Apprentissage du Coran : des plaintes suite à l’abandon des planchettes dans les foyers coraniques

L’enseignement du Coran aux enfants en Afrique commençait toujours avec les planchettes en bois où ils apprenaient à lire, réciter et même à écrire. De nos jours, cette coutume millénaire tend à disparaître dans les écoles et foyers coraniques, notamment en milieu urbain. Un impact sur les vendeurs de planchettes qui voient leur chiffre baisser dans une conjoncture économique compliqué. Des acteurs déplorent également l’impact négatif de cet abandon sur les apprenants. Tel est le constat fait à Conakry par Guineematin.com à travers un de ses reporters.

En lieu et place des planchettes en bois, la grande partie des maîtres coraniques utilisent désormais des livres physiques, divisés en des chapitres pour l’apprentissage des petits. Ce changement de méthode brusque n’est pas sans conséquence pour les fabricants et vendeurs de planchettes.

Aboubacar Sidighy Bah, fabricant et vendeur de planchers

Aboubacar Siddighy Bah vit de cette activité au rond-point de la Cité Enco5, dans la commune de Ratoma. Les chiffres d’affaires ont fortement baissé ces dernières années. « La vente des planchettes a beaucoup diminué dans la capitale. Il m’arrive de passer deux jours parfois sans pouvoir écouler trois ou quatre planchettes. C’est vraiment une situation très difficile pour nous qui vivons de cette activité. Les gens ont complètement délaissé cette tradition islamique propre à l’Afrique noire. Cette triste réalité s’explique par l’arrivée massive des marcazes (foyers d’enseignement coranique) qui préfèrent enseigner qu’avec les livres. Pourtant, nous nous vendons tout sur place, nous avons de l’encre fabriqué à base d’écorces de manguiers, de feuilles et même des bâtonnets qui servent de plumes pour écrire sur les planchettes. Nos clients se comptent au bout des doigts. C’est seulement pendant les vacances qu’on arrive à gagner un peu », a-t-il expliqué.

Thierno Mamadou Dian Diallo est venu à la cité Enco5 pour acheter de l’encre et quelques plumes en bâtonnets. C’est un conservateur de la tradition héritée des anciens. « Les enfants qui commencent à étudier le coran retiennent mieux les écrits et n’oublient pas les versets qu’ils ont appris. Et voyez-vous, c’est difficile pour un enfant 5, 6, ou 7 ans de tenir un livre sans le déchirer. Moi, mes enfants apprennent le coran sur des planchettes en bois », a-t-il lancé.

Les centres de formation et de mémorisation du livre Saint ont beaucoup contribué à l’abandon des planchettes. Alhousseïny Barry, un des formateurs du Centre Daroul Imane de Wanindara, dit privilégier les livres que les planchettes. « Nous, dans notre centre pour la formation des enfants, on utilise les livres coraniques. Les plus petits utilisent les chapitres (communément appelés Djouzou), les plus grands étudient avec le coran intégral. Cette situation s’explique par la rareté à Conakry des feuilles de nettoyage des planchettes, de l’encre et des plumes. C’est très compliqué de trouver tout ça à Conakry. Néanmoins, je reconnais que l’usage des planchettes a d’énormes avantages pour l’apprentissage des enfants », a expliqué ce formateur.

Ahmadou Kindy Bah, fondateur du centre Abbdoulah Ibn Abass de Koloma, gère des enfants et des adolescents répartis en plusieurs groupes. Ici, les deux formes d’apprentissage sont appliquées. Les débutants utilisent les planchettes et les plus grands étudient avec les livres. Le maître coranique pense qu’il est mieux de commencer par le bois avant d’atterrir sur le livre Saint. « Nous avons deux méthodes appropriées à chaque catégorie. Pour les plus petits qui ne savent entretenir un livre, on leur donne les planchettes, d’abord pour perpétuer la tradition, car la plupart des formateurs actuels ont commencé par les planchettes. Il y a trois niveaux avec l’apprentissage sur les planchettes : le 1er qui correspond à l’enseignement de l’alphabet, le 2ème c’est l’étude des syllabes et le troisième c’est la combinaison des deux premiers niveaux. C’est après que l’enfant a franchi ces trois niveaux qu’il commence à utiliser le livre physique. La planchette facilite la compréhension de l’apprenant et ça l’aide beaucoup dans l’écriture des caractères arabes », a-t-il souligné.

Il y a cependant ceux qui soutiennent que peu importe la nature de l’outil utilisé. C’est le cas de Mamadou Diallo qui pense que l’objectif à atteindre reste le bon apprentissage de l’enfant. « Pour moi, l’essentiel c’est la bonne compréhension de l’enfant. Qu’on utilise le livre ou la planchette, l’important c’est la maîtrise. Les formateurs doivent aussi pouvoir bien prononcer les lettres car vous savez bien que la langue arabe est différente de nos langues à nous. C’est à nous les maîtres que reviens cette responsabilité de transmettre le savoir islamique comme il le faut aux enfants… ».

Mamadou Oury Sow, un jeune adolescent, a débuté l’apprentissage du Coran par la planchette dont il explique les avantages. « Je lisais le Coran au début sur les planchettes, c’est là que j’ai appris à écrire et par la suite j’ai eu une compréhension facile. Actuellement, je récite très bien le coran sans aucun problème ».

Par contre, Amadou Barry n’a pas eu la chance d’apprendre le Coran sur les planchettes à ses débuts. « Mes parents m’ont envoyé dans un centre de formation coranique quand j’étais petit. Là-bas, les maîtres n’utilisaient que les livres physiques. Je lis bien le coran mais je ne sais pas écrire. Le mieux, c’est d’apprendre les deux, je crois. J’aurais aimé pouvoir le faire, mais malheureusement c’est un peu tard maintenant », a-t-il regretté.

Mamadou Tanou Bah pour Guineematin.com

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