L’enfer des adolescents au port de pêche de Boulbinet : « j’aurais préféré ne pas venir au monde que de vivre ce calvaire…»

Le port artisanal de pêche de Boulbinet, dans la commune de Kaloum, est un véritable bazar où de nombreuses personnes gagnent leur vie. Cet endroit grouille de monde où chacun vient chercher le minimum pour tirer son épingle du jeu dans une conjoncture économique de plus en plus compliquée. Nombre de jeunes et d’adolescents y mènent une vie de misère et se disent oubliés par les autorités. Tel est le constat fait sur place par Guineematin.com à travers un de ses reporters.

« Nos patrons nous traitent comme des esclaves. Actuellement, on gagne difficilement de quoi manger. Nous sommes des laissé-pour-compte. J’aurais préféré ne pas venir au monde que de vivre ce calvaire », martèle un adolescent qui végète dans cet environnement.

En effet, la vie au port de Boulbinet est rythmée par un incessant aller-retour de pirogues qui débarquent des produits de pêche mais aussi des habitants des îles de Loos, située au large de Conakry. Les poissons pêchés sont vendus par des femmes qui les étalent sur des tabourets en attendant l’arrivée de clients.

Tout a l’air normal à l’intérieur de ce débarcadère artisanal, mais il y a une autre réalité qui crève les yeux dans ce « foutoir ». C’est la face sombre du port de Boulbinet, pourtant situé à une dizaine de mètres du palais Mohamed V, résidence du président de la Transition, le Colonel Mamadi Doumbouya.

Plusieurs adolescents y travaillent comme transporteurs des caisses de poissons. On les appelle les « Lingomanies ». Ils sont les parents pauvres des activités de ce port de pêche artisanal. Ils y mènent une vie de misère, dorment sous des bâches et de petites bicoques dans l’inconfort absolu.

Selon nos informations, ce sont eux qui ont la charge de surveiller les pirogues pendant la nuit. Mohamed Lamine Keïta vit dans ces conditions indescriptibles avec ses amis de galère. « Je dors dans cette bicoque avec les genoux pliés, je ne fais que me recroqueviller la nuit. La fraîcheur apportée par le vent de la mer nous fatigue. Ici, c’est un autre monde. Nos patrons nous traitent comme des esclaves. Actuellement, on gagne difficilement de quoi manger. Nous sommes des laissé-pour-compte. J’aurais préféré ne pas venir au monde que de vivre ce calvaire », a martelé l’adolescent.

Ousmane Sylla est l’un des grands de la bande. C’est lui qui s’occupe de la cuisine. Cet après-midi, les garçons ont fait une petite collecte qui leur a permis d’acheter un kilogramme de riz. « Le riz que je prépare n’a même pas de sauce. C’est de l’oignon découpé en morceaux que je mélange avec du sel et de l’huile rouge pour colorier notre soi-disant repas, et c’est le seul de la journée. Parfois, c’est la garde présidentielle qui nous envoie les restes de leurs repas. Ils sont très humains. On est condamné à vivre comme ça pour le moment. Si tu te livres au vol, les gens vont te tuer banalement », laissé entendre le jeune homme.

Les jeunes transporteurs des caisses de poissons au port artisanal de Boulbinet ne savent à quel saint se vouer. Ils se disent oubliés par l’Etat et par leurs familles.

Mamadou Tanou Bah pour Guineematin.com

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