Labé : le nouveau procureur met les officiers de police judiciaire contre la corruption et la concussion

Au cours d’une rencontre organisée, vendredi, dans la salle d’audience du Tribunal de Première Instance (TPI) de Labé, le nouveau procureur de la République près de cette juridiction de jugement a prévenu les officiers de police judiciaire placés sous son autorité que  rien ne sera plus comme avant, rapporte un correspondant de Guineematin.com à Labé.

Dans le cadre de sa prise de contact avec les différents acteurs de la chaine pénale, le nouveau procureur de la République près le Tribunal de Première Instance (TPI) de Labé, Abdoulaye Israël Kpogomou a reçu, vendredi, les officiers de police judiciaire venus de la police, de la gendarmerie, de la douane et de la section des eaux et forêts ainsi que le personnel de l’administration pénitentiaire évoluant dans la commune urbaine.

Prenant la parole les premiers, les officiers de police judiciaire ont, à travers certains chefs des unités de sécurité de la place, dénoncé les interférences des autorités locales auxquelles ils sont régulièrement confrontés dans la conduite des enquêtes de police. Ils ont aussi sollicité des sessions de renforcement des capacités.

Abdoulaye Israël Kpogomou, nouveau procureur de Labé

Au cours de sa communication de circonstance, le nouveau procureur de la République près le Tribunal de Première Instance (TPI) de Labé, Abdoulaye Israël Kpogomou a rappelé que les officiers de police judiciaire constituent « un maillon essentiel de la chaîne pénale. Tout commence par vous. Comme vous le dites dans votre jargon, c’est vous qui nous envoyez la matière première. C’est vous qui constituez le bras armé du parquet. Lorsque le procureur reçoit des informations, lorsqu’une dénonciation est faite, lorsqu’il reçoit une plainte, s’il le juge nécessaire c’est à vous qu’il transmet ces plaintes afin que vous procédiez aux investigations qui seront suivies de l’établissement d’un procès-verbal, après bien sur avoir recherché les auteurs des infractions, réuni les preuves…

C’est pour vous dire que nous ne pouvons pas travailler sans vous. Raison pour laquelle la collaboration entre vous et nous doit être franche et sincère. Il ne faut pas tourner autour du pot. A Mafanco, je gérais 40 services d’enquêtes. Je recevais au minimum 350 appels par jour. C’est pour vous dire par là que la collaboration doit être étroite entre vous et nous. L’officier de police judiciaire doit communiquer régulièrement avec le chef du parquet. Je suis votre interlocuteur direct sur la chaine pénale. Vous avez dit tantôt que vous avez deux hiérarchies : la hiérarchie administrative et la hiérarchie judiciaire. Mais, lorsque nous sommes dans le domaine pénal, vous n’avez d’interlocuteur que le procureur de la République. C’est vrai. Il faut le dire clairement.

Dans la collaboration, il y a des problèmes qui peuvent subvenir. Nous sommes des êtres humains. Nous sommes des pères de familles, il y a des interférences qui peuvent intervenir. L’officier de police judiciaire, dans la gestion d’une procédure pénale, peut parfois recevoir un appel de ses hiérarchies administratives. Il peut recevoir des pressions venant de ses voisins, venant de sa famille. C’est humain, c’est naturel. Toutefois, il doit toujours tenir informer le procureur de la République. Vous ne devez prendre aucune initiative sans avoir préalablement informé le procureur de la République qui est d’ailleurs le véritable directeur des enquêtes », a expliqué Abdoulaye Israël Kpogomou.

Pour rassurer qu’il ne va pas laisser de répit aux officiers de police judiciaire placés sous son autorité, le nouveau procureur de la République près le Tribunal de Première Instance (TPI) de Labé, Abdoulaye Israël Kpogomou a annoncé une tournée de contrôle et de vérification dans les différents services de police judiciaire, dès la semaine prochaine.

« La loi impose au procureur de la République de se déplacer et d’aller au contact de ses collaborateurs OPJ, de vérifier les violons, de contrôler les mesures de garde-à-vue et de l’état même des locaux qui abritent les personnes gardées à vue. Vous allez le savoir, je suis très attaché aux respects des droits de l’homme. Au-delà d’être magistrat, je suis un activiste des droits de l’homme. Je ne badine pas avec le respect des droits de l’homme. C’est pourquoi, je serai très rigoureux, très regardant relativement au respect des mesures de garde-à-vue. Au respect des délais de garde-à-vue. Je serai très regardant aussi relativement à l’état dans lequel se trouve les différents violons. Vous me verrez sur le terrain, vous verrez sur le terrain monsieur Gamy qui est mon substitut » a-t-il ajouté.

