Massacre du 28 septembre : « j’ai vu une femme en soutien-gorge, le sang qui coulait de ses cuisses » (Baadiko)

Le procès du massacre du 28 septembre 2009, qui a commencé le 28 septembre dernier au tribunal criminel de Dixinn délocalisé à l’enceinte de la Cour d’Appel de Conakry, tient actuellement en haleine toute la Guinée et même au-delà, grâce notamment au passage à la barre du commandant Aboubacar Diakité dit Toumba, ancien aide de camp de Moussa Dadis Camara, succédé depuis hier, lundi, par le capitaine Cécé Raphaël Haba. Interrogé à ce sujet en fin de semaine, Honorable Mamadou Baadiko Bah, le président de l’UFD (Union des forces démocratiques) a accepté de nous replonger dans son vécu de ce lundi noir à Conakry, le crime qui a arraché à notre affection au moins 157 de nos compatriotes, massacrés par des éléments de la junte militaire guinéenne de l’époque, dirigée par le Capitaine Moussa Dadis Camara, ainsi que le viol en plein air de plusieurs dizaines de filles et femmes. 

Le bilan de la répression qui a suivi ladite manifestation du lundi 28 septembre 2009 fait état d’au moins 157 personnes tuées, de plus de 100 femmes violées et des milliers de blessés.

Dans son témoignage, Honorable Mamadou Baadiko Bah, président de l’UFD, a raconté ce qui s’est passé ce jour fatidique. « Le matin du 28 septembre 2009, on s’est retrouvés chez le doyen Jean-Marie Doré avec tous les responsables des partis politiques qui formaient la coordination des forces vives. C’était vers 8h et 8h30 qu’on a vu arriver les religieux qui étaient venus soi-disant de la part du CNDD pour demander d’annuler la manifestation. Le doyen Jean-Marie Doré m’en a parlé, je lui ai dit que toute la population est déjà mobilisée, si on ne veut pas perdre notre crédibilité, je ne vois pas comment on peut reporter cette mobilisation alors que les gens sont déjà sur le terrain. Donc, on l’a laissé avec les religieux discuter et nous nous sommes dirigés à pied de son domicile pour aller vers le stade. On est donc arrivé au niveau de l’université, la petite rue qui descend vers Camayenne, où on a raconté des gendarmes. C’est après que j’ai su que c’était le Colonel Tiegboro. On s’est retrouvés face à face, ils nous ont barré la route et le Colonel Tiegboro nous a dit qu’il ne faut pas aller à la manifestation, ce n’est pas bon, il faut retourner. On lui a dit, non monsieur, nous irons. Après, il y avait déjà quelques échauffements dans nos rangs, mais à ce moment-là, il n’y avait pas eu d’affrontements à ce niveau-là lorsqu’on marchait vers le stade », a expliqué le leader politique.

À leur arrivée devant le stade du 28 septembre de Dixinn, Mamadou Baadiko Bah que les leaders ont trouvé les portails clos. Il a fallu forcer la rentrée pour y avoir accès. « On est entrés, tous les dirigeants politiques ont été installés à la tribune, nous étions là. Il y avait des discours qui se tenaient, il y avait une atmosphère bon enfant ».

En croire le président de l’UFD, les militaires ont fait irruption dans le stade, en ouvrant le feu. « Et puis, bizarrement, à un moment, on a vu des bérets rouges dans le stade et des gens qui tombaient. On pensait que c’était même des gens qui faisaient des acrobaties tellement qu’ils étaient contents alors qu’en fait c’était des gens sur lesquels on avait tiré. Tout d’un coup, on a vu des gens qui avaient les bérets rouges sauter sur notre rangée. Nous étions assis là et le désordre a commencé. Il y a eu des gens à ma gauche qui ont été blessés, d’autres sur ma droite qui étaient blessés aussi. J’ai sauté sur ma rangée, je suis allé sur l’autre. On a couru pour chercher la sortie puisque ça criait de partout. C’est là que j’ai vu Mamoudou Soumah ensanglanté, il a dû recevoir un gros coup de crosse sur la tête et j’ai vu également mon ami adversaire politique Ahmed Tidiane Traoré du RPG, un frère et un ami, qui était ensanglanté aussi. Et c’est là que j’ai vu une femme d’abord qui était en soutien-gorge avec un simple short avec le sang qui coulait sur ses cuisses. Ça courait dans tous les sens et j’ai vu une autre femme également qui criait, qui n’avait même pas de soutien-gorge, qui était en pantalon jean et qui criait ‘’Eh Allah’’. C’est là où on s’est échappé mais nous n’avons pas identifié les gens qui sont venus sur la rangée où on a été agressé. C’est Dieu seul qui sait comment je me suis échappé, j’ai couru et je suis rentré chez moi à Hamdallaye », dit-il.

Sur le passage de Marcel Guilavogui, du Colonel Moussa Tiégboro Camara et du Commandant Aboubacar Toumba Diakité, notre interlocuteur dit espérer que toute la vérité sera dite. « Je peux vous dire que les débats nous apprennent beaucoup de choses. Il y avait beaucoup de zones d’ombre, et comme c’est un procès et qu’on est parti au procès, ni témoin, ni autre chose, il y a encore beaucoup de questions qui se posent mais je me garderai bien de vous le dire. Tout ce qu’on espère, c’est que la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, toutes les responsabilités seront établies. Il faut qu’on arrête de nous dire qu’il y a eu 157 morts dont 56 corps non retrouvés, des viols publics et des femmes enlevées pour être violée en maison close par des gens en armes et qu’il n’y a pas de criminels. Il faut que ça s’arrête, il ne faut pas mystifier les gens. Tous ces crimes abominables qui ont amené les gens à ce procès, il faut qu’on trouve non seulement les acteurs, les auteurs mais aussi leurs commanditaires », a-t-il souhaité.

Mamadou Yahya Pétel Diallo et Ibrahima Bah pour Guineematin.com

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