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Amadou Diallo, ancien journaliste de la BBC : « Diallo Souleymane est la constance et le refus de la peur »

La presse guinéenne s’apprête à rendre un grand hommage au doyen Souleymane Diallo, un imposant monument de la sphère médiatique guinéenne et fondateur du Groupe Lynx-Lance. Ce journaliste dont la ténacité, le mérite, le courage, l’indépendance et la constance n’ont jamais failli depuis plus de trois décennies a été et demeure l’un des vaillants combattants de la liberté de la presse en Guinée. Et, c’est pour toutes ces qualités et son combat pour le rayonnement d’une presse guinéenne libre et indépendante que Souleymane Diallo va être célébré demain, samedi 29 octobre 2022, par les professionnels de médias en Guinée.

Cette célébration, initiée par Sanou Kerfala Cissé, le directeur général du Groupe Afric Vision, consiste à honorer à titre anthume cette icône de la plume en Guinée.

Pour Amadou Diallo, ancien journaliste de la BBC, Souleymane Diallo est toujours allé à la recherche de l’information. Et, même les sujets périlleux -où le risque de perdre la vie est évident- n’ont pas fait reculer ce journaliste.

« J’ai connu Diallo Souleymane en 1992 lorsqu’il a lancé le journal Le Lynx à Conakry. J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour Diallo Souleymane. Et, nos rapports sont restés beaucoup plus professionnels… J’ai fait des reportages extrêmement difficiles, extrêmement sensibles et périlleux avec lui. Le premier grand reportage que j’ai fait avec Diallo Souleymane et qui était périlleux et dangereux, c’était en 2005. Parce qu’en 2005 nous étions en ville, probablement au siège du Lynx, et nous avons appris que le cortège du Général Lansana Conté (président de la République de Guinée de 1984 à 2008) a été attaqué à Cosa (dans la commune de Ratoma). C’était une grosse nouvelle ; et, en tant que correspondant de la BBC, je ne pouvais pas balancer une nouvelle comme ça. Il fallait vérifier et revérifier l’information. Et, la meilleure façon de vérifier l’information est d’aller sur le terrain pour avoir des témoignages… Donc, je me suis retrouvé à Cosa avec Diallo Souleymane. Les bérets rouges de la garde présidentielle avaient été déployés sur les lieux. Mais, chacun de nous a essayé de collecter le maximum d’informations qu’il pouvait. Donc, c’est le premier grand reportage que j’ai fait avec Diallo Souleymane… Le second, c’est en 2007 avec l’insurrection populaire contre le régime du Général Lansana Conté où il y a eu des morts, surtout le lundi 22 janvier 2007. Ce jour, le pouvoir avait déployé au pont 8 novembre ses éléments les plus répressifs. Ce jour-là nous pouvions mourir, parce que les balles sifflaient de partout. Donc, ces deux reportages avec Diallo Souleymane m’ont vraiment marqué », a expliqué Amadou Diallo.

A en croire cet ancien journaliste de la BBC, Souleymane Diallo est « le refus de la peur ». Mais, c’est aussi un homme qui aime son indépendance et sa liberté.

« Chez Diallo Souleymane, ce qui m’a marqué, c’est que ce monsieur ne connaît pas la peur. En tout cas, jamais je ne l’ai vu apeuré. Avec ces deux exemples que j’ai cités, je n’ai pas vu la peur sur son visage. Je l’ai vu aussi à la barre en train d’être jugé, je l’ai vu également devant les policiers en 1996. Mais, je n’ai pas vu en lui l’homme qui a peur… Souleymane Diallo, si on veut le présenter, je dis que c’est l’homme qui refuse la peur. Je le définis comme le refus de la peur. C’est un homme qui aime son indépendance, sa liberté. Parce que le premier poste qu’il a eu, c’était à Horoya, le quotidien gouvernemental sous la révolution. Et, travailler à Horoya pendant la révolution, c’était travailler pour la révolution. Mais, lorsque le doyen Souleymane a vu qu’il n’avait pas son indépendance, sa liberté, à Horoya, il a démissionné sans dire qu’il démissionne. Parce qu’à l’époque, vous ne pouviez pas dire que vous démissionnez. Parce que si vous l’annonciez, ce qui vous attendait surement était le camp Boiro. Donc, il s’est exilé. Il a pris la route, il a traversé les frontières et il est allé en Côte d’Ivoire. Mais, au début des années 90, il regagne la Guinée avec d’anciens amis à lui exilés en Côte d’Ivoire et ils lancent la Nouvelle République de Bah Mamadou. Mais, Souleymane Diallo trouve que Bah Mamadou est très possessif et qu’il n’a pas sa liberté avec lui au sein de la rédaction. Donc, Souleymane et ses amis quittent la Nouvelle République et décident de créer un journal. Mais, ils n’avaient pas les moyens. Donc, Souleymane repart en Côte d’Ivoire pour trouver les moyens. Il y fait des stages, des formations. Et, lorsqu’il a fini de réunir les moyens, il est rentré en Guinée. Et, en 1992, il lance Le Lynx. Mais, en 1993, puisque le régime trouvait que Le Lynx était dérangeant (…), le pouvoir manœuvre pour envoyer Souleymane siéger au CNC (conseil national de la communication). Et, quand vous siégez au CNC, vous ne pouviez pas avoir une activité parallèle. C’était incompatible. Ce qui veut dire que Souleymane ne pouvait plus s’occuper du Lynx. Donc, il va y siéger contre son gré, mais il ne fera pas plus de 8 à 9 mois. Parce qu’il se rendra compte que c’était un piège… Il va donc démissionner du CNC et retourne s’occuper de son journal Le Lynx. En ma souvenance, en 1993, il n’y avait pas un intellectuel et fonctionnaire guinéen qui avait démissionné du régime Lansana Conté, à part Jean Claude Diallo qui était ministre de l’information en 1985. Je parle de tout ça pour vous dire que c’est un homme qui aimait son indépendance et sa liberté et qui est constant », a indiqué Amadou Diallo.

Pour de nombreux journalistes en Guinée, le doyen Souleymane Diallo est un exemple de probité, de courage et de détermination. Et, il est l’un des combattants et des pionniers de la liberté de la presse dans le pays. Amadou Diallo assure que Souleymane Diallo a été l’un des rédacteurs de la première sur la presse en Guinée.

« Diallo Souleymane a beaucoup apporté à la presse guinéenne. Il s’est battu bec et ongle pour que nous ayons une presse libre et indépendante. Parce que sa détermination, sa constance, son audace ont fait qu’il a créé un journal qui est resté indépendant des pouvoirs publics, mais aussi des partis politiques. Et, c’est pour ça que le journal continue d’exister. Diallo Souleymane est allé en prison par deux fois, il n’a pas renoncé. Et, la plupart des journalistes qui ont créé des journaux ont été formés chez Souleymane. Donc, il a énormément apporté sur le terrain médiatique et sur l’élaboration des lois. Parce que Souleymane Diallo faisait partie des rédacteurs de la première loi sur la presse en Guinée, de même qu’il faisait partie des rédacteurs de la loi L002 qui gouvernent actuellement le fonctionnement de la presse en Guinée et qui dépénalise les délits de presse. Donc, ce monsieur a apporté beaucoup ; et, c’est l’une des raisons pour lesquelles on le célèbre », a déclaré Amadou Diallo.

Mamadou Tanou Bah pour Guineematin.com

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