbre camp Boiro. Interrogé par Guineematin.com, il dit avoir parcouru quelques paragraphes du document remis au Colonel Mamadi Doumbouya le 24 août dernier par les co-présidents du comité national des assises.

« L’important pour moi aujourd’hui est qu’on essaie d’asseoir historiquement les faits parce vu la mentalité, beaucoup de gens pensent que nous sommes des menteurs et des traîtres. C’est comme cela qu’on nous étiquette, ça crée assez de frustrations. Le problème est exactement à ce niveau. Il faut qu’on arrête de dire que nos parents étaient des traîtres, il y a beaucoup qui étaient engagés pour l’objectif. Aujourd’hui, on réhabilite l’image de Sékou Touré, il fait partie de notre histoire, moi je suis pour qu’on garde sa mémoire vive parce qu’à travers elle, c’est la mémoire collective qui est conservée pour tous ceux qui ont été tués, humiliés, ostracisés et tous ceux qui ont fait de grands sacrifices pour se consacrer à la Guinée. Il faut qu’on restaure la vérité, c’est déjà ça le problème principal et à travers ça, viendra après la réparation totale. La jeune génération doit savoir ce qui s’est réellement passé. J’ai apprécié la partie du rapport qui recommande la construction de monuments au camp Boiro. Moi, je me fais insulter sur les réseaux sociaux à tout moment mais pourquoi ? Et souvent, ce sont des jeunes qui s’agitent alors qu’ils ne connaissent pas cette époque et ignorent tout de l’histoire parce qu’on a falsifié les faits. On passe tout le temps à créer des légendes. Nous devons aborder l’histoire de ce pays avec sérénité, vérité et objectivité. Sékou Touré a tué tout le monde, pas qu’une seule ethnie. Peut-être qu’il a fait une erreur, ça arrive, c’était dans l’air du temps, il n’a pas été le seul dictateur, mais c’est notre histoire et nous devons en finir avec ça. Moi, ma colère découle delà et ma frustration grandit chaque jour », a-t-il laissé entendre.

Par ailleurs, ce membre de l’Association des victimes camp Boiro espère que le colonel Mamadi Doumbouya ira plus loin que les régimes précédents qui n’ont jamais réussi à résoudre ce pan douloureux de l’histoire de la Guinée. « C’est devenu un problème parce qu’on a laissé pourrir le ver dans le fruit, on aurait pu régler cette affaire depuis 1984-1985. Nous avons eu pleinement de promesses, on espère toujours. L’AVCB est l’ONG mère de lutte contre les violations des droits de l’homme en Guinée, on attend tout en espérant que cette fois-ci l’éléphant n’accouchera pas d’une souris comme d’habitude. Il y a eu assez de débats, nous avons déposé plusieurs mémorandums, mais rien. Nous attendons de Mamadi Doumbouya le courage politique qui a manqué aux autres précédents. La balle est dans son camp, c’est à lui d’agir pour mettre fin à ces frustrations qui n’ont que trop duré », a lancé Daniel Philippe de Sainte Marie.

Mamadou Tanou Bah pour Guineematin.com

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