Incarcération de Kabinet Sylla : ses avocats dénoncent « une pratique d’un autre âge » contre laquelle ils vont se battre

Le PDG du groupe Djoma, Kabinet Sylla, connu sous le nom de Bill Gates, a été inculpé et placé sous mandat de dépôt à la maison centrale jeudi dernier par la Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief). Il est accusé de corruption dans le secteur privé, détournement de deniers publics, recel de fonds publics, enrichissement illicite, concussion, abus d’autorité, blanchiment de capitaux et complicité. Le pool d’avocats qui défend l’ancien Intendant à la Présidence sous le régime Alpha Condé, composé de Me Joachim Gbilimou, Me Lanciné Sylla, Me Almamy Samory Traoré, dénonce cette évolution judiciaire du dossier.

A travers une déclaration rendue publique ce samedi 5 novembre 2022, les avocats promettent de se battre avec la dernière énergie contre cette pratique « d’un autre âge ».

Guineematin.com vous propose, ci-dessous, cette déclaration :

En notre qualité de conseils de Monsieur Kabinet Sylla, actionnaire unique de la société Group Djoma S.A, inculpé et placé en détention préventive le 03 novembre 2022, avons l’honneur de porter à la connaissance de l’opinion nationale et internationale ce qui suit :

Par réquisitoire introductif en date du 27 janvier 2022, Monsieur le Procureur spécial près la Cour de répression des infractions économiques et financières a saisi la chambre d’instruction de ladite Cour à l’effet d’ouvrir une information judiciaire contre Djoma S.A, Djoma Logistique et Djoma Groupe S.A pour des faits de corruption dans le secteur privé, détournement de deniers publics, recel de fonds public, enrichissement illicite, concussion, abus d’autorité, blanchiment de capitaux et complicité.

S’étant aperçue qu’il n’existait au dossier de la procédure aucun indice grave ou concordant permettant d’inculper ces personnes morales, la chambre d’instruction de la CRIEF a saisi la Direction Centrale des Investigations de la Gendarmerie Nationale d’une commission rogatoire.

En exécution de cette commission rogatoire, cette direction a transmis à la chambre d’instruction trois (3) procès-verbaux d’audition de madame Traoré Fatoumata Diakité (administratrice générale de Djoma Group), un (1) procès-verbal d’audition de Monsieur Kabinet SYLLA, un (1) procès-verbal d’investigation (Douane), un (1) procès-verbal d’investigation (enrichissement) et le procès-verbal de synthèse en date du 21 Mars 2022.

Ces enquêtes sur commission rogatoire ont conclu qu’il n’existe aucune raison plausible de nature à entraîner des poursuites contre monsieur Kabinet Sylla et madame Traoré Fatoumata Diakité qui, d’ailleurs, ne sont pas visés par le réquisitoire de monsieur le Procureur spécial.

Suite à la transmission des procès-verbaux susvisés résultant des enquêtes sur commission rogatoire, nous avons reçu, en notre qualité de conseils de monsieur Kabinet Sylla et madame Fatoumata Diakité, la lettre de convocation en date du 15 avril 2022 à l’effet de se présenter avec nos clients susnommés à l’audience de première comparution devant la chambre d’instruction pour des faits de corruption dans le secteur privé, détournement de deniers publics, recel de fonds public, enrichissement illicite, concussion, abus d’autorité, blanchiment de capitaux et complicité.

Aussitôt, par acte daté à Conakry du 29 avril 2022, nous avons adressé aux Magistrats de la chambre d’instruction des observations dans lesquelles, nous avons relevé l’inexistence de tout indice grave ou concordant de nature à justifier une quelconque inculpation de nos clients et ce, sur le fondement de l’article 143 du Code de procédure pénale subordonnant, à peine de nullité, l’inculpation à l’existence d’indices graves ou concordants.

Face à la pertinence de ces observations, la chambre de l’instruction a renvoyé sine die cette audience en nous informant qu’elle nous appellera dès que nécessaire.

C’est dans ces circonstances que la chambre d’instruction a pris elle-même l’initiative de saisir la chambre spéciale de contrôle de l’instruction, par voie d’ordonnance N°069/CI/CRIEF/2022 en date du 09 mai 2022 intitulée « ordonnance aux fins de saisine de la Chambre spéciale de contrôle de l’instruction », à l’effet d’obtenir l’annulation du procès-verbal de synthèse en date du 21 mars 2022.

Par arrêt Nº018 en date du 05 juillet 2022, la Chambre spéciale de contrôle de l’instruction a déclaré irrecevable la demande d’annulation de la Chambre d’instruction et l’a renvoyée à mieux se pourvoir pour lui avoir soumis ladite demande par voie d’ordonnance alors qu’elle aurait dû le faire par voie de requête.

Il apparaît de tout ce qui précède qu’en sollicitant l’annulation du procès-verbal de synthèse en date du 21 mars 2022, la chambre de l’instruction de la CRIEF s’accorde avec monsieur Kabinet Sylla et madame TRAORE Fatoumata Diakité qu’il n’existe au dossier de la procédure aucuns indices graves ou concordants.

Il en est de même pour la partie civile, l’État guinéen qui, dans ses conclusions en date du 18 juillet 2022, avait lui aussi demandé l’annulation du même procès-verbal de synthèse.

Du coup, les conclusions de ce procès-verbal de synthèse qui est le reflet des éléments du dossier de la procédure et réalisé sous l’égide de la chambre de l’instruction, à travers la Direction Centrale des Investigations de la Gendarmerie Nationale font obstacle à toute inculpation dans la mesure où il est l’expression de l’inexistence de tous indices graves ou concordants.

D’ailleurs, cette annulation n’aurait jamais été demandée si les conclusions étaient en faveur des poursuites contre nos clients. Ce qui met en évidence la prééminence de la présomption de culpabilité ou détriment de celle d’innocence, pourtant seule consacrée par notre droit positif.

Toujours est-il, cette annulation n’a pas été obtenue.

Contre toute attente et alors qu’il n’existe aucun nouvel élément au dossier, postérieur au dépôt des conclusions dudit rapport, monsieur Kabinet SYLLA a été convoqué pour un interrogatoire de première comparution qui s’est tenu le 03 novembre 2022, au cours duquel, Il a été inculpé et placé en détention préventive en dépit de l’absence de tous indices graves ou concordants.

Tels sont, sur le plan juridique, les circonstances regrettables dans lesquelles, monsieur Kabinet Sylla a été, en toute illégalité, inculpé et placé en détention préventive. C’est pourquoi, nous, Avocats de Monsieur Kabinet Sylla dit « Bill Gates » dénonçons avec la dernière énergie cette pratique d’un autre âge qui n’est nullement en faveur de l’Etat de droit que nous entendons construire.

C’est même contraire au slogan des nouvelles autorités, selon lequel, « la justice serait la boussole sous cette transition »

Espérant que le droit finira par l’emporter sur l’arbitraire dont monsieur Kabinet SYLLA est victime aux yeux de tous car, nous, ses conseils, nous nous battrons jusqu’à la victoire finale. Pour preuve, à date, une requête aux fins d’annulation de son inculpation, une déclaration d’appel contre l’ordonnance de son placement en détention préventive et une requête aux fins d’examen immédiat de cet appel sont déjà déposées.

Vive l’Etat de droit.

Conakry, le 04 Novembre 2022

Le collectif

Me Joachim Gbilimou, avocat à la Cour

Me Lanciné SYLLA, avocat à la Cour

Me Almamy Samory Traoré, avocat à la Cour

Facebook Comments Box