Revenant sur le cas des interférences intempestives des autorités locales dénoncées par les officiers de police judiciaire de Labé, le procureur Abdoulaye Israël Kpogomou a révélé  que la pratique est plus intense à Conakry qu’à l’intérieur du pays.

« Mais, avec une collaboration franche, il y a toujours une solution à toutes ces interférences. C’est de se référer au procureur de la République, parce que ce que vous savez déjà, est que chaque milieu a sa politique pénale. On ne peut pas appliquer la loi à Labé de la même manière qu’à Conakry. Les réalités ne sont pas les mêmes. Les réalités varient en fonction des milieux. C’est pourquoi, il y a ce qu’on appelle la politique pénale adaptative » a-t-il insisté.

Par rapport aux justiciables, le procureur présume qu’il a à faire « à des collaborateurs qui sont très intègres, parce qu’il y a un aspect sur lequel il faut marteler. Quand on parle de justice dans ce pays, la première des choses qui ressort, on va vous parler de corruption, de concussion. Quand on dit justice, il ne s’agit pas seulement de magistrats. Nous sommes tous dans le même bateau. C’est la chaine pénale. Surtout la chaine pénale qui est la plus vue d’ailleurs. C’est pourquoi je vais vous demander de faire des efforts. Je présume que vous êtes des officiers de police judiciaire très professionnels, vous êtes des collaborateurs très professionnels. Mais, faites des efforts, faites davantage d’efforts. Lorsque les citoyens viennent vers vous, faites convenablement votre travail. Sans contrepartie. La contrepartie de tout ce que nous posons comme acte, c’est le salaire que nous recevons à chaque fin du mois. Sachez-le, le justiciable parle. Même s’il vous donne quelque chose entre les 4 murs, sachez qu’il parlera de ça » a-t-il rappelé avant de souligner que lorsqu’un cadre fait bien son travail, sans contrepartie, avec professionnalisme, avec intégrité, le justiciable n’est pas ingrat.

« Il reviendra toujours vous dire merci. Même si ce n’est pas le même jour, même si c’est après un mois, un an, il reviendra toujours vers vous. Et il fera votre griot partout où il ira. Il dira que j’ai rencontré un officier de police judiciaire très professionnel, très intègre qui a fait son travail conformément à la loi. Je veux que nous travaillions dans cette logique. Mais, qu’on ne me dise pas qu’un justiciable a saisi un service d’enquêtes et qu’on lui a dit de payer tel ou tel montant en contrepartie du travail. Là, je ne serai pas du tout content, parce que partout où je suis passé, j’ai marché avec ces principes-là ».

Il semble aussi que la politique pénale du parquet général a radicalement changé.

« Vous entendez souvent les retraits d’habilitation. Il y a des poursuites judiciaires qui sont même programmés contre certains officiers de police judiciaire, après ces vacances judiciaires. Et les choses se sont empirées en matière de rigueur. Actuellement, le parquet est allé très loin. Lorsque le parquet général prend des mesures de retrait d’habilitation, l’officier de police judiciaire perd son poste » a-t-il prévenu.

Pour en convaincre, il a cité le cas du commissaire central de Gbessia.

« Un monsieur très loyal, mais, je me demande qu’est-ce qui est arrivé. Il est tombé dans un piège. Et moi, j’ai été interpellé par le parquet général. Je l’ai fait venir. On lui a posé la question de savoir s’il a informé le procureur de la République. Il a versé des larmes. Il a dit qu’il ne m’a pas informé. Je l’ai défendu, mais je ne pouvais pas aller jusqu’au bout. Mais du moment où il a fauté, les dispositions ont été prises. Son habilitation lui a été retirée. Heureusement qu’il n’a pas été poursuivi, parce que son chargé de police judiciaire est cité devant la chambre correctionnelle de la Cour d’Appel. Ils seront poursuivis. Et les heures qui ont suivi, ils ont perdu leurs postes », a-t-il conclu.

Depuis Labé, Idrissa Sampiring DIALLO pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 622 269 551 & 657 269 551 & 664 46 71 71

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