Baisse des devises et hausse des prix en Guinée : voici les explications de Dr Alhassane Makanéra Kaké

Depuis quelques temps, les devises étrangères connaissent une dépréciation par rapport au franc guinéen. Cette situation n’empêche pas la hausse de des produits de consommation courante sur le marché en Guinée. Selon des spécialistes, de nombreux facteurs expliquent cet état de fait et notre pays doit trouver des solutions palliatives. C’est ce qu’a laissé entendre Dr Alhassane Makanéra Kaké, professeur en Finances Publiques, interrogé cette semaine par Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Qu’est-ce qui est à la base de cette différence entre la montée de la valeur du franc guinéen et l’augmentation des prix sur le panier de la ménagère ? Pour Dr Alhassane Makanéra Kaké cette situation est certes paradoxale, mais de nombreux facteurs expliquent cette situation.

Alhassane Makanéra KAKÉ, professeur en finances publiques

« Globalement, si on fait une observation banale superficielle, nous n’allons pas comprendre pourquoi la valeur du franc guinéen ou le franc guinéen s’apprécie et que le panier de la ménagère ressent autrement. C’est-à-dire, notre monnaie prend de la valeur et les prix augmentent. Logiquement, ce qui est concevable, si notre monnaie s’apprécie ; normalement, les prix baissent. Mais en Guinée, il faut faire très attention lorsqu’on s’intéresse à cette observation banale et simpliste. Pour faire baisser le prix, il faut au moins que 5 facteurs puissent intervenir en Guinée. D’abord, nous savons que la banque centrale ne met pas à la disposition des commerçants la devise. Donc, ces derniers achètent la devise sur le marché national. Ensuite, ils doivent aller acheter la marchandise, ils vont payer le transport, il y a le dédouanement et autres frais, mais si vous regardez les cinq éléments que nous avons identifiés, à savoir l’achat de la devise ; ça, on constate que vraiment le franc guinéen aujourd’hui, se porte très bien vis-à-vis non seulement du dollar, mais aussi et surtout l’euro. Mais là aussi, ça s’explique. C’est que si vous regardez très bien la politique de ceux qui ont de l’argent en Guinée, il ne faut pas mettre la devise en banque. Quand on veut garder l’argent, on préfère transformer en devise, changer en devise et garder sur soi pour attendre les moments les plus difficiles. Qu’est-ce qui se passe aujourd’hui ? Avec la rareté du franc guinéen dû surtout à la politique de gestion des finances publiques qui essaie de lutter contre la corruption, qu’est-ce qui va se passer ? Ceux qui ont amassé beaucoup d’argent et qui l’avaient en devise mettent cet argent sur le marché. Malheureusement, du fait que la demande de la devise est faible, parce qu’il y a très peu de transactions qui se font compte tenu de plusieurs raisons (covid-19) ainsi de suite. Qu’est-ce qui va se passer ? Il y a plus de devise sur le marché noir que ceux qui achètent la devise. On vend beaucoup plus qu’on achète par le mécanisme simple du marché. Lorsque l’offre est supérieure à la demande, les prix baissent. Quand vous donnez beaucoup plus de quantité que ce dont les gens ont besoin, vous êtes obligés de réduire le prix. C’est exactement ce qui se passe. Donc, le problème est réglé. C’est ce qu’on sait pourquoi le franc guinéen s’apprécie. Ce n’est pas lié à une politique économique directe, mais plutôt à une politique budgétaire restrictive qui fait que l’argent qui a été thésaurisé en devise. Cet argent sort aujourd’hui et ça inonde le marché par rapport au franc guinéen », a-t-il indiqué.

Alhassane Makanéra KAKÉ, professeur en finances publiques

Le professeur en finances publiques ajoute en disant que la Guinée est loin de finir avec la hausse des prix des produits sur le marché. Parce que, dit-il, le gouvernement n’a pas la maîtrise de plusieurs facteurs liés à cela. « Ce n’est pas maintenant là où tout de suite que nous allons dire qu’on pourrait maîtriser le prix de nos produits, c’est pas tout de suite, parce que beaucoup de facteurs qui interviennent dans le mécanisme de fixation des prix ne sont pas maîtrisés par le gouvernement. Et surtout, il y a des facteurs exogènes. La guerre en Ukraine, la Guinée ne peut pas réduire cette question. La Guinée ne peut pas faire baisser les prix sur le marché international, mais peut trouver quand-même des palliatifs sur le plan interne. C’est là où la réflexion est importante sur comment réduire la charge ou comment aider à ce que le pouvoir d’achat soit amélioré ou même maintenu. Mais ça, ce sont des solutions internes qu’il faut trouver. Mais sur le plan extérieur, on subit, c’est comme si on dit, il pleut, vous ne pouvez pas faire arrêter la pluie, mais vous pouvez quand-même vous munir de manteau ou de parapluie ou vous abriter ailleurs. Donc, je veux dire, on ne pourra que par rapport au prix et qui augmente sur le marché international, c’est de trouver des palliatifs. Mais on n’a ni la compétence et on ne doit ni avoir la volonté de vouloir changer cela. C’est plus fort que nous, mais on doit plutôt vivre avec, comment vivre avec ? C’est cette solution que nous devons trouver », a-t-il déclaré.

Ansou Baïlo Baldé pour Guineematin.com

Tel : 622 56 11 82

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